Il a créé l’an dernier, avec Jean-Christophe Humbert, un sandwich pour les spectateurs de l’Olympique Lyonnais – un foodtruck du terroir des gones. Il a été chroniqueur TV5 monde pour les Jeux Paralympiques de Londres en 2012. Ce champion du monde de l’œuf meurette 2021 vit à Lyon, ladite « Cité de la gastronomie française ». Grégory Cuilleron, handicapé d’un bras de naissance, nous explique son rapport au sport.
Par Léa Borie
Extrait du magazine WOMEN SPORTS N°26 octobre-novembre-décembre 2022
Vous êtes loin d’être absent du monde du sport Grégory ! Racontez-nous comment tout a commencé.
J’ai été pendant 8 ans ambassadeur de l’Agefiph. C’est comme ça que j’ai pu prendre part aux Jeux Paralympiques de 2012. L’année suivante, j’étais le parrain des Mondiaux handisport d’athlétisme à Lyon. À titre personnel, j’ai un coach qui accompagne mes séances de renfo une fois par semaine et je pratique du vélo à coup de sorties de 40/50 km dans les Monts du Lyonnais, autour de chez moi. Je suis aussi adepte de la marche : cet été, j’ai fait une semaine sur les chemins de Saint-Jacques de Compostelle !
Et comment est née votre expérience du côté du Groupama stadium de Décines ?
Au départ, en septembre 2021, avec Jean-Christophe Humbert [comédien dans Kaamelott], on était parti sur trois matches d’essai, et puis… on a fait toute la saison footballistique, et les concerts, comme celui des Stones en juillet, le succès au rendez-vous avec 300 à 600 sandwichs par soir ! Depuis, on a gagné en précision sur nos portions, jusqu’au gramme près sur nos produits. Ce qui est très prometteur pour la suite.
Vous parlez de cohésion d’équipe : en matière d’égalité homme/ femme sur le terrain, il y a cohésion ?
J’ai tendance à commencer mes conférences en entreprise par cette remarque : « Comment faire une place à un handicapé quand on est pas foutu de payer autant un homme qu’une femme ? » Je suis dérouté et déçu qu’il n’y ait pas plus d’a priori favorables, de nuances, d’ouverture. En France, on a tendance à mettre les gens dans des petites cases et à faire en sorte qu’ils y restent. Or, pour sortir de ces cases, il faut souvent se battre plus que d’autres. Le plus dur est derrière moi mais je déprime lorsque je pense aux plus démunis.
Ce sont les différences qui vous pèsent le plus ?
Quand je fais du vélo, je mets une prothèse, ce n’est pas dramatique mais différent. Et c’est cette différence dont on en a peur, c’est instinctif. Mais dans le système français, on a une vision de rabotage. On croit raboter les différences, or, on a un gros souci avec la gestion de la différence. On n’est pas égaux. En droit, oui, on doit l’être mais sur le reste, il est bon de conserver ces nuances. Il faut se méfier de ne pas trop lisser, de ne pas penser tous la même chose. Nous n’arriverons à avoir un peu d’équité qu’à partir du moment où on tiendra compte de la différence, et qu’on arrivera à accueillir la peur.
Cuisiner, pour vous, c’est se mettre au service des autres ?
Il faut relativiser, on ne sauve pas des vies. Mais l’altruisme est important, ça se perd. Le plaisir de faire plaisir est plus stimulant que de le faire pour soi je pense. Ce qui me stimule justement, c’est la rencontre. Parfois, je me rends à des prestations en trainant un peu des pieds, mais je repars toujours gonflé à bloc, nourri ! »
Grégory Cuilleron, co-auteur avec Alexis Jenni de « La vie à pleine main », paru en 2020 aux Éditions Albin Michel.
