Rencontre exclusive avec une grande figure du football féminin français. Troisième joueuse la plus sélectionnée de l’histoire des Bleues, Laura Georges est aujourd’hui secrétaire générale de la Fédération française de football (FFF). Elle nous raconte son parcours et ses missions. PROPOS RECUEILLIS PAR MERLIN DEMANGEL. Extrait du WOMEN SPORTS N°27.
WOMEN SPORTS : COMMENT VOTRE PASSION POUR LE FOOTBALL S’EST-ELLE DÉVELOPPÉE ?
LAURA GEORGES : Le football, je l’ai dé- couvert à travers mon père, qui jouait en amateur en entreprise. C’est lui qui m’a initiée au foot en me faisant découvrir sa passion. Mais j’ai vraiment commencé en jouant avec mes amis. Ayant grandi près du Parc de Versailles, dès qu’on finissait l’école, je les retrouvais pour taper la balle.
AVIEZ-VOUS UN MODÈLE LORSQUE VOUS AVEZ COMMENCÉ ?
Lorsque j’ai rejoint le monde du football professionnel, j’ai découvert la personnalité de Lilian Thuram, qui m’a particulière- ment touchée. Sa personnalité, son professionnalisme et son calme ont inspiré la joueuse que je suis devenue, puis la femme que je suis aujourd’hui.
AVEC 17 ANS AU PLUS HAUT NIVEAU, QUELS SONT LES PLUS BEAUX SOUVENIRS DE VOTRE CARRIÈRE ?
Ce qui me vient, c’est d’abord la qualification pour la première finale de la Ligue des champions de l’histoire de l’Olympique Lyonnais. Après une victoire à domicile (3-2) contre les grandes favorites de l’Umea IK, nous devions nous déplacer en Suède. Pour nous qualifier, il suffisait d’un match nul et on arrive à faire un 0-0 au couteau. C’était une première dans l’histoire pour un club français. C’est un des souvenirs les plus forts. Sinon, il y a aussi des buts. Je pense d’abord à celui que j’ai marqué, alors que l’Olympique Lyonnais était à 0-0 et que le club était sur une série de plusieurs années sans défaite à domicile. Ce but était assez spécial pour moi, déjà car je marquais rarement, mais aussi car à ce moment-là, j’étais poussée vers la sortie. Le fait que je marque ici, à domicile et en permettant de conserver cette invincibilité était vraiment important. Avec la sélection, il y a aussi mon but aux Jeux Olympiques de 2012 à Londres contre la Suède qui reste gravé dans ma mémoire. J’ai marqué pour ouvrir le score à la 29e minute. Derrière nous avons gagné le match 2-1 et continué l’aventure jusqu’en demi-finale.
QUELS SERAIENT VOS CONSEILS POUR UNE JEUNE FILLE PASSIONNÉE DE FOOTBALL, QUI RÊVE DE DEVENIR PROFESSIONNELLE ?
Être passionnée, s’intéresser à son sport, comprendre son poste et comprendre les autres postes. Il ne faut pas penser à la carrière, à l’argent, avant de commencer. Il faut avant tout se concentrer sur ses performances et bien prendre conscience de tout ce qui entoure le football. Il y a les entraînements, la rigueur mais aussi la nutrition par exemple. Le vrai danger, c’est d’oublier la passion.
QUELLES SONT VOS MISSIONS ACTUELLES AU SEIN DE LA FFF ?
Mon premier mandat était axé autour du plan de développement de l’arbitrage féminin, avec un travail de recherche, de compréhension, pour savoir ce qui motivait les filles à aller arbitrer. C’était très enrichissant et cela m’a permis de comprendre comment fonctionnaient les différentes actions de la fédération. Grâce à ce plan, on est passé de 860 à 1 200 arbitres féminines. Aujourd’hui, je suis sur les relations internationales. On travaille avec différentes fédérations afin d’aider l’expansion du football féminin dans des endroits où il est encore en développement.
SELON VOUS, OÙ EN EST LE FOOTBALL FÉMININ À L’HEURE ACTUELLE ?
À la sortie de la Coupe du monde 2019 organisée en France, le football féminin a connu un nouvel essor. On était sur une structuration des clubs et on s’était donné comme objectif d’aider les clubs qui forment les femmes footballeuses, et ainsi d’encourager la création de nouveaux centres de formations féminins. Au plus haut niveau, il y a eu un parti pris des clubs de prendre cet aspect centre de formation, ce qu’on cherche aussi à encourager avec la fédération. Au niveau amateur, le but serait aussi d’avoir plus de dirigeantes. Avec la fédération, on travaille notamment avec l’association « Toutes Foot », qui accompagne en dotation les femmes dirigeantes afin qu’elles se lancent dans la direction de club.
LES DROITS TV DE LA PROCHAINE COUPE DU MONDE FÉMININE SONT 100 FOIS INFÉRIEURS À CEUX DU MONDIAL MASCULIN. QUELLES SONT LES SOLUTIONS POUR RÉDUIRE CET ÉCART ?
