Le 22 août dernier, Audrey Cordon-Ragot est devenue championne de France de cyclisme sur route pour la première fois de sa carrière. Un titre qu’elle convoitait depuis des années et qui vient récompenser beaucoup de travail et de sacrifices. Mais la coureuse bretonne le sait : le vélo est un sport d’équipe. Et si elle s’est donnée les moyens de réussir professionnellement dans son sport, Audrey Cordon-Ragot s’est aussi battue pour laisser un héritage plus collectif au cyclisme féminin. Retour sur un parcours en tête de peloton.
Par Floriane Cantoro – Extrait du magazine WOMEN SPORTS N°18 d’octobre-novembre-décembre 2020.
« Est-ce que c’est le plus beau moment de ma carrière ? Oui, définitivement. » Difficile pour Audrey Cordon-Ragot de cacher son émotion à l’arrivée de la course en ligne des Championnats de France de cyclisme sur route, le 22 août dernier, dans son Morbihan natal. Si le sourire est dissimulé sous le masque, les yeux, eux, n’y trompent pas : la cycliste bretonne savoure. Après quatre titres en contre-la-montre (2015, 2016, 2017 et 2018), la voilà enfin sacrée sur la route, à presque 31 ans.

Cette récompense, Audrey Cordon-Ragot l’a longuement attendue. Ou plutôt, patiemment construite. Depuis ses débuts dans le cyclisme mondial avec Vienne-Futuroscope en 2008 (aujourd’hui FDJ-Nouvelle Aquitaine-Futuroscope), la native de Pontivy n’a jamais cessé de se battre pour exercer sa passion au plus haut niveau. Pendant des années, elle s’est accrochée à son rêve de devenir cycliste professionnelle, jonglant souvent entre carrière sportive, études et travail. Pour voir ses ambitions se réaliser, Audrey n’a pas non plus hésité à s’expatrier, au risque d’être isolée lors des championnats nationaux, et donc de diminuer ses chances de victoire.
Mais tout vient à point à qui sait attendre. La voilà désormais nouvelle reine du cyclisme féminin en France. Et ce n’est pas tout ! En 2019, cinq ans après son départ pour l’étranger (chez Hitec Products puis Wiggle High5), Audrey Cordon-Ragot a signé son premier contrat professionnel. C’est l’équipe américaine Trek-Segafredo, sa formation actuelle et membre du World Tour (le plus haut niveau du cyclisme féminin), qui lui a offert ce changement de vie dont elle avait tant rêvé. « Tous les matins, je me lève pour rouler, c’est mon métier. Psychologiquement, c’est une petite révolution, explique-t-elle. C’est important de se sentir reconnue pour ce que l’on fait, avec tous les sacrifices qu’il y a derrière. »
Porte-parole des cyclistes féminines
Malheureusement, toutes les filles ne bénéficient pas d’un statut de professionnelle : certaines, comme elle il y a deux ans, ont bien du mal à vivre de leur passion.
Ces différences au sein du peloton, Audrey Cordon-Ragot pourrait s’en moquer maintenant qu’elle a son contrat. « Mais cela n’a jamais été dans [sa] mentalité ». Non, la championne bretonne n’est pas du genre à rester les bras croisés. Femme de conviction autant que sportive de haut niveau, Audrey agit pour faire évoluer son sport. Elle est notamment à l’origine de la création, en 2019, de l’Association française des coureuses cyclistes (AFCC), un syndicat visant à « soutenir le cyclisme féminin à tous les niveaux ». Elle nous explique les fondements de son combat : « Je fais un sport dans lequel, malheureusement, les femmes sont bien moins considérées que les hommes pour ne pas dire pas considérées du tout. Cela m’a toujours profondément attristée, mais aussi révoltée. On fait les mêmes efforts, les mêmes sacrifices. Il faut que ça change. » Malgré « des évolutions qui vont dans le bon sens », le manque de médiatisation et de visibilité du cyclisme féminin ralentissent considérablement la progression. A commencer, bien sûr, par l’absence d’un Tour de France pour ces dames…
« Je fais un sport dans lequel, malheureusement, les femmes sont bien moins considérées que les hommes pour ne pas dire pas considérées du tout. Cela m’a toujours profondément attristée, mais aussi révoltée. On fait les mêmes efforts, les mêmes sacrifices. Il faut que ça change. »
Audrey Cordon-Ragot, championne de France de cyclisme sur route.
Si aujourd’hui elle assume pleinement son rôle de porte-parole, Audrey Cordon-Ragot espère qu’à terme, « de jeunes cyclistes reprendront le flambeau pour défendre leurs intérêts ». En attendant de léguer son héritage, la Costarmoricaine continue d’écrire son histoire. Son petit truc pour garder la motivation après une décennie sur les routes ? Les émotions de son sport. « Sur un vélo, les mauvais moments sont plus nombreux que les bons mais les bons sont beaucoup plus forts, ils gomment tout le reste ! ». Avec une fin de saison sur les chapeaux de roues, nul doute qu’à 31 ans, Audrey Cordon-Ragot est encore bien installée sur sa selle.
Rouler avec la championne de France
Ses routes préférées : « Mes terres bretonnes pour ses lieux mythiques à traverser. Mais j’adore aussi les Alpes et les Pyrénées ! »
Un col auquel se mesurer : « Le Col de l’Iseran, un des cols routiers les plus hauts d’Europe, que j’ai découvert cette année. Je n’étais jamais montée à une telle altitude en vélo (2 764 m, ndlr). J’ai adoré ! ».
Rouler l’hiver ou rouler l’été ? « Rouler l’automne (rires) ! C’est une saison qui sonne la fin des compétitions et c’est souvent un soulagement. En plus, les couleurs de la nature sont juste magnifiques à cette période. L’été, il y a trop de monde sur les routes. L’hiver, il fait froid. Et au printemps, c’est la pleine saison, on profite moins… »
Avec ou sans musique ? « 50/50. Quand je pars seule, je mets souvent des playlists motivantes. Mais en groupe, je profite de mes compagnons de route. »
Le meilleur partenaire d’entraînement : « Mon mari, évidemment (Vincent Ragot, ndlr). C’est toujours un plaisir de rouler avec lui. En plus, il a l’oeil de l’ancien coureur, du mécano. Il est bien plus objectif que moi sur mes performances. »
L’encas à emporter sur le vélo : « Comme je suis très gourmande, je profite des longues sorties à vélo pour manger tout ce que j’évite de manger le reste du temps. Par exemple des madeleines ou, en tant que Bretonne, une bonne crêpe au chocolat ! »
Son astuce récup : « J’utilise des bottes de compression qui reproduisent les effets d’un massage. »
