Entre deux avions, Anne Hidalgo a répondu aux questions de Women Sports. Paris 2024, mixité, sport dans la ville… la Maire de Paris nous dit tout !
– Propos recueillis par Alain Jouve
Anne Hidalgo, si vous deviez vous présenter en quelques mots pour les lecteurs de Women Sports, que diriez-vous vous concernant ?
Je suis née en 1959 à San Fernando, en Andalousie. Mes parents ont immigré en France quand j’avais deux ans et j’ai grandi dans une cité de Lyon. À l’âge de vingt-quatre ans, j’ai obtenu la nationalité française et j’ai emménagé à Paris, dans le 15e arrondissement, où je réside toujours. Cette ville me faisait rêver depuis toute petite, car tout y semblait possible. J’y ai construit ma vie familiale, ma vie professionnelle puis mon engagement politique.
Est-ce plus compliqué pour une femme que pour un homme d’être engagé politiquement ?
Sans aucun doute. Je ne suis pas une apparatchik, je n’ai jamais appartenu à une écurie et les débats strictement internes aux appareils ne m’ont jamais intéressée. Je suis venue de la société civile, de l’engagement syndical. J’ai bossé vingt ans avant de faire de la politique. Comme beaucoup de femmes, j’ai donc dû entrer dans ce milieu un peu par effraction. Au début, on me regardait bizarrement : qui est cette femme issue de l’immigration, indépendante et féministe ? J’ai dû m’affirmer, démontrer mes compétences, sûrement plus qu’un homme n’aurait dû le faire.
Je crois savoir que vous êtes une grande admiratrice d’Olympe de Gouges dont vous avez demandé le transfert au Panthéon. Peut-on dire de vous que vous êtes une féministe convaincue ?
Oui. Cela tient d’abord à mon parcours personnel. J’ai passé ma jeunesse dans un environnement un peu macho. Cela m’a amenée à revendiquer ma liberté. Dans mon métier d’inspectrice du travail, j’ai été frappée par les inégalités professionnelles entre les femmes et les hommes. J’en ai fait un combat personnel. La politique aussi, c’est un univers macho… Si les mentalités ont évolué depuis les années 90, les attaques perdurent. Je le vois encore aujourd’hui, dans les qualificatifs employés par certains de mes opposants. Mais face au sexisme, je ne me suis jamais tue et je ne me tairai jamais.
« En tant que maire, j’agis pour rendre le sport accessible à tous » – Anne Hidalgo, maire de Paris.
L’égalité hommes-femmes est importante pour vous, notamment au sein des institutions sportives nationales et internationales ?
Dans tous les domaines – la politique, l’entreprise, et bien entendu le sport – l’égalité femmes-hommes est essentielle. Elle amène à regarder les choses différemment, à agir de façon plus juste. Les femmes apportent notamment une autre méthode, elles sont moins dans l’affrontement, elles ont davantage le souci de faire adhérer les personnes à leur projet en s’appuyant sur toutes les énergies disponibles.
Quelle importance accordez-vous au sport ? En votre qualité de maire de Paris ? Et à titre personnel, en tant que femme ?
Le sport contribue à l’apprentissage de la vie et transmet des valeurs qui cimentent notre société : l’esprit collectif, le partage, le vivre-ensemble, le dépassement de soi… Il est aussi bénéfique pour la santé, et cela à tout âge. En tant que maire, avec mon équipe, j’agis pour rendre sa pratique accessible à tous. Cela passe par davantage d’équipements de proximité, avec l’objectif que d’ici 2024 chaque Parisien soit à moins de cinq minutes d’une installation sportive. Nous avons investi dans la rénovation des piscines, créé des rues sportives avec du matériel en accès libre. Nous travaillons aussi avec l’Éducation nationale pour qu’il y ait des classes à horaires aménagés dans tous les arrondissements, pour les jeunes qui font de la compétition. À titre personnel, j’ai toujours pratiqué un sport. Quand j’étais au collège, j’ai fait du handball de façon intensive. Au lycée, j’ai créé avec des amies une section féminine de volley. Aujourd’hui, j’ai moins de temps libre, mais je continue à faire de la course et de la natation.
Sans langue de vois, comment jugez-vous la place de la femme dans le sport ? Le mise en place de quotas au sein des fédérations sportives n’est-elle pas un échec, dans la mesure où une seule femme est présidente d’une fédération olympique en France ?
