À moins d’un an des Jeux Olympiques de Paris, Carole Gaessler, accompagnée d’Alexandre Boyon et de toute une panoplie de champion(ne)s, fait plonger les Français dans les coulisses de l’événement via l’émission sur France Télévisions « Aux Jeux Citoyens ! ». De la préparation des athlètes à la préparation du village olympique, les spectateurs n’en ratent pas une miette. Moments historiques, pratique sportive, Paris 2024… La journaliste s’est confiée en exclusivité pour Women Sports. PROPOS RECUEILLIS PAR VANESSA MAUREL. Extrait du WOMEN SPORTS N°30.
WOMEN SPORTS : LE JOURNALISME A-T-IL TOUJOURS ÉTÉ UNE ÉVIDENCE ?
CAROLE GAESSLER : Depuis mes 14 ans, oui. J’avais dit à mes parents qu’il y avait deux métiers qui me faisaient rêver : avocat ou journaliste. Je pense que c’était une façon d’être connectée au monde, aux grandes questions, humaines et de société. Mes parents ne savaient pas quelle voie je devais prendre pour être journaliste. Alors de ma plus belle plume et du haut de mes 14 ans, j’ai envoyé une lettre à la rédactrice du Républicain lorrain. Elle m’a convoquée et m’a consacré beaucoup de temps. Elle m’a dit « pour savoir si vous aimez vraiment ça, faites des études, quelles qu’elles soient, remplissez votre tête et après faites une école de journalisme ». Elle m’a aussi proposé de faire un stage d’observation l’année suivante. J’ai évidemment accepté. À partir de là et jusqu’à la fin de mes études, j’ai passé mes deux mois d’été à travailler dans les agences du Républicain lorrain.
LE SPORT A-T-IL LUI AUSSI TOUJOURS FAIT PARTIE DE VOTRE VIE ?
Pas du tout ! J’ai toujours aimé la randonnée, la marche, car c’est quelque chose que je faisais beaucoup avec mes parents le dimanche en forêt. Mais le sport, tel qu’on l’entend, pas vraiment. J’en ai essayé beaucoup étant petite (danse classique, tennis…) mais je ne pense pas avoir l’esprit de compétition. Je me décourageais assez vite, je ne me trouvais jamais assez bonne… J’étais très grande pour mon âge, à 13 ans j’avais déjà ma taille d’aujourd’hui donc je faisais 1 m 69. C’est dommage, je le concède, mais je sentais mon corps plus difficile à travailler, j’étais moins souple que les filles qui étaient plus petites… Bref, je ne me sentais pas bien dans mon corps et ça me freinait, alors que le sport aurait pu me permettre de prendre confiance en moi.
ET AUJOURD’HUI ?
Le sport m’est finalement venu assez « tardivement » par la course à pied. Attention, je ne fais pas non plus le marathon (rires). Mais j’ai compris que courir était facile et il ne me demande pas une organisation de dingue (même lorsque j’avais les enfants en bas âge). J’ai aussi compris qu’après une séance, même si elle dure 45 minutes, on se sent bien. Ça fait une quinzaine d’an- nées que je cours, de façon cool, avec de la musique, des podcasts, ou la radio dans les oreilles. Et j’adore !
Depuis maintenant 7, 8 ans, je vais égale- ment nager. De la même manière que la course, c’est du sport plaisir : je ne nage pas très bien, je fais de la brasse ou du dos ! Je fais des séances d’environ 40, 45 minutes, et ce, tous les mardis. Quand je n’y vais pas, j’essaye d’aller à la salle de sport. J’y fais du vélo, du tapis s’il fait moche dehors et que je ne peux aller courir, un petit peu de rameur…
VOUS PRÉSENTEZ UNE ÉMISSION QUOTIDIENNE CONSACRÉE AUX JO, NOMMÉE « AUX JEUX CITOYENS », POUVEZ-VOUS NOUS LA PRÉSENTER ?
C’est une émission quotidienne d’une demi-heure, qui commence à 20h40. L’idée c’est de rapprocher les Français de cet événement, de faire en sorte que les Jeux prennent concrètement vie dans leur quotidien. Pour y parvenir, nous proposons trois grands rendez-vous :
1. Le feuilleton des Jeux. C’est un rendez-vous que j’aime beaucoup, qu’on peut comparer à une « fiction », sauf que les personnages sont de vraies personnes, athlètes ou non-athlètes, qui préparent les Jeux à leur manière. Nous avons, par exemple, Trésor Makunda qui est un sprinteur malvoyant extraordinaire. On le suit dans son quotidien, on le voit évoluer, aller à l’INSEP s’entraîner avec ses deux guides, alors qu’il n’y en a qu’un seul qui ira avec lui aux Jeux. On suit aussi la handballeuse Cléopatre Darleux qui se remet d’une commotion cérébrale et qui est en train de se réapproprier son corps et son cerveau, en espérant pouvoir prendre part à Paris 2024. Dans un tout autre registre, on peut axer le reportage sur une bénévole, sur un chef de chantier du village olympique… Ce sont tous ceux qui se préparent ou préparent les Jeux. J’adorerais que ces visages deviennent familiers pour les Français et que tout à coup on commence à mettre de l’humain derrière l’événement.
