Sandrine Filippini est âgée de 47 ans. Bretonne d’origine, elle réside désormais à Nice où elle mène une vie tranquille avec son mari et ses deux enfants. Après avoir perdu la vue à l’âge de 16 ans, Sandrine s’est lancée dans le torball, un sport adapté à son handicap qui se pratique avec un ballon sonore. L’implication de Sandrine dans cette discipline a bouleversé sa vie de A à Z ! Grâce au torball, elle est devenue présidente d’association, élue locale… et a même rencontré l’homme de sa vie ! Par Vanessa Maurel
Tout commence à ses 16 ans. Sandrine mène sa vie de jeune femme du côté de Brest. En l’espace de quelques mois, elle perd la vue. Sandrine se sent alors « complètement paumée ». Mais grâce à son caractère breton bien trempé, elle ne se laisse pas abattre. « Je me suis dit, certes mon handicap n’est pas marrant en soit, mais je ne vais pas m’arrêter là. Ma vie ne doit pas tourner autour de ça », raconte-t-elle. C’est alors qu’elle découvre le torball. « Quand on m’a parlé de ce sport pour la première fois, j’ai trouvé que le nom était un peu barbare », s’amuse-t-elle. Mais cela ne l’effraie pas. Au contraire, elle se met à le pratiquer de manière régulière. « Au-delà du sport, il me permettait de rencontrer des personnes géniales. » Et parmi elles, un certain Jean-Charles. « Il était déficient visuel, comme moi. Il voulait monter sa propre section, mais il n’avait que 16 ans. Dès que je suis devenue majeure, j’ai décidé de l’aider, et nous avons construit ensemble un club de torball à Brest. » De là commence son parcours de vie incroyable. Dans cette nouvelle section, Sandrine « s’amuse, s’éclate. Mon handicap me donnait des ailes pour aller voir des gens comme moi ». Et c’est en 1997 que sa vie va prendre un tournant décisif, même si elle ne le sait pas encore.
Entre torball et amour, il n’y a qu’un pas
Avec sa nouvelle section, Sandrine participe à un tournoi amical, dans l’Allier. Lors de cette compétition, la jeune femme rencontre l’équipe de Nice. Et ce détail est important. « Au torball, nous évoluons normalement en équipe mixte. Et ce jour-là, on jouait contre une équipe niçoise composée uniquement de garçons. Nous avons gagné le match 1 à 0, grâce à un penalty marqué par mes soins », se vante-t-elle. Mais ce dénouement ne fait pas que des heureux. « Forcément les Niçois n’étaient pas très fiers. Leur coach, qui était une femme, les a chambrés sur le fait qu’ils avaient perdu contre des filles et qu’ils avaient plus dragué que joué ! » Malgré le résultat, les joueurs se retrouvent après la rencontre pour boire un verre. « C’était la troisième mi-temps », rigole-t-elle. Une soirée dansante plus que concluante. « On a bien sympathisé avec les Niçois… et moi plus particulièrement avec Sébastien. » Un magnifique coup du destin, vous nous voyez venir ! À 20 ans, le jeune homme qu’elle vient de rencontrer est lui aussi aveugle, mais a beaucoup plus de mal à accepter son handicap. « On a parlé toute la nuit des problèmes qu’il avait à se retrouver. Mais après, j’ai dû repartir à Brest et lui à Nice avec ses collègues. On a chacun continué notre bonhomme de chemin. » Quelques années s’écoulent, puis Sandrine reprend contact avec Sébastien. « Au début il n’était pas très réceptif », rappelle-t-elle malicieusement. Car de ces retrouvailles naît une jolie histoire d’amitié… qui se transforme très vite en histoire d’amour. « Il était toujours perdu dans son handicap. C’était un homme très sportif, qui pratiquait le football, qui aimait conduire son scooter… Là il ne pouvait plus rien faire ». Avec Sandrine, il reprend confiance. Les deux tourtereaux ne se sépareront plus.
Bye Bretagne, hello French Riviera
« Ma mère m’a dit d’aller là où le bonheur m’appelait. Donc je suis partie à Nice, avec Sébastien. » Le jeune couple pratique assidument le torball, d’abord dans un petit club de la région. Puis il se lance un nouveau défi, celui de monter « Anices », une association handisport, dont le moteur reste le torball. Sandrine prend la parole lors de plusieurs manifestations publiques pour expliquer les enjeux de son sport et ses bénéfices pour la cohésion sociale. Elle se fait repérer par le maire de Nice, Christian Estrosi, qui lui offre une place d’ajointe en charge du handicap au sein de la municipalité. Parallèlement, le club grandit. « Michael Monier, notre coach, nous a permis d’être plus structurés. Nous avons participé à des compétitions nationales et internationales en Italie, Autriche, Allemagne, Belgique. Et nous avons organisé nos propres tournois de grande envergure, comme le 23 novembre prochain à Nice (ndlr : voir affiche ci-dessus). »
« Si on me dit demain : tu peux être opérée pour retrouver la vue, je refuserai ! »
Sandrine se retrouve présélectionnée en équipe de France féminine de torball à trois reprises. « C’était la cerise sur le gâteau, un réel accomplissement. » Le torball aura véritablement changé sa vie. « J’ai perdu la vue. C’est un handicap, c’est vrai. Mais dans mon histoire personnelle, je pense que c’est un cadeau de la vie », analyse-t-elle le plus sérieusement du monde. « Si on me dit demain : tu peux être opérée pour retrouver la vue, je refuserai ! Tout ce parcours dans ce sens-là a été magnifique, mais maintenant le faire à l’inverse… Je ne vois pas ce que j’aurais de mieux. J’ai tellement à transmettre de cette vie-là que pour rien au monde je ne voudrais la changer. »
Aujourd’hui, c’est le sport qui rythme sa vie, mais aussi celle de sa famille et de ses enfants, aussi passionnés qu’elle. « Mon fils est voyant, et est lui aussi adore cette discipline ! Il va même faire un stage d’arbitrage dans le but d’officier en National. » C’est ce que l’on appelle faire une belle passe décisive !
Le torball, qu’est-ce que c’est ?
- Sport de ballon pratiqué par des sportifs déficients visuels ou non
- Chacune des deux équipes est composée de trois joueurs
- Un match est composé de deux mi-temps de cinq minutes chacune
- Le but est de marquer le plus de buts possibles dans le camp adverse