D’abord joueuse de basket, puis entraîneure, Lauriane Dolt est devenue une figure incontournable de la SIG Strasbourg. La saison prochaine, à 34 ans, elle sera assistante à part entière de Vincent Collet, coach de l’équipe professionnelle. Entretien avec une femme pleinement et volontairement ancrée dans le basket masculin.
Propos recueillis par Djelina NDiaye
Comment êtes-vous devenue entraîneure ?
Après avoir joué pour la sélection d’Alsace, on m’a proposé de faire partie du staff et ça m’a plu. Je ne saurais pas vraiment expliquer pourquoi, ça a été naturel. Et comme je n’arrivais plus forcément à m’en passer, j’ai essayé d’en faire mon métier.
Comment s’est passée votre intégration au sein du club de la SIG Strasbourg (Pro A masculine) ?
Très (très) bien. Lorsque j’ai passé mes diplômes, j’étais quand même assez présente au niveau des pros donc ça s’est fait naturellement. Il n’y a pas eu de souci particulier.
Avez-vous eu du mal à vous imposer dans le club et/ou avec les joueurs ?
Non, parce que je pense que je n’ai jamais cherché à m’imposer. C’est sûr que chez les pros, ça a été un peu difficile au début parce que le regard était parfois dubitatif et très interrogateur. Ils se disaient que ce n’était pas forcément évident qu’une femme fasse partie du staff. On est beaucoup mise à l’épreuve en tant que femme mais après il n’y a jamais eu de geste ou de parole déplacés à mon égard.
Vous considérez-vous comme un porte-parole féminin ?
Non, pas du tout ! Je n’ai pas forcément l’opportunité de le faire parce que je n’aime pas trop être mise en avant. Je suis quand même assez discrète. Après, c’est vrai que si ça peut ouvrir des portes à d’autres femmes, ce serait bien. Au foot, il y a Corinne Diacre qui a réussi à se faire une place mais c’est encore rare de voir des femmes entraîneures. Même dans la Ligue féminine de basket (LFB), elles ne sont pas beaucoup. Peut-être deux ou trois mais guère plus.
« On ne peut donc pas nier que les femmes ont plus d’obstacles à franchir que les hommes » – Lauriane Dolt
Comment voyez-vous l’évolution de la proportion hommes/femmes à l’avenir dans le métier d’entraîneur ?
C’est difficile à dire. Pour le moment, voir des femmes entraîneures, ce n’est clairement pas la tendance. Mais j’espère en voir de plus en plus. Il y a beaucoup de beaux discours mais peu d’actes réels. L’évolution me semble lente. Ce que je sais, c’est qu’en tant que femme dans le milieu sportif, on peut être sujette à des remarques peu délicates. Par exemple, j’ai déjà entendu des hommes dire ouvertement que la place d’une femme n’était pas là mais à la maison tous les soirs et tous les week-ends et qu’il était impossible de concilier une vie de famille et une carrière au haut-niveau pour elles. Et également d’autres choses moins sympathiques encore… On ne peut donc pas nier que les femmes ont plus d’obstacles à franchir que les hommes. Le tout c’est de ne pas se mettre de barrières et foncer ! Cette évolution de l’égalité entre les hommes et les femmes doit se faire dans les mentalités pour les hommes et dans la confiance en soi pour les femmes.
D’un point de vue personnel, jusqu’où vous voyez-vous monter ?
On va essayer d’aller le plus loin possible. Cette année, je vais évoluer au niveau du poste pour passer entraîneure assistante. C’est une première ! Et un énorme pas en avant. Maintenant, je me vois bien rester assistante pendant un petit moment encore parce qu’il y a des aspects que je ne maîtrise pas forcément. Il faut encore que j’évolue. À terme, je ne me ferme pas la porte à devenir entraîneure principale, si l’opportunité se présente bien sûr. Mais je ne me fixe pas de date pour y parvenir. Mon objectif aujourd’hui, c’est surtout d’évoluer encore et encore au niveau du basket, que ce soit sur le plan tactique ou technique. Ce n’est pas toujours facile pour une femme d’évoluer dans un milieu d’hommes ; on s’y perd un peu parfois. Et c’est justement sur ça que je travaille aussi, pour pouvoir y faire face.
La parité salariale est-elle respectée pour les entraîneurs au basket ?
Vu qu’on est en France et que c’est un peu tabou de parler de salaires, je ne sais pas trop ! Disons que moi, personnellement, je suis très satisfaite de ma situation dans le sens où je suis dans un club qui me fait confiance depuis le début et qui me récompense en m’augmentant régulièrement. Après, je n’ai pas forcément les éléments pour pouvoir comparer…
Avez-vous déjà entraîné des filles ?
Oui, à mes débuts il y a 12 ans, j’ai entraîné la sélection régionale féminine. Mais je ne souhaite plus le faire à l’avenir et je suis assez catégorique là-dessus. Tant que je n’ai pas de mur devant moi pour me dire « maintenant, les garçons, tu arrêtes », je n’ai pas envie d’arrêter. Pour moi, ce n’est pas la même intensité et ce n’est pas le même basket. En termes de gestion, je me sens un petit peu plus en adéquation avec le milieu masculin qu’avec le milieu féminin. Puis, le côté psychologique qu’il faut avoir avec les garçons n’est pas le même, j’appréhenderais un peu avec les filles. Pour l’instant, l’opportunité ne s’est pas présentée et je ne la recherche pas, donc je vais continuer avec les garçons tant que c’est possible.
Lauriane Dolt, en bref
Née le 11 janvier 1983 à Strasbourg, Lauriane Dolt commence le basketball à l’âge de 11 ans avec l’ambition de devenir professionnelle. Cependant, en raison d’un problème de santé qui vient prématurément mettre un terme à sa carrière, elle décide de se tourner vers le coaching. D’abord entraîneure chez les amateurs, elle évolue depuis 2008 du côté des professionnels. Elle a entraîné les cadets puis les Espoirs de la SIG Basket avec qui elle a été sacrée championne de France en 2015 et nommée meilleure entraîneure des centres de formations. Dans la foulée, elle commence à travailler en tant que seconde coach assistante de l’équipe première, entraînée par Vincent Collet. La saison prochaine, Lauriane Dolt va devenir son adjointe à part entière.
Fondation Égalité Mixité
Le projet « Pourquoi pas une femme ? » est soutenu par la Fondation Égalité Mixité, abritée par les Fondation FACE. Il vise à promouvoir la place des femmes dans les métiers du sport. En effet, 87% des femmes pratiquent le sport et 1 sportif sur 2 est une sportive. Pourtant, dans les métiers du sport, les femmes sont très peu représentées. À titre d’exemple, seuls 32% des éducateurs sportifs sont des femmes Pourquoi un tel écart ? Les causes sont-elles culturelles, psychologiques ou pratiques ? Répondre à ces questions et mettre en oeuvre les bons leviers pour casser ces blocages est tout l’enjeu de ce projet, porté par l’association Sport Univers’Elle.