Colette Cataldo, supportrice historique de l’Olympique de Marseille, n’a jamais raté un match au Stade Vélodrome depuis 50 ans. Fondatrice du groupe de supporters mythique du virage nord, les Dodgers, elle a transmis avec son mari sa passion pour l’OM à ses enfants et à ses petits-enfants. Aujourd’hui âgée de plus de 80 ans, elle nous parle de sa passion pour l’OM, de l’époque Bernard Tapie, des femmes dans les tribunes et de multiples autres sujets !
PROPOS RECUEILLIS PAR NOTRE ENVOYÉ SPÉCIAL À MARSEILLE, THOMAS SALIS – PHOTOS JOHNNY FIDELIN, ICON SPORT. Extrait du WOMEN SPORTS N°25.
COMMENT A DÉMARRÉ VOTRE HISTOIRE D’AMOUR AVEC L’OM ?
J’ai connu mon mari très jeune, il jouait au football. Je lui ai dit que j’aimerais allez voir l’OM. On a commencé comme ça. Au départ, on allait à la tribune Ganay en quart de virage côté Nord. On s’est fait des « collègues ». À l’époque on pouvait ramener le vin, le pain le saucisson ! C’était génial. Après je ne me suis jamais arrêtée d’aller voir l’OM. Je viens depuis mes 24 ans !
EN 1992, VOUS AVEZ CRÉÉ LES DODGERS. RACONTEZ-NOUS.
Au départ on faisait partie du groupe « Yankee », un autre groupe de supporters de l’OM. La façon dont il était géré ne nous convenait plus, alors on a déci- dé de fonder notre association. C’était un an avant le sacre en Coupe d’Europe. Bernard Tapie et Jean-Pierre Bernes, les dirigeants de l’époque, nous ont dit : « si vous nous ramenez 50 bonhommes vous pourrez créer votre association ». On a amené 100 signatures et on a fondé les Dodgers. J’ai trois trucs qui me tiennent à cœur : ma famille, mon pays et mon club ! Les Dodgers c’est ma fa- mille. Ça représente Marseille et la mixi- té de notre ville.
QU’AIMEZ-VOUS LE PLUS QUAND VOUS ALLEZ AU STADE ?
Ce que j’apprécie le plus c’est l’ambiance ! Elle est magnifique. Elle a beau- coup changé mais me plaît toujours au- tant. J’ai traversé toute l’Europe, j’ai connu la D2, j’ai vécu des moments exceptionnels. Ce que j’aime beaucoup, c’est la relation que j’ai avec les jeunes. Ils sont tous très respectueux avec moi. À plus de 80 ans, ils prennent toujours soin de moi, ils m’aident à monter les escaliers, ils viennent aux nouvelles, ils m’apportent à manger. Je n’aime pas trop dire ça, mais ils se comportent comme si j’étais leur grand-mère. Quand je pars en déplacement, je suis sûre qu’on me protège. Pour moi, la jeunesse est essentielle. Je n’ai pas la mentalité pour rester avec les gens de mon âge : je ne suis jamais partie en voyage en bateau ! (rires) J’aime quand ça crie, quand ça chante.
VOUS AVEZ DONNÉ LE COUP D’ENVOI POUR LA JOURNÉE INTERNATIONALE DES FEMMES, À PLUSIEURS REPRISES. Y A-T-IL DE PLUS EN PLUS DE FEMMES DANS LES VIRAGES, CES PLACES LES PLUS POPULAIRES DU STADE ?
Le coup d’envoi pour la journée de la Femme, je l’ai donné quatre fois. Cette année je l’ai donné avec Khokha Amsis, la présidente des MTP (Marseille trop Puissant – autre groupe de supporters du virage nord marseillais). Il y a de plus en plus de femmes dans les virages, il y a eu un déclic après la première Coupe du monde qu’on a gagnée avec les Bleus, en 1998. Toutefois, partout où je suis allée, notamment parmi les gros clubs français, j’ai trouvé que ça manquait de femmes parmi les ultras.
QU’AVEZ-VOUS ENVIE DE DIRE AUX SUPPORTRICES DE L’OM QUI N’OSENT PAS VENIR EN VIRAGE ?
