Dans les métiers du sport, les femmes restent très peu représentées. Elles n’occupent par exemple que 17% de postes de cadre technique dans les fédérations sportives. Des fédérations qui sont pourtant contraintes par la Loi depuis 2012 de mener des plans de féminisation. C’est dans ce contexte qu’en septembre a vu le jour le « Master Egal’APS ». Un cursus inédit en France qui vise à former les expert.e.s sur les questions de sport et de genre, amenés à conseiller les instances nationales et territoriales.
Cette nouvelle formation est une initiative de Cécile Ottogalli, Enseignante-Chercheure à l’Université Claude Bernard de Lyon1, historienne en STAPS et spécialiste des questions de genre et d’égalité entre les sexes. Elle est l’auteure de plusieurs travaux en histoire du sport et de l’EPS, en histoire des femmes et du genre en lien avec le terrain sportif.
Le Master a été fondé grâce à une coopération entre les universités de Lyon 1, qui forme des étudiant.e.s STAPS, et de Lyon 2, qui est spécialisée en sciences sociales et proposait déjà une formation sur les questions de genre : les Master Egales et Egalités. Ce nouveau parcours de master, rattaché à la mention études sur le genre, propose une spécialisation sur deux ans qui a pour but d’analyser, comprendre et agir contre les discriminations et les inégalités de sexe dans et par les Activités Physiques et Sportives. Objectif : former des expert.e.s du secteur sportif et éducatif (cadres dirigeants, enseignant.e.s, conseiller.ère.s techniques, éducateur/trices, etc.), de l’évènementiel et de la communication en charge de mettre en place des politiques d’égalité et de lutte contre les discriminations de sexe et/ou de sexualité dans le sport.
Les étudiant.e.s seront formé.e.s aux fondamentaux du genre et de l’égalité
Ce Master aspire à participer à l’innovation sportive grâce à la mixité. Il va permettre à ses titulaires de promouvoir l’égalité femme/homme dans les instances dirigeantes et dans les métiers. Il propose des débouchés dans plusieurs secteurs d’activités comme les fédérations sportives, les collectivités territoriales, le système éducatif, la formation dans l’enseignement supérieur ou la Jeunesse et Sport.
Dans le cadre de ce cursus, les étudiant.e.s sont formé.e.s aux fondamentaux du genre et de l’égalité. La formation leur donne des méthodes et des outils de diagnostic et d’analyse du marché actuel. De même, elle leur permet d’élaborer des actions innovantes dans le domaine du sport en préparant un projet professionnel autour de l’égalité. Le but étant pour améliorer la mixité dans le monde du sport, de développer des partenariats avec les structures sportives afin d’accompagner leurs objectifs de féminisation ou de mixité et de mener des actions et des innovations sociales pour y parvenir.
L’accès au Master se fait sur dossier et sur entretien. Pré-requis : être titulaire d’une licence universitaire ou d’une équivalence. La promotion de cette année compte 15 étudiant.e.s. Elle pourrait compter jusqu’à 30 places dès la rentrée prochaine. Pour l’instant, ce Master est accessible en formation initiale mais aussi en formation continue (avec des plans de financement tels que les contrats de professionnalisation, le compte personnel de formation ou le congé individuel de formation (CIF) afin de permettre à ceux et celles qui militent au quotidien sur le terrain professionnel en faveur de l‘égalité femme/homme d’acquérir de la crédibilité mais aussi les outils nécessaires à ce combat.
PLAQUETTE DU MASTER
Pour plus de détails sur la formation : Master Études sur le Genre Lyon
RENCONTRE AVEC CÉCILE OTTOGALLI, RESPONSABLE DU PARCOURS DE MASTER EGAL’APS
Pouvez-vous vous présenter, votre parcours et la relation que vous entretenez avec le sport ?
