Avoir un, et a fortiori plusieurs enfants, nécessite pour les parents une sur-organisation pour coordonner sport et vie de famille. En 2023, force est de constater que les femmes restent majoritaires à gérer beaucoup au foyer, à être définies comme le parent ressource. Quel temps reste-t-il à soi, pour sa santé, pour le sport ? Comment font celles qui y arrivent ? Enquête et positivisme. Avec toute notre bienveillance sportive.
PAR LÉA BORIE / Extrait de Women Sports magazine n°28 avril-mai-juin 2023
Une combinaison mal ajustée
Devenir maman et rester sportive, voilà une combinaison qui déraille souvent. Bébé grandit, mais l’impression pour les parents de courir partout persiste. Ce n’est pas pour rien que la sage-femme Anna Roy en a fait un livre, avec Caroline Michel, Le post-partum dure 3 ans, paru en janvier aux Editions Larousse. Pourtant avant, pour beaucoup, le sport était essentiel.
Des mamans y parviennent, mais sont considérées comme des superwomen, alors qu’on aimerait que ce soit naturel. Bien sûr, c’est plus facile à dire lorsque la parentalité se gère deux, ou qu’on a ses parents à proximité… mais quelle que soit sa situation, il existe des solutions pour se retrouver. Les avantages à pratiquer une activité régulière ne sont plus à démontrer. Chez Women Sports c’est notre religion ou presque.
Le sport fatigue, demande de sortir de sa zone de confort, mais c’est bénéfique à tous points de vue sur le long terme ! Pour la méthode… Il n’y en n’a pas une seule. Libre à chacune de choisir l’astuce qui lui permet d’optimiser et de retrouver l’énergie. Et que ça ne devienne pas un truc de plus à cocher dans sa liste ou une quelconque obligation ! Faites comme vous pouvez et rappelez-vous : c’est avant tout pour votre bien.

Prévention de rappel : de retour sur le ring après la rééducation
Hop hop hop ! Pas si vite. On le lit partout, et pourtant, on a tendance à squeezer ou à bâcler un peu cette partie primordiale pour la suite : la rééducation périnéale, quelques semaines après avoir accouché, avec sa sage-femme ou un kiné spécialisé, avant la rééducation abdominale.
Les astuces pour se remettre au sport l’air de rien
Parmi les grandes astuces qu’on se glisse à la cafet’ ou au fond du canapé entre sœurs :
- Faire du sport à l’entreprise / sur la pause déjeuner
- Utiliser la poussette. Il existe des poussettes sportives chez Peg Perego, Bugaboo ou encore Britax
- Se créer un petit espace de sport à la maison
- Prendre un coach perso
- Prévoir ses séances à l’avance pour organiser la garde
- Intégrer une petite activité de marche dans son quotidien, troquer le vélo contre la voiture…
Le coup de pouce en plus : les clubs de sport avec garderie, La Cour de Honau à Strasbourg ou encore John Reed Fitness à Lyon (dont on vous parlait ici) pour ne citer qu’eux.
Les sports privilégiés pour s’y remettre
- des sports doux, type yoga, pilates ou natation
- des activités en groupe pour se motiver entre amis ou en famille – badminton, tennis, badminton
- des sports « fun » comme la danse, la zumba…
On évitera d’aller vers des sports totalement inconnus pour mettre son corps en confiance avant de sortir de sa zone de confort.
Identifier la source du problème
Bien souvent, la source du problème quand on peine à reprendre, ce n’est pas un souci de motivation mais quelque chose de plus profond. La fatigue d’abord.
Cette fatigue sourde et permanente qui peut traîner les premiers mois / années de l’enfant, liée à l’hypervigilance qu’on apporte à son nouveau-né. L’organisation ensuite. D’après une étude de l’INSEP sortie en 2019 et relatée par France Info, l’argument principal avancé en cas de difficulté à reprendre le sport est un problème de temps libre, résultant d’un souci de répartition des tâches au sein de la famille, à la fameuse charge mentale qui pèse, et avec elle, la culpabilité.
« Nos enfants ne sont pas en sucre ! », Joana Jacuzzi, de Momout Family

Interview de Joana Jacuzzi, à la tête de Momout Family, 1ère plateforme dédiée au sport et à la parentalité. Pour tenter de contourner les limites qui se posent aux jeunes mères, on connaissait les plateformes spécialisées MumAround, Mesbonnescopines, Mommyville, mais un concept d’un nouveau genre est né : Momout Family.
