Il y a de ces livres qui vous transportent, vous parlent, font sens et résonnent en vous, voire sont une révélation. Et l’autobiographie de Billie Jean King, parue il y a quelques mois à peine, nous a fait cet effet-là. L’effet d’un bombe puissante de gratitude, d’admiration, de révolte aussi et d’encouragement. Passages choisis d’anecdotes de vie de la championne de tennis californienne.
Par Léa Borie
Extrait du magazine WOMEN SPORTS N°25 juillet-août-septembre 2022
« Maman, j’accomplirai de grandes choses dans ma vie. Je le sais c’est tout ! Tu verras. » Petite déjà, l’enfant Moffitt a de grandes idées. Elle se souvient encore de sa première déconvenue en début d’ouvrage. « Perry T. Jones, le responsable d’un club de tennis, qui, à mon 1er tournoi, lorsque j’avais 11 ans, provoqua un esclandre et m’interdit de figurer sur une photographie de groupe parce que je portais un short blanc au lieu d’une jupe ou d’une robe de tennis blanche. A cette époque, une fille ou une femme qui nourrissait des ambitions devait s’attendre à subir ce genre d’affronts et de manque d’égards ».
Une anecdote datée de 1954. « Je ne comprenais pas pourquoi. Pourquoi quelqu’un voudrait-il fixer des limites arbitraires à un autre être humain ? (…) Pourquoi nous répétait-on constamment : ‘‘Tu ne peux pas faire ceci. Ne fais pas cela. Modère tes ambitions’’. Je ne me suis en aucun cas sentie humiliée. J’étais vexée pour ma mère (qui avait confectionné le short) – et puis la vexation laissa la place à la colère. J’avais déjà pratiqué plein d’autres sports en short (…) et jamais un adulte ne s’était comporté de la sorte. Cela n’a fait que renforcer mon envie de gagner. »
Ce même homme lui décerna, à elle et à Susan Williams, en guise de prix, une raquette et une poupée. « Sérieusement ? » s’offusque la sportive.
Cela n’a fait que renforcer son envie de gagner…
Son futur conseiller lui glissa : « Tu seras une grande joueuse parce que tu n’es pas jolie ». Pourtant, elle avait une conduite à tenir. « Un jour où je disputais un match acharné de football-touché avec les garçons du quartier, (ma mère) m’ordonna de rentrer dans le salon. ‘‘Billie Jean, tu dois toujours te comporter comme une dame en toute occasion’’ ».
La presse semblait de cet avis. « Les articles de presse à l’époque étaient très souvent centrés sur notre physique – la ‘‘magnifiquement conformiste Gail Chanfreau, ‘‘la jolie bien intentionnée’’ Cecilia Martinez – ou les descriptions au ‘‘service presque viril’’ de Margaret, ‘‘le style garçon manqué’’ de Nancy Richey Gunter, ma ‘‘résolution masculine’’. (…) D’autres journalistes passèrent quelques paragraphes à affirmer que je rendais le manque de poitrine « sexy » (…). Les attaques contre notre féminité étaient monnaie courante. »
Un journaliste de Sports Illustrated avait d’ailleurs déclaré sur le circuit féminin : ‘‘Les joueuses étaient étonnamment séduisantes, surtout comparées au stéréotype de la sportive. Aucune n’avait de barbe… Pas de démarche de cow-boy. Pas la moindre bûcheronne dans le groupe’’. « Jim Murray, éditorialiste du Los Angeles Times, m’a baptisée ‘‘Little Miss Popoff’’ et écrit à propos de ma supposée amertume de ne pas être née garçon : ‘‘King n’a jamais pardonné à la Nature le sale tour qu’elle lui a joué en l’empêchant de porter l’uniforme des Green Bay Packers… A Long Beach, on dit que son père l’a mise au tennis pour qu’elle ne devienne pas catcheuse’’ ». Des remarques d’une époque qui en disent long.
Billie Jean King, autobiographie d’une icône, Les combats d’une championne pour l’égalité, mai 2022, Talent Editions, 21€90