Il y a encore beaucoup à faire pour développer la place des femmes dans le sport. D’abord au niveau de la pratique. Les sections féminines ne sont souvent pas traitées à équité avec les sections masculines, elles manquent de moyens pour se développer. À Paris, nous avons progressé. Je suis par exemple heureuse que le PSG ait investi dans ce domaine. Nos joueuses de football atteignent des sommets en Ligue des Champions et font notre fierté. Nous manquons également de femmes dirigeantes dans le domaine du sport. Il y a pourtant de très beaux exemples. Je pense notamment à Emmanuelle Assmann, Présidente du Comité Paralympique et Sportif Français, que j’ai eu le bonheur de côtoyer dans le cadre de la candidature de Paris aux Jeux 2024. Elle constitue l’une de mes plus belles rencontres.
Un mot sur la course « La Parisienne », emblématique de l’engagement des femmes pour le sport et la recherche médicale contre le cancer du sein ? À quand une édition « anniversaire » où les hommes auront le droit de courir aux côtés de leur compagne ?
C’est une question qu’il faut poser aux organisatrices (rires). C’est en tout cas une course que j’affectionne particulièrement et j’ai un grand plaisir à en donner le départ chaque fois que mon agenda me le permet.

Les JO à Paris, c’est un doux rêve que vous caressiez depuis longtemps ?
Les Jeux sont l’événement le plus enthousiasmant au monde ! Ils constituent un formidable message d’optimisme pour toute la société, et en particulier pour la jeunesse. Pendant plus de deux ans, j’ai jeté toutes mes forces dans cette candidature, aux côtés de notre capitaine, Tony Estanguet. Je suis donc particulièrement heureuse de pouvoir les ramener à Paris, cent ans après les Jeux de 1924.
Que vont apporter concrètement les JO à la capitale ?
Nous avons pensé dès le début ces Jeux pour qu’ils soient utiles aux Parisiens, aux Franciliens et à l’ensemble des Français. C’était pour moi une condition essentielle à cette candidature. Les Jeux vont accélérer la transformation de notre territoire, dans les domaines des transports, de la lutte contre le dérèglement climatique, de l’accessibilité universelle ou encore de la pratique sportive. Ils vont participer à la construction du Grand Paris et en particulier au développement de la Seine-Saint- Denis, le département le plus jeune mais aussi le plus pauvre d’Ile-de-France. Avec 10Mds€ de retombées économiques et 250 000 emplois prévus, ils constituent aussi une opportunité exceptionnelle pour nos entreprises. Avec les Jeux, Paris sera plus forte, plus belle, plus attractive à l’échelle internationale. Et quand Paris gagne, c’est toute la France qui gagne.

Quelle femme sportive a toute votre admiration et pourquoi ?
Colette Besson a été l’une de mes héroïnes de jeunesse. J’avais neuf ans au moment des Jeux de Mexico, lorsqu’elle décrocha la médaille d’or du 400 m. Plus tard, j’ai eu l’honneur de la rencontrer et d’échanger avec elle. Ça a été un moment marquant de ma vie, car elle était un modèle pour la petite fille que j’étais.
Vous êtes favorable à la mobilité douce au coeur de Paris. Vous envisagez de développer les pistes cyclables dans la capitale. Le centre-ville pourrait même devenir piéton… Que répondez-vous aux détracteurs qui vous condamnent et considèrent que vous niez la réalité… Paris étant, selon ces mêmes détracteurs, synonyme aujourd’hui de circulation congestionnée, de pics de pollution en hausse, de délinquance et d’insalubrité endémiques ?
Toutes les villes du monde se sont engagées dans la réduction de la place de la voiture et le développement des circulations douces. C’est d’abord une question de santé publique. La circulation automobile est la première source de pollution de l’air dans les métropoles. Elle fait 6.500 morts prématurés par an, rien qu’à l’échelle du Grand Paris. C’est ensuite une question de cadre de vie et d’attractivité. Il y a une vraie demande des citoyens pour des villes plus apaisées, moins bruyantes, mieux partagées. À Paris, 87% des déplacements se font en transports en commun, à pied ou à vélo, alors que la voiture occupe à elle seule plus de la moitié de l’espace public. Le rééquilibrage que nous menons est donc parfaitement légitime. Je comprends toutefois que changer de comportement n’est pas toujours simple, que renoncer à l’automobile implique des efforts. C’est pourquoi nous avons développé de nombreuses alternatives et des aides financières à l’attention des particuliers et des professionnels.
Quel message souhaiteriez-vous adresser aux femmes ? Aux lecteurs de Women Sports ?
D’être elles-mêmes et de ne jamais renoncer à vivre leurs rêves.