Depuis plus de onze ans, Carole Ursella pratique le krav maga, un sport aux confins de plusieurs arts martiaux essentiellement basé sur des techniques d’autodéfense. Un sport qu’elle a choisi pour se reconstruire après avoir été victime, pendant des années, de violences répétées. Aujourd’hui, Carole a relevé la tête et (re)vit normalement, sans craintes ni peurs d’être brutalisée. Un sentiment de confiance qu’elle tente désormais de transmettre aux autres, notamment aux femmes battues, via l’association Krav Maga Women Protect.
Par Floriane Cantoro – Photos : artclickfactory.com
Extrait du magazine WOMEN SPORTS N.13 de juillet-août-septembre 2019
C’est l’histoire d’une femme amenée par la vie au krav maga. « Je ne m’intéressais pas du tout aux arts martiaux, jusqu’à ce que j’en ai besoin ! » Carole Ursella a pris son premier cours de self-defense il y a 11 ans. Depuis, cette gérante de salle de sport n’a jamais arrêté de pratiquer cette activité qui l’a totalement reconstruite.
Victime de violences, elle reprend confiance grâce au krav maga
Carole a longtemps subi des violences conjugales. Mais ce sont des violences verbales, auxquelles elle a été confrontée bien des années plus tard, qui sont à l’origine de son intérêt pour les arts martiaux. « J’étais tétanisée. Je voulais reprendre confiance en moi et ne plus être tremblante dès que quelqu’un élevait la voix », explique-t-elle. Elle s’inscrit au krav maga et y trouve rapidement une réelle efficacité.
En effet, quatre mois après avoir commencé la pratique, Carole a vécu exactement au même endroit, la même situation de violences verbales que celle qui l’avait poussée à prendre des cours de self-defense. Une fois de plus, la personne s’en est tenue aux mots. Mais Carole, elle, n’était plus la même : elle n’était plus tétanisée. Si les choses avaient dégénéré, si son agresseur en était venu aux mains, elle aurait su comment s’en sortir. « C’est un sentiment de maîtrise qui m’a totalement rassurée, se souvient-elle. Je suis remontée dans ma voiture, sereine, et c’est tout ce que je souhaitais. J’ai compris que j’étais sur la bonne voie et qu’il fallait absolument que je continue. »
« On n’est pas dans la surenchère. Ce qui prévaut, c’est de se sauver si on peut. Je ne forme pas une armée de combattantes. » – Carole Ursella
Si le krav maga a été aussi efficace pour Carole, c’est parce qu’il est adapté à tous les gabarits. « On ne répond pas à une attaque par le physique, mais par la technique », explique-t-elle. Aussi, du haut de son 1 m 57 et ses 54 kg toute mouillée, elle a réussi à devenir ceinture noire et professeure de krav maga. Depuis trois ans, elle donne des cours à des agents de police, des pompiers et des urgentistes, désireux de perfectionner leurs techniques professionnelles, souvent deux fois plus grands qu’elle. « Dans le krav maga, il n’est pas question de rentrer dans le conflit et de se prendre pour une superwoman, tranche Carole. On n’est pas dans la surenchère. Ce qui prévaut, c’est de se sauver si on peut. Je ne forme pas une armée de combattantes. »
« Ne plus se comporter comme une proie dans la rue »
Aujourd’hui, et grâce au krav maga, Carole Ursella peut « marcher dans la rue en paix sans avoir peur d’aucune violence ». Outre la confiance engrangée au cours de ces années de pratique, la quadragénaire note que les adeptes d’arts martiaux ont une tendance naturelle à désamorcer les conflits, sans même le savoir ! « Parce que je suis pratiquante de krav maga, je vais adopter une attitude sereine et rassurée vis-à-vis d’un groupe de personnes, ce qui va inconsciemment détourner les altercations », explique-t-elle. « Par ailleurs, quand on apprend quelques techniques de self-defense, on change d’attitude : on arrête de longer les murs et de se comporter comme une proie dans la rue. Ce qui fait qu’automatiquement, les prédateurs vont moins spontanément se diriger vers nous. »
Carole évalue à 80% la part de pratiquants de krav maga qui ont été victimes de violences dans leur vie, notamment les femmes. Cela va de la remarque sexiste dans le métro aux sévices physiques et sexuels. « Pendant des années, j’ai pratiqué le krav maga avec des personnes dont je ne connais même pas la profession ! On se parle, bien sûr, mais on n’entre pas dans les détails du pourquoi on est ici. C’est un sujet tabou. Il y en a qui viennent à titre préventif, pour apprendre à se défendre, mais c’est loin d’être la majorité ! »
Depuis deux ans, elle fait partie de la branche caritative de la Fédération européenne de krav maga, appelée « Krav Maga Women Protect » (KMWP). Cette association, créée en 2017 et composée d’une quinzaine de bénévoles, aide les femmes à réagir face aux situations d’agression. Elle agit en France mais aussi à l’étranger, notamment en Inde, où on recense un viol toutes les 20 minutes. L’association se déplace dans les centres pour femmes battues afin de leur apprendre quelques techniques simples et efficaces du krav maga. En espérant qu’un jour, elles aussi puissent « vivre normalement », comme Carole.
Pour chaque femme, le sport est une chance !
En septembre 2018, FDJ a lancé une nouvelle campagne intitulée « Pour chaque femme, le sport est une chance ! » afin de lever les freins à la pratique du sport par les femmes. Premier partenaire du sport tricolore, l’opérateur de jeux a choisi de donner directement la parole aux femmes qui ont mis du sport dans leur vie et avec lesquelles il partage la conviction que pour chacune d’entre elle, le sport est une chance. Women Sports devient alors une fenêtre d’expression pour les femmes qui accepteront de partager leur expérience. Elles seront autant de modèles inspirants pour celles qui doutent encore, ou qui ne se sentent pas toujours à la hauteur.