Michael Schumacher, Lewis Hamilton, Sebastian Vettel… Quand il s’agit de parler de Formule 1, nous pensons forcément à des hommes. Pourtant, il s’agit d’un sport mixte. Rien n’empêche les femmes de rouler ou occuper des places importantes dans ce championnat. Alors, où sont-elles ?
Par Vanessa Maurel
Extrait du magazine WOMEN SPORTS N°17 de juillet-août-septembre 2020.
En réalité, les femmes ne sont pas aussi loin des circuits qu’on pourrait le penser. Même si on ne les voit pas directement au volant des monoplaces, quelques exceptions nous prouvent que des femmes sont présentes en Formule 1 avec parfois même un rôle indispensable. C’est par exemple le cas de Claire Williams. À 43 ans, cette Britannique est la directrice générale adjointe de l’écurie de F1 « Williams », elle-même créée par son père, Frank, depuis 2013. « Je veux prouver que je peux être une femme, je peux être une mère et continuer à diriger une équipe de Formule 1 avec succès », a-t-elle par ailleurs déclaré à l’agence de presse PA. Mais depuis 2017, l’écurie va mal, au point même qu’une vente est envisagée. Vous pensez bien que Claire Williams est pointée du doigt dans cette affaire. Pas seulement en tant que directrice générale, mais surtout en tant que femme. « En fait, quelqu’un m’a dit que beaucoup de gens dans le paddock de Formule1 pensent que l’équipe a commencé à mal tourner quand je suis tombée enceinte et que j’ai eu un bébé (octobre 2017 ndlr). Comment osent-ils. (…) Dès que vous ne réussissez pas, certaines personnes attribuent cela au fait que vous êtes une femme », a déclaré Williams à l’agence de presse PA. Indispensable de souligner le fait que, même sous sa direction, Williams a terminé troisième meilleur constructeur du championnat en 2014 et 2015. Visiblement pas assez pour faire taire les mauvaises langues…

La coach de Lewis Hamilton est… une femme !
Dans un tout autre domaine mais au rôle pas moins indispensable, une autre femme anime le paddock. Angela Cullen. Ce nom ne vous dit peut-être rien et pourtant. Physiothérapeute néo-zélandaise, c’est elle qui gère l’alimentation du sextuple champion du monde de Formule 1 Lewis Hamilton, mais également son rythme de sommeil ainsi que son entraînement mental et parfois même sportif. Véritable bras droit d’Hamilton depuis 2016, Angela Cullen fait en sorte que le pilote de chez Mercedes ne se concentre que sur sa course et la compétition pendant qu’elle gère tous les « à côtés ». « Je le réveille le matin, je commande sa nourriture, je le conduis sur la piste, je gère tout son emploi du temps pour le week-end et j’élimine tout ce qui pourrait lui faire perdre son énergie afin qu’il soit à 100% dans sa course et que sa performance soit maximale », a-t-elle expliqué lors d’une interview accordée au New Zealand Herald. Elle s’octroie d’ailleurs le titre de première femme à avoir ce rôle dans le monde du sport automobile. « Historiquement, les pilotes ont eu des entraîneurs masculins et je pense que j’étais la première physiothérapeute et certainement la première femme à être impliquée à ce point là », a-t-elle ajouté lors d’une interview gérée par Hintsa, son employeur. Aujourd’hui pleinement intégrée à l’équipe et devenue une incontournable du paddock, Angela Cullen est idolâtrée par bon nombre de fans.
Pilotes femmes : c’est pour bientôt !
Néanmoins, il est vrai que les femmes manquent clairement sur la piste. Mais plus pour longtemps ! Les pilotes féminines arrivent en force, en témoigne Tatiana Calderon, première pilote femme de Formule 2 mais surtout pilote d’essai de l’écurie Alfa Romeo. Son rôle dans l’équipe est simple, mais indispensable. « Je travaille généralement sur simulateur pour essayer de nouvelles choses et faire évoluer l’équipe. J’assiste également à quelques courses avec eux et aux briefings afin de mieux comprendre ce qu’ils attendent de nous et voir comment la voiture évolue en termes de compétitivité. » Une des dernières étapes avant d’intégrer le championnat de plus haut niveau. « Je rêve de F1 depuis que j’ai 9 ans et j’ai travaillé très dur pour être là où je suis en ce moment. Heureusement, j’ai toujours eu le soutien de ma famille dans les bons et les mauvais moments et je pense que cela montre que si vous voulez quelque chose et que vous travaillez dur, tout est possible. J’espère que je pourrai continuer à grandir avec l’équipe, j’espère faire la dernière étape pour devenir un pilote officiel de F1 à l’avenir. » Un rêve que partage Angélina Favario, pilote de Formule 4. Car les deux pilotes croient en l’avenir de la femme au plus haut niveau. « Les sports autos sont justement les seuls qui offrent la possibilité de se battre face à des hommes dans la plus grande égalité. Ce n’est pas comme les autres sports où la force physique est la chose la plus importante. En course, vous dépendez de la voiture et de vos capacités mentales », a continué Tatiana.