Je leur dis qu’elles peuvent venir sans crainte ! Je viens depuis plus de 50 ans, il n’y a jamais eu un bonhomme qui m’a manqué de respect. Jamais ! Pourtant des fois on était serré, jamais je n’ai reçu un geste mal placé. À l’époque de Depé (Patrice de Peretti, un ancien supporteur emblématique, fondateur des MTP, dont le nom a été donné à un virage), il y avait le mouvement des « Cagoles », certaines d’entre elles viennent encore aujourd’hui. Elles se mettaient en brassière et elles étaient torse nu comme les garçons. Je trouvais ça vachement bien… En ce moment au Dodgers on a des jeunes filles, elles viennent, elles aident. Il faut que les supportrices de l’OM franchissent le pas et nous rejoignent !
BERNARD TAPIE NOUS A QUITTÉ IL Y A PEU DE TEMPS. QUE RETENEZ- VOUS DU PERSONNAGE ?
Pour moi, dans la France entière, il n’y a pas plus grand président que lui. Aujourd’hui à Lyon, il y a Jean-Michel Aulas qui est très bon, mais il l’a appris de Bernard Tapie. De- puis son décès on met tout le temps son drapeau sur le perchoir et il y sera tout le temps ! Il a été sur son cercueil, tout comme l’écharpe que j’ai autour du cou. Quand on a fondé les Dodgers, Ta- pie plaisantait souvent avec nous. Avant les matches, quand on se baladait dans l’ancien stade, il nous disait. « Allez les Gallines, c’est comme ça qu’on dit à Marseille ! Vous êtes encore là ! » On faisait tous les déplacements et il l’avait remarqué. Une fois, pour un déplacement en Irlande, il nous a fait un prix imbattable, après une petite négociation amusante. Le prix de départ était à 200 euros, il l’a baissé à 150, puis à 100 puis à 60…puis il a dit : «bon finalement le déplacement c’est gratuit ! ». Il était génial.
QUE PENSEZ-VOUS DE L’ACTUEL PRÉSIDENT DE L’OM ?
Pablo Longoria est un mec très bien ! C’est le premier depuis Pape Diouf à avoir été si gentil avec nous. Comme tous les autres présidents, j’ai son numéro de téléphone.
EN 2020, LE MONDE A ÉTÉ TOUCHÉ PAR LE COVID. PENDANT 1 AN ET DEMI VOUS N’AVEZ PAS PU VOUS RENDRE AU STADE. COMMENT AVEZ-VOUS VÉCU CETTE PÉRIODE ?
J’ai beaucoup souffert du confinement. Plus de stade, plus de match, plus rien… Surtout que ma seule sortie est d’aller voir l’OM. J’étais anéantie ! Si d’autres aiment les voyages, aller au loto, jouer au casino, moi c’est aller au stade.
QUE MANQUE-T-IL À L’OM POUR RETROUVER LE SOMMET ?
Il manque un très bon entraîneur, car un technicien performant, cela fait beaucoup de choses. Le grand Président ? Je pense qu’on l’a. Mais ce qui est évident, c’est que c’est l’argent qui nous manque. Car le public, ça on l’a déjà.
QUE PENSEZ-VOUS DU PUBLIC MARSEILLAIS ?
Pour moi, on est peut-être le meilleur public du monde. En France, personne ne nous égale. Il n’y a que les supporteurs du RC Lens qui ont inventé les Corons, qui est un beau chant. Eux, au moins, ont de l’idée. Pas comme certains de nos rivaux qui nous piquent nos chants. À Marseille on est créateur. Par exemple le « Aux armes », tout le monde nous le reprend mais personne ne le fait aussi bien que nous. C’est mon chant préféré, rien que d’en parler, j’en ai la chair de poule… Quand on le fait, que le stade est plein et que les deux virages se ré- pondent, c’est vraiment trop beau.
Question bonus
Votre plus beau souvenir avec l’OM ?
La Coupe de France en 1969 ! Il y a plein d’anecdotes que je raconterai peut-être un jour dans un livre… On était 20 000 supporters à monter à Paris. On avait fait 16 heures de train… C’était magnifique.
Vos joueurs préférés ?
C’est Roger Magnusson mon joueur préféré (un Suédois qui a joué à l’OM de 1968 à 1974). Après, j’aime bien Josip Skoblar, Didier Deschamps, Jean-Pierre Papin. Quand on était en D2, il y avait Marcel Dib c’était un super joueur et un grand monsieur. Il était d’ici, il habitait dans le 11ème arrondissement de Marseille. Je connaissais bien sa mère. C’est quelqu’un que j’apprécie beaucoup.