Il y a tous ces récits héroïques de femmes qui ont vaincu leur cancer du sein grâce au sport. Mais il y a aussi les douleurs, les difficultés, les trucs pour passer outre toutes les difficultés. On a tenté de peser nos mots et d’adopter le ton juste. Gageons que ces quelques pages aident et accompagnent avec le sport les femmes atteintes de cancer du sein ou leur entourage.
Par Léa Borie, Extrait de Women Sports magazine n°37 – juillet-août-septembre 2025
Toutes concernées
Les ganglions au niveau de l’aisselle, une boule dans le sein, une modification de l’aspect de la peau du sein, un œdème à la poitrine… le cancer du sein peut toutes nous tomber dessus. Sportive ou non. Il est le plus répandu des cancers féminins. Il a touché Novlene Williams-Mills, sprinteuse jamaïcaine spécialiste du 400 m, Kikkan Randall, athlète américaine en ski de fond, Martina Navratilova, ex n°1 mondiale championne pionnière de tennis féminin, Isabelle Mir, vice-championne de descente aux JO de 1968…
L’oncologue suisse Bérénice Deletang insiste : bien sûr il y a des prédispositions génétiques, mais la pratique sportive diminue de 25 % le risque de récidive et de mortalité sur un cancer du sein. Par ailleurs, en matière de prévention, la sédentarité et l’obésité sont des facteurs de risques dans le cas du cancer du sein. De plus, 19 % des cancers seraient dus à des facteurs environnementaux, dont certains agents cancérogènes sont clairement identifiés aujourd’hui.
Lutter contre la fatigue en bougeant
Fatigue extrême, douleurs articulaires, problèmes digestifs, inflammations… la maladie et ses traitements peuvent entraîner des effets secondaires lourds, freins potentiels à la reprise d’une activité physique. Seulement voilà, cette dernière est LE remède à la fatigue.
La HAS* reconnaît l’activité physique comme option thérapeutique non médicamenteuse. Des programmes APA sont prescrits par les médecins, alors qu’il y a quelques années, on prescrivait… du repos complet. On sait aujourd’hui que cela risque d’entretenir un cercle vicieux du déconditionnement : on perd en masse musculaire, on est plus essoufflé, le moindre effort devient une contrainte. On en fait de moins de moins, etc.
Les effets escomptés du sport
Sommeil amélioré, meilleure tolérance aux traitements, stimulation du système immunitaire, régulation des œstrogènes – en lien avec certains cancers -, plus de résistance physique et mentale face aux épreuves liées aux traitements, une meilleure estime de soi, une influence sur la vie sociale. Et surtout, une réduction du risque de mortalité et de récidive !
Oui. On martèle partout de continuer à faire du sport, que c’est une des clés de la guérison. Seulement voilà, il y a aussi certaines réalités. Après une intervention chirurgicale ou une radiothérapie, on peut éprouver des douleurs ou raideurs, une sensibilité accrue à la poitrine ou sous l’aisselle, une prise de poids conséquente due aux traitements et autres effets secondaires terribles. Ce qui rend les injonctions à la pratique sportive franchement inconfortables !
Quelques conseils pour pratiquer au mieux malgré tout
Quel sport peut-on pratiquer après les traitements / l’opération ?
> QUOI ?
Tous ! Bien sûr, on essaie de réduire risques de chocs, mouvements très brusques et pratiques traumatiques. Méfiance dans l’immédiat avec les squats sautés, la corde à sauter et le rugby !
Vélo, marche dynamique, yoga, pilates, taï-chi, qi gong sont particulièrement recommandés pour améliorer la mobilité articulaire. Certaines s’adonneront progressivement à leur sport fétiche d’avant la maladie – escrime, surf, karaté…
> COMMENT ?
Ce n’est pas tant le sport à proprement parler sur lequel on s’arrête que sur le type de pratique : une pratique sans recherche de performance immédiate, le temps que le corps se remette.
> AVEC QUOI ?

Le soutien-gorge/brassière de sport. Bien sûr. En la matière, la marque Anita est plus qu’engagée. Sa gamme Anita Care développe prothèses mammaires externes, soutien-gorge et maillots de bain adaptés (produits post-opératoires après ablation, de chirurgie conservatrice, de reconstruction mammaire…) ; avec notamment des soutiens-gorge de compression avec bandage de décongestion lymphatique, des soutiens-gorge avec poches en microfibres pour accueillir les prothèses, des prothèses effets secondes peau. Un soin jusque dans les petits détails : bretelles rembourrées, bandes larges sous poitrine, tissu éponge pour ne pas étouffer la peau.