On a balayé avec sa fondatrice tous les préceptes, usages et solutions pour que maman et sportive puissent rester une. Joana Jacuzzi nous a fait le plaisir d’une interview. Et preuve (s’il en fallait) que tout est possible, l’interview s’est faite en direct de l’hôpital, quelques heures après sa rupture de la poche des eaux pour sa 2e grossesse…
Un concept né d’un manque crucial
Maman de deux enfants, Joana a commencé à réfléchir à une approche grossesse de sa plateforme. Mais très vite, elle s’est rendue compte du manque abyssal de soutien durant la période post-grossesse où l’on est cantonnée à être une maman. « Je suis partie faire un trek avec mon compagnon et mon bébé de 18 mois. Or, il faut tirailler entre le rayon sport et le rayon puériculture pour trouver chaussure plus ou moins à son pied. Il y a peu de produits adaptés ! »
Forte de ce constat, la jeune femme lance sa plateforme sport et parentalité fin 2022 avec une conviction : « On n’est pas obligé d’être sportif d’un côté et parent de l’autre. On peut être les deux de façon harmonieuse ». 14 familles ambassadrices testent et approuvent les produits proposés, et Joana planche pour l’année prochaine sur la fabrication d’une gamme de vêtements femme enceinte. Mais elle ne s’en arrête pas à un simple e-shop. Se tisse dès lors sur son blog une communauté de parents, d’experts, de femmes inspirantes.
Une routine à mettre en place
« Lorsqu’on devient parents, on baigne dans les couches et les petits pots pour bébé. Au milieu de ça, le sport est hyper socialisant, voire vital (rire) ! Mais en termes d’organisation, c’est dur de savoir comment faire, on n’a pas de modèle. L’astuce de courir avec la poussette est un cliché sympa, mais mon enfant ne supportait pas. Pourtant, il faut trouver des solutions. Lors de mon étude de
s’étaient mis au sport au départ. Ils me parlaient d’un sport sauveur, qu’ils s’en étaient sortis psychologiquement ou socialement grâce à ça. Ce n’est donc pas accessoire ! On ne peut pas l’enlever aux gens subitement. »
Retrouver son corps d’avant grossesse
« La reprise a été très difficile, je me suis sentie seule. Dans le couple, les femmes ont une contrainte de départ, le post-partum, avec lequel elles mettent plus ou moins de temps à s’en remettre. On nous demande de ne plus travailler abdos ni périnée, on se retrouve avec une perte musculaire. Il est alors compliqué de se réapproprier son corps. Il faut affronter le regard des autres, et surtout le sien. Une sportive est souvent dans la maîtrise de sa vie.
C’est pourquoi les 3 premières années sont chaotiques. Or, quand on a décroché pendant tant d’années, ce sont autant de vues sur le compteur, et la fatigue s’accumule, on perd en faculté effective : on repart de zéro. Ma reprise de la course a été lamentable. Mon périnée me lâchait. J’ai dû me laisser le temps pour m’autoriser à le faire, après 2 ans ½ sans dossard. Mais pour mon 2e, j’ai déjà prévu le coup : je préparerai ma reprise marathon à 18 mois. J’aurai besoin de week-ends de préparation, mais je me dis aussi que les enfants adorent passer du temps avec leurs grands-parents, oncles et tantes, parrains-marraines… »
Penser l’après grossesse !
« Pendant ma grossesse, mon conjoint n’a eu aucun mal à continuer son sport. Moi aussi, jusqu’à la veille de mon accouchement. Mais l’après a créé une rupture. On nous dit de faire attention pendant la grossesse mais c’est après qu’on est en lambeaux ! Parfois, il arrive que des conjoints s’investissent dans la reprise sportive de leur compagne, mais il y a un risque de tomber dans le paternalisme. »
La culpabilité d’une mère, acte 8 scène 146
« On l’entend encore souvent : une jeune maman qui fait du sport entre amis s’extirpe de sa vie de famille. Porte alors sur elle la culpabilité d’avoir choisi entre elle-même et ses enfants. Chez les hommes, je parlerais plus de devoir paternel que de culpabilité. Plus qu’une question de genre, il me semble que cela relève du fait d’avoir porté l’enfant ou non. »
Les solutions pour une reprise sportive à la MOMOUT FAMILY
- Partager le sport avec son enfant
« Lorsque mon fils avait moins de 2 ans, on est parti 3 jours en randonnée. Il était en écharpe de portage, et tous les jours changeait de paysages et ne râlait pas, au contraire ! Nos enfants ne sont pas en sucre, bien souvent, ils ne demandent qu’à se dépenser avec nous. »
