Présidente déléguée de Lyon ASVEL Féminin depuis mars 2017 après avoir été basketteuse professionnelle, Marie-Sophie Obama fait le point sur sa présence, sa légitimité et les obstacles franchis depuis son arrivée au club rhodanien. Propos recueillis par Léa Borie
Women sports : quel regard portez-vous sur votre parcours ?
Marie-sophie obama : Rien n’était prévu dans mon esprit. Les choses ont pris une tournure surprenante. Je n’avais jamais pensé à gravir les échelons du basket. Je ne parlerais pas d’opportunité, je n’aime pas ce mot, mais mon parcours a été jalonné de rencontres et de coups de cœur, comme avec Tony (ndlr : Tony Parker).
Vous avez accepté la proposition de Tony Parker d’intégrer le Lyon ASVEL féminin Que retenez-vous de cette décision ?
L’année 2017, marquée par mon arrivée à Lyon, a été décisive. Je n’envisageais pas du tout de revenir au basket à l’époque. Pour moi, j’étais sortie du circuit. Mais l’aventure humaine avec Tony Parker nous a portés vers de nouveaux horizons. Il a fallu prendre une décision importante, de couple notamment, car nous avions vécu déjà beaucoup de déménagements, d’Aix-en-Provence à Calais, en passant par Bordeaux… Je suis arrivée avec un regard neuf ici. Je suis ravie de m’être tournée vers un poste de décideur, c’est un bon domaine d’expression pour moi. J’aime l’idée de pouvoir initier à mon tour. Avec Tony Parker, on peut désormais se dire qu’on renvoie ce qu’on a reçu. Et je pense que c’est une chance pour ce club lyonnais d’avoir de grands champions qui ont envie de s’investir.
A votre arrivée au club, comment avez-vous pris vos marques ?
Quand je suis arrivée, la saison allait se terminer, l’équipe luttait pour le maintien, le bateau coulait. On a mis des rustines partout. Nous étions en situation extrême, on est allé à l’essentiel. La priorité est allée au sauvetage sportif et on a fait un état des lieux financier. Mais cette période était intéressante avec le recul : c’est là où l’on a pu voir sur qui on pouvait compter, où on allait pouvoir aller et avec quelles personnes.
Et comment ça se passe au quotidien au club aujourd’hui ?
Je me suis fait ma place assez naturellement. Tony Parker est le président, il n’y a aucune ambiguïté, il gère l’aspect sportif, mais au quotidien, c’est moi la dirigeante opérationnelle qui gère le financier, le marketing, la communication… et qui représente le club à l’échelle locale. Je me demande souvent si je suis fidèle à ce qu’il aurait fait à ma place, au message qu’il veut faire passer. Il reste très présent, on s’appelle tous les jours et l’on fait un point sur tout.
Comment percevez-vous votre travail de management ?
Je n’ai pas la pression de la décision, ça vient naturellement. Je me laisse davantage conduire par mon cœur que ma tête. Mais je travaille mon rôle de manière très collective. Je ne suis pas pour le management vertical. On a défini nos valeurs, ce pour quoi on s’engage, donc je considère que les recadrages ne pourront advenir que si cette logique de valeurs n’a pas été respectée.
En mai 2018, vous avez vécu l’élimination de votre équipe en demi-finale du championnat face à bourges. Quels sont vos espoirs pour le club désormais ?
On a l’espoir d’aller en finale et en Euroligue. Mais on a aussi pour grande ambition de faire davantage connaître le basket, d’avoir le plus de partenaires possibles pour atteindre l’équilibre dans notre modèle économique. Je sais qu’il reste encore beaucoup de choses à faire. Mais quand je me retourne, je vois qu’on a posé les jalons. Il ne faut pas qu’on regarde le sommet de la montagne car on gravit une pente à 10° mais c’est encourageant. Tous les efforts ne payent peut-être pas tout de suite mais on y croit. C’est la Foi qui parle ! Et j’essaye aussi de défendre les performances féminines.
Défendre les performances féminines ? Comment vous y prenez-vous ?
On a initié le festival « Lyon gagne avec ses femmes » en septembre dernier, un événement axé leadership, et on a créé l’association «Les Lumineuses». Je pense que c’est important de jouer les porte-voix. J’entends contribuer au décloisonnement de la place des femmes dans la société, comme cela a été fait avec l’OL féminin. Ceci étant, il me semble qu’on a davantage de liberté de décision car nous ne dépendons pas de la branche masculine de l’ASVEL.
Qu’espérez-vous concrètement comme changement de regard sur le basket féminin ?
Le basket féminin est encore trop confidentiel à mon goût. Par rapport au football féminin, on est encore bien trop loin. Je ne veux pas adopter une posture victimaire, mais il faut qu’on trouve le créneau qui nous permettra d’exister. Certaines basketteuses sortent du lot, mais ça ne sert pas la cause de manière continue. Je réponds présente à un évènement à la FIFA en juillet prochain parce que je suis persuadée qu’il faut aller au-delà de notre discipline pour lui servir.
Le prisme féminin englobe plus qu’il ne cloisonne, avec toutes ses sensibilités. Des sensibilités à faire valoir qui ne s’expriment pas assez dans notre société.
Si vous aviez été un homme, vous auriez perçu cette gestion différemment ?
Oui, je pense qu’il y a moins d’enjeux, de pression sociale à être un boss masculin. On est conditionné à cette idée, mais il faut se libérer de ça. C’est aussi pour ça que je m’investis à l’International Women’s Forum. A l’inverse, les femmes n’ont pas nécessairement besoin de se sentir boss pour manager, c’est plus collégial.
Comment avez-vous vécu votre transition hors du terrain dans les années 2000 ?
J’ai vécu ce qu’on appelle la petite mort de la vie post-sportive. Mais ça a été une transition en douceur car mon agent m’avait proposé de travailler avec lui. J’ai découvert une nouvelle vision du sport. En 2012, lorsque le club a coulé, je suis devenue agent commercial dans l’immobilier, jusqu’en 2017. De cette période sans basket, je retiens une expérience très formatrice, notamment en qualité de conductrice de projet. Et une certaine respiration aussi. Le sport de haut niveau conditionne notre rythme familial, notre quotidien. Quand on n’a connu que ça, difficile d’imaginer autre chose. Mais d’avoir vu d’autres horizons fait qu’aujourd’hui je me sens libre, et même libérée de mes peurs par rapport à ça.
Marie-Sophie Obama : une place de décideuse
A 38 ans, Marie-Sophie Obama occupe un poste à responsabilité en tant que bras droit de Tony Parker. Le basket, elle l’a dans la peau. A 12 ans, elle rejoint le Centre de formation de Mirande. Cette jeune carrière prometteuse la portera, quelques années plus tard, en 2003, à décrocher le titre de championne d’Europe à Aix-en-Provence.
En 2006, à 26 ans et « sans frustration », elle tourne la page de sa carrière sportive. Elle souffre de myélite et est enceinte de son 2e enfant. Elle se tourne alors vers le milieu immobilier, tout en continuant de jouer au basket en loisir… Avant de recevoir un coup de fil de Tony Parker qui l’invite à rejoindre l’équipe lyonnaise de basket où elle opère aujourd’hui depuis bientôt 2 ans.