Des approches, des pratiques, des séjours qui aident :
Heureusement, il fleurit un peu partout en France des séjours et pratiques dédiées. Parmi eux :
- La prise en charge spécifique du Réseau des kinés du sein (RKS), formés en sénologie
- La plongée avec la FFESSM
- Le water-polo avec le Cercle des nageurs de Marseille
- L’escrime adaptée avec Solution RIPOSTE
- L’équithérapie avec HOPE
L’ÉQUITHÉRAPIE CHEZ HOPE
L’équithérapie avec Annabel Brourhant, victime de son 4e cancer du sein

« Depuis toute petite, je suis obsédée par le cheval. Il m’a donné le sens des responsabilités et une hygiène de vie. Puis j’apprends ma maladie. Je dis au médecin “Allez-y, ôtez le sein, j’en n’ai rien à foutre. Débrouillez-vous mais je veux monter à cheval dans 3 semaines !” Je ne me suis jamais posée pour accuser le coup. Les chevaux m’ont aidée à repartir, pour créer l’association Hope ! Sans ça, j’aurais sombré. Les femmes atteintes de cancer y apprennent à se reconstruire, à lâcher prise, en compagnie de cet animal de 500 kg, à l’écoute sans rien attendre en retour. Le cheval permet d’affronter ses peurs, celle de la mort, et de passer toutes les étapes de la maladie. Avec la maladie, j’ai des périodes de doutes, je monte moins à cheval depuis 1 an ½ mais profite à pied de la connexion avec le cheval. Si je n’avais pas été malade, je n’aurais peut-être pas découvert ça. Je continue le sport, car mon nouveau médicament post-récidive me crée des douleurs de ventre atroces, en plus des troubles cognitifs. Cardio, RPM, nage en eau froide : le sport me permet de voir les choses différemment avec les endorphines. » www.hope-association.com
Une lecture qui porte :
Tout ce que je voulais, c’était courir, d’Anaïs Quemener. Avec son message “Se dépasser quand tout va bien, se surpasser quand tout va mal”, alors qu’elle est atteinte d’un cancer du sein à 24 ans.
Ce témoignage qui éclaire le bout du tunnel

Séverine Guérif en est un, de phare dans la tempête. Quintuple championne du monde de duathlon sprint master, elle se présente aussi comme “cancer survivor”. Rencontre frissonnante d’émotion.
Ce petit bout de femme pleine d’énergie a été diagnostiquée d’un cancer du sein en 2022, veille des Championnats du monde de duathlon. Mais cette compétition, elle la fera. Malgré tout. « Les examens, ça attendra la semaine prochaine, j’ai la Roumanie de prévu ! ». Le plus dur après ça ? l’annonce à son entourage. Puis vient le temps de l’acceptation. « Je me suis posée la question de ce que j’allais faire de ça. Ce sont les projets sportifs qui me porteront ».
Le verre à moitié plein
« Ce qui m’est arrivé a produit un électrochoc. Ce type d’épreuve peut révéler, et donne plus de saveur à la vie. » Oui, mais. « Il y a tout ce qu’on ne peut plus faire. On ne m’avait pas prévenue. Évidemment qu’on ne nous dit pas tout, sinon, on ne se battrait pas. Alors on fait confiance, on avance, malgré les galères ». C’est aussi le message que Séverine veut transmettre : « Accroche-toi, tu auras des vagues, adapte-toi et ne lâche pas ! Il n’y a pas de plan B. N’attends pas. Tu as un rêve ? ça te prendra le temps d’une vie, on s’en fout. »
Son antidote ? le sport, indispensable
Son chirurgien la laisse participer au 24h du Mans vélo en repoussant sa radiothérapie. « Il m’a regardée en rigolant : ‘Vous allez me faire une petite place dans votre agenda pour que je vous soigne’ Mais au fond, il m’a laissée faire. Il faut garder des projets pour se battre ».
