Le sport favorise le développement psychologique et l’estime de soi. Mais la compétition est un intense moment de stress pour le noyau familial. Les parents supportent les contraintes physiques et mentales de leur progéniture. Mais jusqu’à quel point peuvent-ils le faire ? Le point avec Philippe Godin, psychologue du sport. Par Léa Borie

Les parents jouent un rôle primordial dans la réussite sportive comme dans l’échec de leur enfant. Pas facile de savoir comment réagir face à leur victoire, et encore moins face à leur défaite. Il n’y a pas de norme en matière d’éducation, mais le vécu parental pèse dans la balance. Philippe Godin*, psychologue du sport et professeur à la fac de Louvain en Belgique, nous aide à y voir plus clair sur la manière dont on peut accompagner dans les meilleures conditions le jeune sportif.
Women Sports : Comment trouver sa place pour ne pas déstabiliser son enfant dans sa pratique sportive ?
Philippe Godin : Pour que l’enfant ait une dose supportable de stress, le parent doit se trouver dans une attitude médiane entre le désintérêt et le surinvestissement total, les deux extrêmes ayant des effets pervers. Soit, développer une attitude de soutien. Un dosage difficile pour que l’enfant grandisse entre la dépendance et l’autonomie. Le défaut le plus fréquent est le surinvestissement du parent, qui l’amène à voler l’activité de l’enfant pour lui. Résultat, l’enfant se désintéresse de sa pratique et abandonne.
Women Sports : Les astuces du docteur en éducation physique pour adopter la bonne pratique :
Philippe Godin : Ne pas prendre la place du coach et ne pas faire de briefing avant compétition ni d’interrogatoire policier à la fin. Mais plutôt apprendre à l’enfant à ne pas se focaliser sur sa performance mais plus sur sa préparation et sur l’application des consignes de l’entraîneur, en lui faisant comprendre qu’on ne peut tout réussir. Prendre du recul, ne pas trop assister aux entraînements au risque de s’investir émotionnellement.
Ce travail affectif se concentre sur la manière dont l’enfant vit son projet sportif. On lui explique que c’est son sport pour qu’il acquière son autonomie. J’en connais qui regardent toujours dans les tribunes ce que papa ou maman pense, c’est pervers. Et de nombreux parents poussent leurs enfants à réaliser des exploits quitte à oublier que c’est d’abord un loisir. Sur 1000 doués, 2 réussissent en grande partie à cause de cette pression familiale. Pour savoir si leur démarche est adaptée, les parents peuvent se rapprocher d’un psychologue du sport.
Women Sports : Y-a-t-il une appréhension divergente chez les mères ?
Philippe Godin : Dans les sports dits à orientation féminine – danse, gym, GR, natation… – les mères imposent souvent davantage de discipline. Ces sports à maturité précoce sont très enclins à la pression chez les filles de 5 / 10 ans, à cause de cette dimension esthétique, qui induit des comportements à risque pour garder une silhouette adéquate.
Women Sports : Jusqu’à quelle mesure doit-on insister pour que son enfant persiste dans son activité ?
Philippe Godin : Sauf en cas de problème avec l’entraîneur, il faut persévérer sur l’année d’inscription pour éviter le zapping. Les premiers mois, les soucis d’adaptation sont fréquents. Entre 3 et 7 ans, lui faire faire des activités multisport limite ces impasses. On peut ensuite le laisser choisir son sport dans son milieu relationnel pour respecter sa liberté, au lieu de choisir le sport de sa propre jeunesse, ce qui limitera le risque de coaching parental. Le rôle du parent est alors de sélectionner un bon club.
Les causes d’abandon sont majoritairement dues à un problème relationnel avec l’entraîneur, corrélé avec une mauvaise gestion du stress, la faute la plupart du temps à un rapport familial conflictuel. Révélateur d’aspects comportementaux, le sport est un moyen d’intégration mais pas s’il est mal pratiqué car il peut rendre vulnérable.
* Merci à Philippe Godin, membre de la SFPS (Société Française de Psychologie du Sport), directeur du Service de Psychologie du Sport –Université Catholique de Louvain