Clairement engagée dans le développement du sport féminin, la Française des Jeux (FDJ) a commandé une étude sur le sujet à son partenaire de longue date, le Centre de Droit et d’Économie du Sport (CDES). Intitulée « Panorama du sport féminin et Enjeux stratégiques », cette étude dresse un état des lieux de la pratique féminine, quantifie son poids économique et, surtout, montre en quoi le sport féminin constitue un secteur à privilégier pour l’ensemble des acteurs de la filière. Résumé.
Quand on pense aux origines du sport qui tenaient les femmes à distance, on comprend pourquoi il existe aujourd’hui de si grandes différences entre le sport féminin et le sport masculin, tant dans la pratique que dans la professionnalisation, la médiatisation et l’économie. Néanmoins, l’étau se resserre entre hommes et femmes sur le terrain du sport. Ces dames, trop longtemps ignorées, constituent aujourd’hui un potentiel à bien des égards pour les acteurs de l’économie et de la filière sport. C’est ce que démontre l’étude « Panorama du sport féminin et Enjeux stratégiques », réalisée par le Centre de Droit et d’Economie du Sport (CDES) à la demande de la Française des Jeux (FDJ). Alors, pourquoi le sport féminin est-il aujourd’hui un secteur porteur ? Et surtout, comment le développer ?
Un vivier de pratiquantes
L’étude du CDES montre qu’en 10 ans, la pratique féminine s’est considérablement accrue et se rapproche aujourd’hui de celle des hommes. En effet, pour les 15-74 ans, la part des femmes déclarant pratiquer au moins une activité sportive à l’année a augmenté de 11 points entre 2000 et 2010, passant de 79% à 90% alors que, pour les hommes, l’augmentation enregistrée n’est que de 5 points (de 88% à 93%).
Le nombre de licences féminines a connu une augmentation tout aussi importante ces dernières années : alors qu’on ne comptait que 5 millions de licenciées en 2007, la barre des 6 millions est aujourd’hui largement atteinte. Certaines fédérations, notamment celles traditionnellement masculines, ont même enregistré des taux de croissance du nombre de licenciées impressionnants entre 2007 et 2015 : les chiffres de la Fédération française de rugby (FFR) avec +103% de licenciées et ceux de la Fédération française de football (FFF) avec + 74,8% (et même + 104% entre 2009 et 2015) sont les plus parlants. Par ailleurs, les fédérations déjà relativement féminisées ont elles aussi connu des chiffres à la hausse (+33,6% pour le handball par exemple).
Ainsi, les femmes constituent un potentiel de développement incroyable pour les fédérations, notamment celles historiquement centrées sur la pratique masculine qui, selon le CDES, ont aujourd’hui « atteint un certain effet de seuil concernant les hommes ». Outre le nombre de licences et d’adhésions, l’intérêt de cette démarche, pour les fédérations, s’évalue également en termes d’image. C’est ainsi que la FFF, après avoir été pointée du doigt pour son inaction, fait désormais office d’exemple en matière de féminisation de ses effectifs.
Un intérêt croissant du public pour le sport féminin
Même si le sport masculin reste le « chouchou » clairement affiché des médias (presse écrite, télévision et web), il convient de noter une évolution en faveur d’une meilleure visibilité du sport féminin. De 2012 à 2016, le temps d’antenne consacré au sport féminin est ainsi passé de 7% à entre 16 et 20% selon l’étude du CDES. Deux explications sont avancées pour justifier cette progression : d’une part, le fruit d’initiatives telles que les « 4 saisons du sport féminin » (auparavant appelées les « 24 heures du sport féminin ») lancées en 2014 par Nathalie Sonnac, membre du Conseil Supérieur de l’Audiovisuel, pour promouvoir le sport féminin ; et, d’autre part, l’augmentation des coûts des droits sportifs qui oblige certaines chaînes de télévision à se « rabattre » sur des compétitions féminines.
À ces deux explications vient s’ajouter un troisième phénomène : un intérêt croissant du public pour le sport féminin (doublé d’un intérêt croissant des femmes pour le sport en général). En effet, dans le top 10 des audiences de la TNT (hors chaînes historiques), on retrouve quatre événements sportifs féminins, contre seulement trois masculins (voir schéma). Pendant quelques années, le 1/4 de finale de la Coupe du monde 2015 de football féminin a trusté la plus haute marche de ce podium ; il s’est depuis fait « doubler » par la finale de la Ligue des Champions masculine 2016 (Real Madrid / Atletico), puis par le 1/4 de finale France/Suède du Mondial de handball masculin 2017. Par ailleurs, l’événement sportif féminin le plus regardé à la télévision française – qui reste à ce jour le match ayant opposé l’équipe de France de basketball aux États-Unis en finale des JO de Londres en 2012 – a rassemblé 4,3 millions de téléspectateurs avec un pic à 6,8 millions.

Des chiffres qui devraient sérieusement attirer l’attention des médias : dans un secteur où la concurrence fait rage, il apparaît en effet opportun de se différencier en misant sur le sport féminin qui dispose d’un public à fidéliser. Arnaud Simon, vice-Président d’Eurosport, en a pleinement conscience : « Une chaîne comme Eurosport s’implique dans le sport féminin car elle sait qu’il représente le talent de demain. Il faut accepter que parfois, le stade ne soit pas en état idéal, que les niveaux entre deux équipes soient disparates […]. Il faut accepter pour construire ».
Pour le CDES, ce qui aiderait les médias à investir serait que les acteurs (instances sportives, clubs et joueuses) se développent et se professionnalisent. Cela passe par des formats de compétitions compréhensibles, des enceintes sportives adaptées à la diffusion télévisuelle (éclairage, espace de jeu vierge, recul…) afin « d’assurer des standards de production de haut niveau ».
Une économie qui se dessine
En comparant les revenus générés par les divisions féminines de basketball, handball et volley-ball sur la saison 2014-2015 (46,5 millions d’euros) avec leurs homologues masculins (168,3 millions d’euros), on comprend vite que l’économie du sport féminin a une importance encore très (très) relative. Malgré tout, les clubs professionnels féminins ont enregistré une très belle progression en termes de génération de revenus : entre les saisons 2008-2009 et 2014-2015, la croissance des budgets moyens a augmenté de 18% pour le basketball, 54,4% pour le handball et 22,2% pour le volley-ball. Signe qu’il existe en France un « potentiel économique considérable » pour les années futures.
Néanmoins, pour le CDES, il faudra passer par une profonde diversification des sources de revenus du sport féminin, qui proviennent essentiellement aujourd’hui des subventions, pour pouvoir le développer de façon intéressante. L’engouement croissant du public évoqué plus haut et l’intérêt des médias et annonceurs devraient permettre d’impulser une nouvelle dynamique et de diversifier les modes de financement des clubs. Ces derniers peuvent notamment provenir du développement des affluences, du développement du sponsoring en raison de l’excellente image dont dispose le sport féminin aujourd’hui (moins de triche, moins d’insulte, plus de pureté, de plaisir…) et du développement des recettes audiovisuelles. Pour le CDES, la conclusion est donc simple : « C’est maintenant que les acteurs de l’économie du sport doivent investir dans le secteur s’ils veulent contribuer à sa structuration et en tirer pleinement les fruits ». À bon entendeur !
Pour aller plus loin : www.cdes.fr