Je suis maîtresse de conférences en histoire du sport et universitaire au sein du laboratoire L-VIS (Laboratoire sur les Vulnérabilité et Innovation dans le Sport) rattaché à l’université de Lyon 1-Claude Bernard. Ma spécialité est la place des femmes et l’analyse des rapports sociaux de sexe dans les pratiques sportives. D’ailleurs mon doctorat portait sur l’histoire des femmes alpinistes de 1874 à 1918. J’ai ensuite travaillé sur des trajectoires d’alpinistes du 20ème siècle, puis sur les escrimeuses. En ce moment, mes travaux traitent des rapports hommes-femmes dans l’éducation physique et sportive et de la façon dont les études de genre sont utilisées dans le champ de l’EPS.
Comment vous est venue l’idée de créer ce Master Egal’APS ?
Le Master Egal’APS, qui signifie Égalité dans et par les Activités Physiques et Sportives m’est apparu comme une nécessité au fil des années pour combler la dissonance entre d’une part, une dynamique certaine au niveau de la production scientifique du laboratoire L-Vis (anciennement le CRIS sous la direction de Thierry Terret) et d’autre part, la faible place accordée aux enseignements sur l’égalité au sein de la formation STAPS alors même que la question de la mixité ou de l’égalité est au cœur des problématiques des métiers du sport. Il y avait donc un décalage qui, au fil des années me devenait de plus en plus insupportable. L’idée a aussi germé dans un contexte de renouvellement de l’offre de formation au sein de la filière Education et Motricité de l’UFR STAPS. Ensuite, elle a pris forme grâce au soutien du directeur adjoint de l’UFR, Pascal Chabaud, et grâce à un rapprochement avec la responsable du master Egales proposé par l’Université Lyon2 afin de créer un nouveau parcours, en STAPS, au sein de la mention Etudes sur le Genre. Au final, le master Etudes sur le genre de Lyon, comprend 7 parcours de formation et est co-accrédité par deux établissements Lyon1 et Lyon2..
En quoi consiste cette formation ?
C’est une formation qui se veut théorique, ouvertes aux expert.e.s des questions de genre dans les sports, et en lien avec les problématiques professionnelles du monde sportif. Les activités de recherche (développées au sein du L-Vis) permettent d’alimenter les activités d’enseignements afin de former des professionnel.le.s du sport éclairé.e.s sur les questions d’égalité. Au niveau des contenus, un tiers de la formation est commune avec les 6 autres parcours de l’université Lyon 2 pour des enseignements sur les théories et les concepts qui portent sur la question des rapports entre les hommes et les femmes dans la société depuis plus de 40 ans : sexe, genre, égalité, équité, féminisme, etc…. Cet enseignement permet d’appréhender la complexité, les enjeux et les limites de ces concepts. On propose aussi un enseignement autour des outils et méthodes de l’égalité afin d’observer et de mesurer les discriminations sexuées. Le deuxième tiers de la formation porte sur des enseignements spécifiques au STAPS telles que l’histoire et la sociologie du sport, a psychologie sociale appliquée aux sportif/ve.s et une réflexion sur les travaux de physiologie sportive. Le dernier tiers de de la formation concerne les liens avec le monde professionnel, via l’étude des secteurs de professionnalisation, la mise en stage, un suivi méthodologique sur la recherche ou des enseignements de communication et marketing.
Pouvez-vous nous parler de la promotion 2016-2017 ?
La première promotion est composée de 15 étudiant.e.s de divers horizons. La plupart d’entre eux et elles sont extérieur.e.s au STAPS de Lyon et plus d’un tiers de la promotion est composée de garçons. Ils viennent de parcours très différents : Management du Sport, Activité Physique Adaptée, la filière enseignement et même pour certain.es, ils/elles n’avaient pas réalisé un parcours universitaire en Staps. Tous et toutes étaient déjà profondément animé.e.s par la question de l’égalité entre les sexes mais ne savaient pas comment s’y professionnaliser. Leur hétérogénéité produit une grande richesse dans la promotion qui n’est absolument pas un obstacle, au contraire, à la cohésion du groupe autour des questions d’égalité.
Existe-t-il une sélection à l’entrée ?