- Expliquer à son enfant son sport
« Il y a eu un gros changement à partir du moment où j’ai proposé à mon fils de m’accompagner courir. Au départ, je disparaissais tôt le matin pour quelque chose de mystérieux, mon fils se mettait à pleurer. Pour éviter ça, il m’arrivait de partir courir à 5h du matin, lorsque la maison était encore endormie. Maintenant qu’il sait ce que je vais faire, ça l’a apaisé. Et moi, j’ai moins de scrupule à accorder du temps au sport désormais. Ça évite d’avoir une double vie secrète. »
- Se lâcher la grappe
« Je suis devenue moins exigeante. J’ai arrêté de faire du club. Je vais à un cours de flamenco non plus une fois par semaine mais un week-end par mois. Pendant tant de mois, je me suis acharnée sur la course, à tenter au bout de 3 ans 12 km au lieu du Maratrail d’avant grossesse… sans percuter à quel point j’avais progressé en pilates aérien notamment ! »
Caroline Ciavaldini, grimpeuse et mère totalement

Elle a découvert l’escalade à 12 ans à la Réunion, a quitté son île pour participer pendant 10 ans au circuit de Coupe de monde, avant de devenir une spécialiste de l’escalade trad outdoor avec son mari James Pearson, première femme à gravir la voie Petit à près de 4000 m d’altitude…. quand soudain, un puis deux bambins ont chamboulé son corps et sa vie de sportive. Caroline Ciavaldini nous livre, avec tout son amour et sa passion, sa vie sportive ET de famille, aux côtés de ses enfants de 1 an ½ et 4 ans.
L’an dernier, The North Face – marque dont elle est l’égérie – en faisait un film. Avec « Baby Steps », la grimpeuse professionnelle Caroline Ciavaldini livre un voyage très personnel. C’est l’histoire d’une carrière professionnelle agrémentée de la venue d’un enfant. Un récit fort et intime qu’on a cherché à appréhender de plus près. La pétulante jeune femme de 37 ans nous « reçoit » chaleureusement, par écrans interposés, en direct de son camion, pendant que ses enfants jouent au parc avec le papa. La famille est alors en plein « trip de blocs » en Suisse.
- Ton secret ? Un couple super impliqué !
J’ai été intransigeante envers l’investissement de mon mari, afin qu’on soit dans le même bateau. J’ai demandé qu’on soit à 50/50, j’aurais même pu demander plus ! Car le corps de la femme fait tout le boulot, c’est lui qui prend du poids, perd des abdos et tous ses repères !
- Un mot d’ordre ? L’organisation bien sûr, et un cerveau compartimenté.
J’ai fractionné ma reprise en micro-exercices. Bébé se calme 2 minutes, je porte une altère de 2 kg. Ça paraît décousu mais dans mon cerveau, c’était organisé. Petit à petit, les enfants prennent de l’autonomie, pour qu’avec mon mari, on fasse nos échauffements au soleil en les surveillant. Puis je pars en bloc, laissant James avec les enfants, avant d’échanger. Je ne suis pas fan du côté équipe partagée, on essaie au maximum de rester un couple. On est très fusionnels tous les 4. C’est un peu plus dur pour le plus grand, scolarisé, de le sortir de cette bulle.

- Le pli : habituer les enfants tout petits
L’escalade est une affaire de famille. Depuis qu’ils sont nés, nos enfants sont dans la nature. Si on attend que le bébé soit jugé stable et solide pour l’emmener dehors, on aura plus de difficulté à l’habituer. Je disparais peu de leur vue, ils sont au pied de la falaise. On a la chance d’avoir un sport qui fonctionne avec les petits. Et quand je m’absente, c’est aussi un temps privilégié avec papa.
- La chose à laquelle tu ne t’attendais pas ? Avoir un corps de marshmallow !
En me préparant à avoir un enfant, je ne m’attendais pas à retrouver un corps aussi hors d’état de faire du sport. C’était pour moi presque impossible de remonter au plus haut niveau. J’ai pourtant pu grimper jusqu’au 8e mois de grossesse en adaptant, mais après on perd les automatismes, le gainage. L’avantage à la reprise : on se met dans le cas de figure d’un débutant, on comprend mieux pourquoi on peut bloquer sur un passage paraissant aisé.
- Ta démarche : que la vie de maman sportive se popularise
The North Face m’a fait confiance pour renouveler mon contrat en pleine grossesse et on m’a proposé un film sur la parentalité sportive, afin de faire avancer les choses. J’ai trop vu dans mon entourage mes copines disparaître, ne devenir plus que des mamans. C’est aussi dans cette démarche que je participe au collectif « Grimpeuses » (qui œuvre pour et par les femmes).