À 63 ans, ce n’est pas l’expérience qui manque à Gilles Eyquem. Entre 2012 et 2020, il a été l’entraîneur des sélections féminines U19 et U20. Jeune retraité, l’ancien sélectionneur des jeunes pousses de l’équipe de France a ainsi passé sa carrière au plus près des talents tricolores. Partagé entre les filles et les garçons, l’Aquitain note chez la gent féminine un parfait mélange de bonne humeur, professionnalisme, rigolade et compétitivité. PROPOS RECUEILLIS PAR RUBEN DIAS. Extrait du WOMEN SPORTS N°26.
«J’ai un souvenir de 2013, juste avant la finale de l’Euro U19. » En pleine marche traditionnelle d’avant finale, l’adjointe Sandrine Ringler fait une proposition au sélectionneur Gilles Eyquem. « ‘Nous allons faire une chorée’ me dit-elle… J’ai dit ‘ah bon, une chorée juste avant le match le plus décisif .’ (Rires). » À peine le temps de se retourner que ses joueuses dansaient déjà sur une plage de Llanelli au pays de Galles. « C’est fou de voir à quel point cette idée les a emballées. Elles ont joué le truc à fond. Mais cela ne les a pas empêchées de réaliser une finale extraordinaire. » Effectivement, seulement quelques heures plus tard, les Bleuettes battaient l’Angleterre (2-0) grâce à des buts de Sandie Toletti et Aminata Diallo.
Il a vu éclore les stars de l’équipe de France féminine
Si ces noms ne vous sont pas étrangers, il faut dire qu’il en a croisé des talents tout au long de sa carrière. Débarqué dans le milieu féminin en 2012, « après une proposition de François Blaquart », Gilles Eyquem a été spectateur de l’éclosion de plusieurs joueuses. Griedge Mbock, Sandy Baltimore, Melvine Malard, Grace Geyoro, Aïssatou Tounkara ou encore Selma Bacha pour ne citer qu’elles. En tout, ce sont 18 des 23 sélectionnées pour le dernier Euro 2022 qui sont passées entre ses mains. Des filles « attachantes », à qui l’ancien joueur des Girondins Bordeaux a tenté d’apporter toute son expérience. « Mbock était déjà impressionnante. Puis elle joue sur le même poste que moi à l’époque, donc j’ai essayé de lui apporter toute mon expérience. » Une passation de pouvoir, loin d’être évidente à son arrivée à la tête des Bleuettes.
L’énorme évolution du foot féminin
En 1999, Gilles Eyquem devient conseiller technique régional pour la ligue d’Aquitaine. Grâce à ce poste de CTR, l’originaire du Sud-Ouest devient entraîneur adjoint des sélections nationales de jeunes des moins de 16 et 19 ans dirigées par Philippe Bergeroo. Karim Benzema, Samir Nasri, Hatem Ben Arfa… Il n’y a donc pas que chez les filles que l’hommes de 63 ans a croisé des futures stars. Lors de la bascule, « ce qui m’a le plus frappé a été la différence de niveau, assure Gilles Eyquem avant de poursuivre. C’étaient des garçons qui évoluaient en D1. Je suis passé d’un niveau professionnel à un niveau amateur. »
Présent depuis le début de la professionnalisation du football féminin, l’ancien sélectionneur note une évolution « extraordinaire » : « Lors de ma première année, j’avais organisé un stage de 4 jours. Au quatrième jour, elles n’avaient plus rien dans les chaussettes. Elles étaient complètement fatiguées, et c’est normal. La plupart s’entraînaient à peine une ou deux fois par semaine. » Aujourd’hui, et grâce à l’ouverture de 8 pôles espoirs par la Fédération française de football, la donne est tout autre. « Ce sont maintenant des athlètes de très haut niveau. Les filles n’ont aucun problème à s’entraîner tous les jours, à enchainer les efforts à haute intensité. Elles sont habituées à se soigner, à prendre soin de leur corps », analyse Gilles Eyquem.
Foot féminin, foot masculin… Des erreurs à ne pas commettre
Une fois débarqué chez les filles, plus jamais l’envie de retourner chez les garçons n’a effleuré l’esprit de l’ancien défenseur central. « Honnêtement, la dernière année chez les garçons, je n’en pouvais plus. » Spectateur d’un comportement inacceptable, Gilles Eyquem s’en remémore encore un brin remonté. « Ils étaient capables de déchirer leurs chaussettes, leurs shorts, leurs maillots. Un jour, c’était les repas à la cantine qui n’allaient pas, le jour suivant, c’était autre chose. Leur manque d’implication par rapport au staff et le non-respect de la tenue de l’équipe de France, cela ne correspondait plus à ma vision, à mes valeurs. J’avais l’impression de tout leur devoir, alors que c’était à eux de tout donner pour le mail- lot Bleu. »
Comme une libération, la proposition de François Blaquart est arrivée à point nommé. « Cela m’a tout de suite plu. Nous avons directement remporté le Championnat d’Europe des moins de 19 ans en 2013, puis avons enchaîné avec une 3e place en Coupe du monde au Canada un an plus tard. C’était des débuts fracassants (rires). Au fond, j’ai surtout d’être valorisé. Pour elles, la sélection nationale était le Graal, et les valeurs du maillot de l’EDF étaient imprégnées en elles », conclut Gilles Eyquem.