L’accès se fait sur dossier et après un entretien durant lequel l’équipe pédagogique va vérifier que les étudiant.e.s ont un réel projet professionnel dans le domaine de l’égalité des sexes dans le sport. Une licence STAPS n’est pas obligatoire pour intégrer la formation, cependant il est nécessaire d’avoir de l’expérience et une appétence pour le domaine sportif. Nous souhaitons accueillir entre 15 et 30 étudiant.e.s, ce qui reste raisonnable par rapport aux besoins du marché.
Quels sont les débouchés professionnels ?
Les étudiant.e.s sont formés pour devenir conseiller ou conseillère au sein d’une fédération sportive (ou des délégations locales), chargée de mission auprès du service des sports d’une collectivité territoriale, ou dans d’autres structures sportives afin de mettre en place des plans égalité et de lutter contre les discriminations de sexe. Ce sont des métiers émergeants, la conjoncture politique, sociale et professionnelle est plutôt dynamique autour de ces questions-là en ce moment, il y a un besoin criant et la demande est nouvelle. Il convient de rappeler que les plans de féminisation (ou de mixité) sont légalement contractuels pour les fédérations sportives par exemple, ainsi des professionnels sont aujourd’hui amenés à travailler sur ces axes de développement sans pour autant avoir été formés. Cependant aujourd’hui, les métiers sont à construire. Et cela s’explique par le fait que jusqu’à présent, la formation était inexistante. Une formation de qualité et qualifiante est donc aussi une contribution à la création de ces profils de poste.
Quels sont vos objectifs ?
Avec la généralisation des politiques d’égalité dans le monde sportif (notamment depuis 2012, la mise en place des plans de féminisation), cela a provoqué une importante dynamique et déclencher un besoin nouveau de former des personnes aptes à répondre à ces questions et trouver des solutions. Nous sommes en relation avec le ministère des sports. Nous faisons passer le message que, dorénavant, nous formons, à l’Université, des ressources humaines. D’ici 2 ans, nous aurons des professionnel.le.s aptes à accompagner les politiques de terrain. Le but étant d’allier la théorie et l’expérience. D’ici 4 à 5 ans nous voudrions avoir une centaine de personnes qui sortent de ce master et que l’on puisse embaucher.
Rencontrez-vous des difficultés pour faire connaître le Master ?
Oui effectivement, nous essayons de communiquer mais cela reste difficile. Je suis enseignante-chercheure et aujourd’hui, je ne dispose pas d’outils pour faire du marketing et de la communication sur cette offre de formation. Il n’existe pas de ressources évidentes … ou alors je ne les ai pas encore découvertes. Le monde du sport et le monde universitaire ne se parlent guère et s’adresser aux collectivités territoriales est également difficile. C’est aussi l’un des enjeux de notre Master : former des professionnel.le.s qui sauront créer du lien entre ces différentes instances !
CÉCILE OTTOGALLI EN BREF
Maîtresse de conférences
Enseignante-Chercheure à l’Université Claude Bernard Lyon 1
Responsable du parcours de Master EGAL’APS (Egalité dans et par les Activités Physiques et Sportives)
Co-responsable de la Mention (Master) Etudes sur le genre, co-accrédité par Lyon1 et Lyon2 avec 7 parcoursCursus universitaire
2004 : Doctorat STAPS en histoire du sport : Les femmes alpinistes au sein du Club Alpin Français (1874-1919) : Un genre de compromis sous la direction de Thierry Terret et Jean Saint Martin.
1996 : AGREGATION Externe d’Education Physique et Sportive, préparée au sein de l’UFR APS de Paris X, Rang : 23ème.Carrière
Depuis sept. 2005 : Maitresse de Conférences en histoire du sport à l’UFR STAPS de l’Université Claude Bernard Lyon 1
Sept 1997 à sept 2005 : Professeure agrégée d’EPS au département STAPS de l’Université de Savoie. Poste 0501.
Sept 1995 à sept 1996 : Enseignante d’EPS stagiaire au lycée des Trois sources à Bourg les Valence