Je sais que c’est une problématique relevée par la FIFA, malgré des records d’audience. Il n’y a pas de solution-miracle. C’est un processus. En France, notre programme « Toutes Foot » vise à montrer la place des femmes, des dirigeantes et arbitres dans le milieu du football. C’est par ce genre d’initiatives que l’on « réduit l’écart » avec le football masculin. On mène des appels à projet, avec une cérémonie à Clairefontaine pour valoriser les meilleurs projets pour le football féminin. L’ensemble des clubs sont récompensés en dotations.
COMMENT FAIRE EN SORTE QU’IL Y AIT DAVANTAGE DE FEMMES DIRIGEANTES AU SEIN DES INSTANCES DU FOOTBALL ?
Sur la place des femmes dans les ins- tances, je pense qu’il y a un message d’encouragement à passer. En effet, ce sont des postes à responsabilité mais il est important pour les femmes de ne surtout pas douter de leur légitimé. Il ne faut pas forcément être experte pour être dirigeante de club. De nombreux hommes en place ne sont pas forcément non plus de formidables experts. Je ne peux qu’encourager les femmes qui ont envie de s’investir. Le frein de la confiance en soi est problématique pour celles qui veulent devenir dirigeantes. Il y aussi le frein temporel : gérer son emploi du temps peut être un vrai problème, notamment quand on est jeune maman. Il faut prendre conscience que lorsqu’on est dirigeante de club, il est complètement possible de déléguer, on n’est pas obligé de passer 100 % de son temps à régler les affaires du club.
QUELS SONT VOS PROCHAINS PROJETS MAJEURS ?
L’un des gros projets qui me tient à cœur, c’est d’aider à l’international. Le football n’est pas qu’un business, il doit aider à la paix, à l’éducation. Par exemple, on a collaboré avec « Plan International », la Fifa et l’AFB dans un programme « championne », qui entraînait des jeunes filles au Bénin. Je suis très fière d’y prendre part et très motivée à poursuivre ce projet.
En quoi la participation aux Sportel Awards était quelque chose d’important pour vous ?
« J’ai été invitée aux Sportel Awards en tant qu’ancienne sportive. J’ai pu découvrir les nominés des différents projets (documentaires, publicité) et ainsi faire des rencontres très enrichissantes. Mon intervention se concentrait sur la place de la liberté dans les médias et la diversité des personnalités présentes dans les médias. Mon expérience de consultante TV m’a menée à m’exprimer sur ce sujet important, qui me tenait vraiment à cœur. Le point de départ de ma réflexion, c’est la représentativité. Il est important de ne pas parler qu’avec un seul type de personne en ne s’adressant qu’à un seul type de personne. Il est en effet nécessaire que tout le monde puisse se sentir représenté dans les médias. »
2 QUESTIONS PRONO
Quelles sont les joueuses qui vous font rêver à l’heure actuelle ?
Aujourd’hui, en France, on a le privilège d’avoir des joueuses de grande qualité. Il y a des joueuses que j’aime beaucoup regarder, comme la Lyonnaise Selma Bacha. On a aussi des Françaises qui performent très bien à l’international, comme Wendie Renard. En plus, j’ai la chance de commenter en tant que consultante TV et de voir ces joueuses extraordinaires, beaucoup de tech- nique, de la vitesse. Les Françaises sont très talentueuses. Je vais aussi citer la jeune allemande Oberdorf, 20 ans, très solide au milieu de terrain de Wolfsburg. Je suis également ravie de voir mes anciennes coéquipières évoluer au haut niveau aussi ; par exemple Fridolina Rolfo, qui était ma partenaire et qui est aujourd’hui particulièrement performante au FC Barcelone.
Selon vous, quand les Françaises remporteront- elles une Coupe du monde ? Ce qui est sûr, c’est qu’il est très compliqué de pronostiquer. Mais pourquoi pas l’été prochain ! On aurait espéré que cela se passe en 2019 à la maison. On continue de progresser et de travailler. Je sais qu’on a des joueuses qui ont le niveau, qui ont la capacité de répondre à ces attentes, maintenant ce n’est pas fini et le but c’est d’être prête le jour J. J’espère grandement, maintenant qu’on a eu le tirage, que nos Bleues vont bien performer en Australie, et pourquoi pas nous ramener une Coupe du monde.
Le parcours sportif de Laura
Née le 20 août 1984 à Le Chesnay et d’ascendance Guadeloupéenne, avec son palmarès bien garni, la footballeuse Laura Georges est un des piliers du foot féminin en France.
Elle commence le football à l’âge de 12 ans, après s’être fait recruter par le Paris Saint-Germain. Mais elle fait ses premiers pas avec l’équipe A du PSG dans la saison 2003- 2004, soit à 19 ans. Finalement, un an plus tard, et ce pour des raisons scolaires et professionnelles, elle se rend aux États Unis dans le Boston College Eagles où elle continue sa carrière de footballeuse tout en obtenant un bachelor en communication.
En 2007, la joueuse très prometteuse revient en France dans les rangs de l’Olympique Lyonnais et connaîtra ses plus gros succès. Avec 160 matchs disputés chez les Gones entre 2007 et 2013, c’est ici qu’elle remportera 6 Championnats, 2 Coupes de France et 2 Ligues des champions féminines. Elle ira ensuite au Paris Saint-Germain, où elle jouera 104 matches entre 2013 et 2018, et sera une grande actrice dans les beaux parcours des Parisiennes en Ligue des champions, avec des finales en 2015 et 2017.