Corina Calugaru : « Le sport est un facteur de diplomatie, de cohésion et d’émancipation»

Ambassadrice de Moldavie en France depuis 2022, Corina Calugaru est aussi présidente du Groupe des Ambassadeurs Francophones en France (GAFF). Juriste et économiste de formation, elle a mené une carrière diplomatique de plus de vingt ans, marquée par des engagements au Conseil de l’Europe, à l’ONU et aujourd’hui à Paris. À l’occasion d’un entretien, elle partage sa vision de la francophonie sportive, du rôle des femmes dans le sport, mais aussi de son rapport personnel à la pratique sportive qu’elle considère comme une véritable école de vie. PROPOS RECUEILLIS PAR DAVID TOMASZEK. Extrait du WOMEN SPORTS N°38.

LA FRANCOPHONIE SPORTIVE, UN ENJEU GLOBAL

WOMEN SPORTS : VOUS AVEZ ACCUEILLI RÉCEMMENT LA PLÉNIÈRE DU GROUPE DES AMBASSADEURS FRANCOPHONES SUR LE THÈME DU SPORT. POURQUOI CE SUJET ?

CORINA CALUGARU : Le sport dépasse le simple cadre des compétitions. C’est un facteur économique, diplomatique et sociétal. Il incarne une appartenance, il crée des modèles et contribue à la paix et à la coexistence pacifique. Pour la francophonie, il est aussi un vecteur de langue et de valeurs partagées. Nous souhaitons d’ailleurs organiser une course francophone annuelle à Paris et bâtir un calendrier commun des événements sportifs francophones sur dix ans.

QUELS SONT LES ENJEUX ÉCONOMIQUES LIÉS À CETTE FRANCOPHONIE SPORTIVE ?

Ils sont considérables. L’organisation d’événements comme les Jeux de la Francophonie ou de grands marathons ne profite pas seulement aux athlètes : ils stimulent l’hôtellerie, la restauration, le transport, le tourisme, la médecine, le textile… Le marché de la chaussure et du matériel sportif est en pleine croissance. Le sport est à la fois un moteur de cohésion sociale et un axe de développement économique.

FEMMES, SPORT ET SOCIÉTÉ

QUELLE PLACE OCCUPE LE SPORT FÉMININ DANS CETTE VISION ?

En Moldavie, en France, en Europe et dans le monde, le sport féminin est en plein essor. Chez nous, de nombreuses salles de sport ouvrent et les marathons attirent un public croissant – jusqu’à des courses insolites dans les caves ! Les Jeux de Paris 2024 ont montré que la Moldavie a un potentiel énorme, avec six médailles dont deux paralympiques. Certaines athlètes, comme la lutteuse Anastasia Nichita, deviennent même des figures politiques. Cela montre que le sport n’est pas seulement une performance : il contribue à l’émancipation des femmes, à leur visibilité et à leur rôle dans la société.

UNE PRATIQUE PERSONNELLE ET UNE PHILOSOPHIE DE VIE

QUELLE EST VOTRE RELATION PERSONNELLE AU SPORT ?

Je ne suis pas une sportive de performance, mais le sport est essentiel a ma vie, non seulement comme source de bien-être personnel, mais aussi comme un équilibre indispensable dans un quotidien chargé… garder l’énergie, la concentration et la résistance nécessaires pour les fonctions diplomatiques.Chaque matin, je commence par un jogging et une douche froide. Avec des journées de travail qui commencent à 5h30 et finissent tard le soir, l’activité physique m’aide à garder énergie et concentration. Le sport, c’est la discipline qui me permet de survivre dans un milieu compétitif, une source d’inspiration, de me projeter et d’avancer.

VOUS ÉVOQUEZ SOUVENT LA NOTION DE DISCIPLINE…

Oui, le sport enseigne la détermination, la régularité, la capacité à fixer des objectifs et à les atteindre avec professionnalisme et passion. C’est une école de vie. À l’UNESCO, avec mes collègues, nous avons même un club des ambassadeurs qui courent chaque dimanche. On se motive mutuellement : c’est une belle métaphore de la diplomatie, qui demande engagement collectif et endurance.

SPORT, DIPLOMATIE ET RESPONSABILITÉ

D.R. QUEL RÔLE LE SPORT JOUE-T-IL DANS LA DIPLOMATIE ?

Le sport joue un rôle majeur en diplomatie. Beaucoup de diplomates sont eux- mêmes sportifs, car la pratique apporte équilibre, énergie et discipline. Mais au-delà de l’expérience personnelle, le sport, tout comme l’art, dépasse les frontières politiques. Ce sont des langages universels, capables de rapprocher les peuples indépendamment de leur origine, de leur genre ou de leurs convictions. Véritables instruments de soft power, ils renforcent la coopération multilatérale, contribuent à bâtir une francophonie moderne et dynamique et demeurent, dans un monde traversé par des tensions, des ponts entre les cultures, capables d’apaiser et de fédérer.

QUEL MESSAGE AIMERIEZ- VOUS ADRESSER À LA JEUNESSE FRANCOPHONE À TRAVERS LE SPORT ?

Le sport est une école d’éducation et de discipline, qui nous aide à devenir meilleurs chaque jour. Il montre qu’il est possible d’être épanoui soi-même tout en étant utile à la société. Aux jeunes francophones, je dirais : voyez dans le sport non seulement un loisir ou une carrière, mais aussi une façon de se transformer, de contribuer au vivre-ensemble et de bâtir un avenir plus solidaire.

Anastasia Nichita, de la lutte olympique à la politique

Championne de lutte libre et vice- championne olympique aux Jeux de Paris 2024, Anastasia Nichita est l’une des plus grandes sportives de Moldavie et un véritable rôle modèle pour la nouvelle génération. Triple championne d’Europe et titrée aux Mondiaux 2022, elle a porté haut les couleurs de son pays sur les tapis du monde entier.

À seulement 26 ans, elle a décidé de relever un nouveau défi : la politique. Le 7 juillet 2025, Anastasia Nichita a rejoint la liste du Partidul Acțiune și Solidaritate (PAS) pour les élections législatives anticipées de septembre. Elle dit vouloir mettre son expérience et sa discipline
de sportive au service de la société moldave, malgré les critiques suscitées par certaines de ses prises de position. Figure d’excellence sportive et désormais d’engagement citoyen, Anastasia Nichita incarne une nouvelle génération prête à faire bouger les lignes, sur le tapis comme dans l’arène politique.