L’aventure c’est l’aventure ! Certaines sportives lui donnent un goût osé bien particulier. Sélection d’ouvrages testimoniaux spéciale aventurières.
Par Léa Borie, Extrait de Women Sports magazine n°30 octobre-novembre-décembre 2023
■ Efforts longue, très longue durée

On ne peut parler d’aventure sportive au féminin sans citer En mouvement, persévérer et s’accomplir, de Stéphanie Gicquel, publié en 2021 aux Éditions Ramsay. Cette sportive de haut niveau est exploratrice dans l’âme et elle a horreur de l’immobilisme. C’est pourquoi elle déclare dans son 3e livre : « On ne va nulle part sans motivation sincère. Ou alors on piétine ». Et on comprend, quand on sait qu’en 2015, elle est partie en Antarctique établir le record du plus long raid à ski réalisé par une femme, qu’en 2018 elle remporte les 24h d’Albi et gagne le Grand Raid du Morbihan avant d’enchaîner 7 marathons en 7 jours… Ses autres livres : Expédition Across Antarctica (2015), On naît tous aventuriers (2018).
■ Sorties extrêmement longues

Il y a de ces personnes que l’on suit depuis des années, promettant d’écrire un livre de leur aventure : avec Marie Léautey, on se régale ! Car si faire un marathon est impressionnant, en enchaîner près de 700 pour faire le tour du monde en courant est ahurissant. Entre 2019 et 2022, la quadragénaire s’est lancée dans ce rêve fou : parcourir 28 000 km avec ses vivres de 30 km trimbalés en poussette. En sors un livre, Le monde sous mes pieds, fraîchement sorti en septembre aux Éditions Calmann-Lévy ! On attend déjà le retour de sa traversée du continent africain…
■ Vous avez dit ultra ?

Au rayon de l’ultracyclisme, j’appelle Juliana Buhring. Avant de connaître son histoire de vie, on se demande comment diable peut-on se lancer dans un défi aussi fou sans expérience. Après quelques mois de préparation, elle part pourtant à l’assaut d’un tour du monde à vélo, en 152 jours. De quoi faire de l’auteur de Tracer sa route (paru en avril aux Édition Paulsen) la femme la plus rapide pour avoir parcouru le globe à vélo. Rien que ça.
■Montée sur 4 000 Volts !

Quasi aucune expérience de l’alpinisme. Ce n’est pas ça qui a empêché Jordane Liénard de se lancer dans une aventure aussi extraordinaire qu’insensée : gravir les 82 sommets de plus de 4000 m des Alpes sans remontée mécanique. Durant ses ascensions, la quadra belge emporte ses carnets de notes, qui seront sa base à chaud pour écrire L’appel des 4 000, paru en juin aux Éditions Guérin / Paulsen.
Un récit haletant qu’on aimerait infini tant le partage de ses traversées est poignant, sensible, exaltant, fait de doute, d’auto-persuasion, de dérision… Mieux que le meilleur des bouquins de développement personnel, cet ouvrage donne au lecteur une force, un peu de celle, incroyable, qu’il aura fallu à la cordée de Jordane et Fred, son « génie des montagnes », « un vrai premier de cordée qui absorbe les doutes et résout souvent seul les équations, même à plusieurs inconnues » pour cocher ces 82 cases.
« L’appel des 4 000 », coup de cœur de la rédaction : un appel venu d’ailleurs, un livre à dévorer

« L’Asie se réveille en respirant, là où l’Occident boit un café. La respiration est la clé ». Une approche qui parlera à beaucoup d’entre nous, même à ceux qui n’ont jamais mis un pied en haute montagne. C’est aussi ça la force du récit de Jordane Liénard, une approche universelle, celle d’êtres humains face à l’immensité du monde ; un « monde plus libre, un terrain de jeu infini, l’antichambre du paradis, un nirvana terrestre ». Oui, Jordane est de ces alpinistes amateures mordues de cette vie de nomade en haute altitude qu’elle compte toucher des doigts à travers son projet un peu fou mais structuré : gravir les 82 sommets qui dépassent les 4 000 m d’altitude dans les Alpes (France, Italie, Suisse).
La quadragénaire belge de 3 enfants raconte comment cet « Appel des 4 000 » l’a contrainte à devoir quitter son cocon familial dès que les fenêtres météo l’ont imposées, durant 3 ans, afin de mener à bien ce rêve au cœur de ce « lieu d’inspiration et de construction ».

Pour réaliser ce défi, Jordane ajoute une contrainte : s’interdire les remontées mécaniques, « non pas par idéologie mais par souci de lenteur », pour « prendre le temps de l’aventure ». Elle se fait fournir les tenues par Millet, plus qu’à la pointe en matière de grands froids. Si elle s’abreuve de lectures pour définir la prise de risques, elle propose l’aventure au guide de haute montagne qui lui a fait découvrir la haute altitude : Fred Bréhé, celui à l’agilité à toute épreuve n’a rien à envier aux chamois, pour devenir son premier de cordée.
A chaque ascension, la même préparation s’opérera. « Piolet, crampons, baudrier, corde, trousse de secours. Cette énumération ressemble dans notre cordée à ces mantras que les bouddhistes récitent à l’infini pour convoquer un dieu protecteur ». Et des prières au ciel, il en faudra… « C’est la météo qui parle, tel un vieux sage ». Mais un autre trouble-fête fait son apparition. Aux conditions neigeuses, état de fatigue, blessures, dégâts du réchauffement climatique, calendrier familial, il faut ajouter passages de frontières sous conditions, tests PCR, et places limitées en refuge.

Au début du récit, on sent Jordane hésitante, mais où le courage reprend toujours le dessus car l’erreur est interdite en montagne. Elle met en place une logique implacable : le non choix : « Si je veux mobiliser toutes mes forces pour ce projet, je ne dois pas dessiner de porte de secours (…) Notre cerveau ne se fatigue plus à étudier les options alternatives et mobilise 100 % de nos forces vers une tactique unique. » Plus de repli possible. Place à la détermination.

On découvre au fil des pages une femme toujours aussi ébahie par le spectacle blanc qui se déroule sous ses yeux, mais davantage en confiance, moins novice. « Mon vocabulaire montagne s’élargit en même temps que mon piano gestuel ». Physiquement, son organisme se forge à la réussite. « Mon corps n’est plus un obstacle à mes rêves mais l’alliée de mes envie de hauteur. » De quoi accéder à la contemplation. « Nous courons en crampons, comme Heidi dans ses Alpages », où « marcher dans la nuit est un joli prélude à la journée. » Et Fred de conclure lors du dernier sommet à la Pointe Amédée : « Puis le vide, le vrai, celui de la révélation. Nous venions de mettre fin à une quête dont le seul sens était de ‘‘marcher vers’’. »