Et pour elles, il y a une explication logique au fait qu’il y ait peu de pilotes féminines en Formule 1. « Peu de femmes osent s’engager dès leur plus jeune âge à cause des préjugés », explique Angélina Favario. « C’est d’ailleurs pourquoi j’ai créé ma propre association (Angélina Favario Sport Automobile ndlr). Il faut sensibiliser les plus jeunes filles aux sports autos, leur montrer que c’est possible et les valoriser. J’encourage sincèrement toutes les femmes à se lancer, elles ne seront pas déçues ! » La jeune passionnée de 17 ans sait mieux que personne à quel point il est difficile de s’imposer en tant que pilote à part entière et faire oublier la différence de sexe. « J’ai toujours concouru face à des garçons. Il faut avouer que lorsqu’on les double ou qu’on termine devant eux, ils sont touchés dans leur fierté. » Angélina se remémore notamment une anecdote lors d’un stage de karting. Seule au milieu de cinq autres garçons, il a fallu faire sa place. « Avant de partir, ils étaient persuadés que j’allais perdre. Ce qu’ils ne savaient pas, c’est que ces préjugés m’ont davantage motivée, et j’ai gagné. Je fais de cette différence une force et je suis déterminée à leur prouver qu’ils se trompent ». Une force de caractère nécessaire pour ne pas s’écraser face au reste du groupe. « Ce n’est pas facile, surtout au début, car vous devez gagner le respect à la fois des personnes avec lesquelles vous travaillez, ingénieurs et mécaniciens, mais aussi de vos concurrents. Mais une fois que vous avez fait vos preuves et que vous leur avait montré à quel point vous pouvez être compétitive, ils vous respectent et vous traitent comme tout autre pilote de course. C’est juste difficile d’obtenir de la crédibilité », enchérit Tatiana. « Mais il faut oser. Aujourd’hui, avec la Fédération internationale de l’automobile et avec la nouvelle section « Women », nous essayons de montrer au monde que ce sport est accessible aux femmes ».

(Photo by Bruno Bade)
Ferrari veut ouvrir son « académie » aux femmes

(Photo by Jean-Luc Viart)
Les efforts payent. En effet, les plus grandes écuries de Formule 1 semblent chaque jour plus sensibles à la question de l’équité. C’est dans cette optique que Ferrari a fait part de son ambition d’ouvrir sa « Ferrari Driver Academy » aux femmes. « La Driver Academy est un investissement important pour nous. Charles Leclerc en est le meilleur exemple », a déclaré le patron de la Scuderia, Mattia Binotto, comme le rapporte nos collègues de Motorsport. Formés dès leur plus jeune âge dans l’écurie, les pilotes ont d’autant plus de chance d’intégrer le championnat avec cette équipe une fois le moment venu. « Les femmes devraient faire partie de la Ferrari Driver Academy. C’est quelque chose sur quoi nous travaillons actuellement pour en faire une réalité très bientôt. » Une annonce applaudie par Catherine Bond Muir, PDG du championnat 100% féminin W Series. « Ce qui est en train de se produire, c’est que toutes les femmes sont sur une pente ascendante en sport automobile. Je crois que Ferrari s’efforce d’y contribuer. Je doute que ce ne soit qu’un plan marketing, je pense qu’ils veulent vraiment, sincèrement, voir s’ils peuvent mener une femme en F1. » De quoi laisser rêveur et d’imaginer, pourquoi pas, un jour voir autant de femmes que d’hommes concourir en Formule 1 ! « Cela va prendre encore beaucoup de temps, mais nous allons dans la bonne direction », conclut Tatiana.
RETOUR HISTORIQUE
Les pilotes femmes en Formule 1 ont tellement peu été représentées qu’il est possible de les compter sur les doigts d’une main. Retour historique.
- Lella Lombardi, pilote italienne. Lella est la seule femme pilote a avoir été classée au championnat du monde grâce à sa 6eme place décrochée lors du Grand Prix d’Espagne de 1975, avec l’écurie March.
- Divina Mary Galica. D’abord skieuse britannique professionnelle (elle participe aux JO de 1964, 1968 et 1972), Divina a également participé à une épreuve du championnat du monde de Formule 1 lors du Grand Prix de Grande-Bretagne en 1976, au volant d’une Surtees. Elle ne parvient malheureusement pas à se qualifier.
- Giovanna Amati. En 1992, la pilote italienne est engagée par l’écurie Brabham. Elle fait sa première apparition sur le circuit de Kyalami, lors du Grand Prix d’Afrique du Sud mais ne se qualifie pas pour la course finale. Un échec qu’elle vivra de nouveau lors des GP suivants à Mexico et Sao Paulo.
- Desiré Wilson, pilote sud-africaine, a participé sans succès au Grand Prix de Grande-Bretagne de 1980 sous l’équipe de Brands Hatch Racing. Elle prend également le départ du GP d’Afrique du Sud en 1981, mais abandonne après un tête-à-queue.
- Maria Teresa De Filippis est la toute première femme de l’histoire a avoir roulé en Formule 1. La première course à laquelle Maria Teresa s’est inscrite a été celle du Grand Prix de Monaco, en 1958. Au volant de sa Maserati privée, la pilote italienne alors âgée de 32 ans ne parvient pas à se qualifier. Elle reprend le départ au Grand Prix de Belgique quelques semaines plus tard, où elle prend la dixième place.