Puis il y a la réalité des douleurs. « Les soignants m’avaient dit, “Vous êtes sportive, ça va bien se passer“. Et ça ne s’est pas bien passé ! Au bout d’un mois post-radiothérapie, je n’avais plus de douleur. Mais six semaines après l’hormonothérapie, je ne pouvais plus marcher ! Puis, on m’annonce un poumon touché par la radiothérapie. Pour une sportive de haut niveau, je racle le fond. J’ai l’épaule meurtrie et souffre toutes les nuits. Mais j’ai appris au Centre des douleurs que la douleur est autant fabriquée par le cerveau que réelle dans le corps. Je me documente avec mon conjoint sur les neurosciences et les capacités d’autoréparation. » L’image qui parle le plus à Séverine pour évoquer l’attention qu’elle porte aux douleurs ? celle du grain de sable dans la chaussure. « Il faut être tarée pour rouler sous pluie, neige, vent, froid… Mais on renforce son corps en pratiquant ! Le sport a été une bouée de sauvetage. J’ai couru pendant les traitements à presque m’évanouir. J’y suis allée tant que je pouvais tenir mon guidon, parce que la douleur physique est plus facile à gérer que la souffrance morale. Se mettre dans des zones d’inconfort rend vivant, car ça ne dure pas longtemps. Aujourd’hui encore, je ne sais pas comment je serai durant les entraînements. Est-ce que je récupérerai mon état d’avant ? Personne ne peut savoir. »
Séverine s’est pourtant donnée les moyens de récupérer, en mobilisant son épaule pour garder la souplesse après radiothérapie. Élastique de musculation avec mouvements de balanciers du bras, sur le vélo, avec bâtons de marche 4 jours après l’opération… « comme en prépa de compétition, en visant l’excellence, en me disant qu’il n’y a pas de petit projet, pas de petite course, en me rappelant l’importance de la récup’, de l’alimentation, de l’hydratation, et que je ne suis pas Wonder Woman ». Quoi que, lui aurait-on bien répondu…
Et de conclure en s’adressant à son cancer du sein : « J’ai vu l’épreuve comme une bataille au début. Maintenant, j’aborde ça avec une énergie positive : tu m’as donné une bonne sonnette d’alarme. Désormais, faisons notre vie chacun de son côté ! »
Entretien avec Dr Bérénice Deletang
Spécialisée en oncologie médicale en Suisse Présidente du Conseil d’administration de l’association HOPE

Women sports : Dans quel cas conseiller à une personne de reprendre le sport post cancer du sein docteur ?
Bérénice Deletang : Tous les cas ! Sous réserve, bien sûr, que l’état général puisse le permettre. De nombreux protocoles de réadaptation oncologique intègrent le sport avec plusieurs séances par semaine. Cela aide autant sur le plan physique que psychique à se reconstruire. En effet, le corps est mutilé et le sport va aider à reconstruire la représentation corporelle. Ce n’est pas tant le type de sport mais l’intensité et la régularité sur laquelle on va se focaliser. Ici à Genève, on prend l’exemple du tram, en conseillant aux patients de descendre quatre arrêts avant leur destination pour faire leur quota de marche quotidien. Pour la temporalité, certains traitements sont plus éprouvants que d’autres. La semaine suivant le traitement, on lève le pied, avant de retrouver progressivement son activité physique d’alors. Sinon, on rentre dans un cercle vicieux, où chaque journée alité, on perd 1,5 % de force. Et on met minimum 3 fois plus de temps à la regagner.
A quelles adaptations veiller ?
C’est au cas par cas. En cas d’opération de curage ganglionnaire par exemple, on évitera les ports de charges lourdes et les exercices nécessitant de lever haut les bras, au risque de créer un lymphœdème du bras. Escalade, tir à l’arc ou golf seront parfois compliqués Avant la pose du PAC (Port à cathéter implantable), il faut mentionner si on fait un sport comme le tir à l’arc, à la carabine, du lancer (poids, javelot, disque), du tennis, du badminton ou encore du golf et préciser si on est droitière ou gauchère pour limiter au maximum l’impact de cette intervention sur sa pratique sportive (le chirurgien pourra adapter le côté de la pose du PAC par exemple). Dans la même logique, dans le cas d’une reconstruction mammaire, on utilise souvent le muscle grand dorsal ce qui provoque une cicatrice au niveau du dos avec des douleurs potentielles, pour lesquelles il faut veiller à bien étirer le dos et à ne pas trop solliciter ce muscle. L’hormonothérapie peut aussi augmenter le risque de rupture tendineuse et de douleurs articulaires. La natation est souvent indiquée, en veillant à ne pas reprendre trop tôt car l’eau ralentit le processus de cicatrisation. En cas de chirurgie mammaire, on peut présenter un déséquilibre, lorsqu’on court notamment. Et surtout, on reprend avec humilité et on s’accorde du temps. Si vous étiez une championne, vous ne reprendrez pas de suite au top mais cela viendra avec le temps.
Quel matériel est le plus adapté ?
Une brassière avec maintien adéquat sera souvent essentielle, à adapter en fonction de l’opération subie. Pour le trail, on conseille des brassières avec un fort renfort et un maintien important. On recommande aussi des manchons pour éviter les œdèmes au niveau des bras.