2. Le deuxième rendez-vous s’appelle le « Tic-tac des Jeux ». Comme son nom l’indique, il s’agit plus d’un compte à rebours. On se demande si on sera prêt, où est-ce qu’on en est. Bref, on est dans la projection.
3. Le troisième s’appelle « Histoire de Jeux ». On replonge ainsi dans les archives pour raconter de belles histoires, humaines et sportives. Par exemple avec Nadia Comaneci, cette petite Roumaine que tout le monde découvre et qui va devenir otage du régime de Ceausescu. On revient aussi sur l’histoire d’Alexis Vastine, boxeur français maudit par deux fois, qui a été victime d’injustices d’arbitrage. On a aussi le portrait d’une jeune athlète paralympique afghane, Zakia Khudadadi, qui est réfugiée en France depuis 2021.
Pour ces trois rendez-vous, je suis entourée d’olympiens, des hommes et des femmes qui ont déjà participé aux Jeux Olympiques ou aux Jeux Paralympiques. Il y a notamment Laure Manaudou, Marie-José Perec, Théo Curin, Céline Dumerc, Luc Abalo, Sarah Ourahmoune… Ils apportent un retour d’expérience incroyable.
Je dirais que ce sont presque des coachs de vie. Ce sont des gens qui ont connu les descentes aux enfers des doutes, les blessures où il faut réapprendre à avoir confiance en soi, ils ont connu les crises de couple parce que le sport a pris toute la place dans leur vie… Ils connaissent beaucoup de choses duplicables dans d’autres secteurs.
On accueille par ailleurs de nombreux invités de prestige comme Clarisse Agbegnenou, Thierry Marx, Marie-Amélie Le Fur, Tony Estanguet…
QUE REPRÉSENTENT POUR VOUS LES JEUX OLYMPIQUES ?
Ce sont des moments collectifs qui sont assez rares dans nos vies. Ce sont des moments où on peut se réjouir, où on peut avoir de l’émotion collectivement. Il y a aussi les Coupes du monde, notamment de football, qui nous le font vivre, et c’est ça que j’adore dans le sport.
Je veux dire, tout le monde se souvient de ce qu’il a fait à la Coupe du monde 98 ! Moi je me souviens de la même façon de la cérémonie d’ouverture des JO d’Albertville, en France. Ce spectacle était magique, il y avait de la poésie, de l’imaginaire…
À noter qu’au-delà de tout ça, j’aime aussi particulièrement m’intéresser aux histoires qu’il y a avant la performance.
« J’ESPÈRE QU’ON POURRA VIVRE UN MOMENT JOYEUX, D’UNITÉ, OÙ L’ON SERA TOUS À FOND DERRIÈRE NOS ATHLÈTES ! »
QU’ATTENDEZ-VOUS DES JO 2024 ?
J’attends qu’ils nous donnent une pause collective apaisée, joyeuse, festive, un moment dont on se souviendra quel que soit l’âge, le moment où on était. On sort d’une période compliquée, où il y a beaucoup de choses qui vont vite, qui sont parfois violentes voire déstabilisantes. Il y a une guerre aux portes de l’Europe… Il y a beaucoup de choses et j’espère qu’on pourra vivre un moment joyeux, d’unité, où l’on sera tous à fond derrière nos athlètes.
PARLONS HISTOIRE. QUELLE A ÉTÉ L’ÉDITION DES JEUX QUE VOUS AVEZ LE PLUS AIMÉE ET POURQUOI ?
J’ai adoré les Jeux de Barcelone 1992. Ils m’ont notamment marquée avec cette image l’archer espagnol Antonio Rebollo allumant la vasque lors de la cérémonie d’ouverture… Et surtout, ces Jeux ont complètement changé l’image de la ville qu’on ne connaissait pas forcément, bien qu’on soit très proches géographiquement.
J’ai aussi beaucoup aimé les Jeux de Londres parce qu’ils ont été précurseurs sur tout ce qui était paralympisme. Ils ont fait un énorme travail d’inclusion, en mettant les athlètes paralympiques au même niveau que les athlètes olympiques. Puis ils ont été capables de tellement d’audace. On se rappelle notamment de l’image de la reine d’Angleterre qui saute en parachute, faussement bien sûr… On sentait qu’ils étaient à fond ! C’était une grande fête.
QUEL ÉVÉNEMENT VOUS A PARTICULIÈREMENT MARQUÉE ?
Je suis une grande fan de Marie-José Perec. Donc, forcément, je vais vous ci- ter sa double médaille d’or sur le 200m et le 400m à Atlanta, en 1996. C’était fou de la voir décrocher des médailles comme ça… On est complètement dé- concerté devant cette « facilité » avec laquelle elle court et s’impose. Le moins que l’on puisse dire, c’est qu’elle porte bien son surnom de « Gazelle ».
L’équipe de champions qui entoure Carole Gaessler (*) :
Luc Abalo, triple champion olympique de handball ;
Théo Curin, double médaillé aux Championnats du monde de natation handisport ;
Stéphane Diagana, double champion du monde d’athlétisme ;
Céline Dumerc, vice-championne olympique de basket ;
Laure Manaudou, championne olympique de natation ;
Sarah Ourahmoune, vice- championne olympique de boxe ;
Marie-José Pérec, triple championne olympique d’athlétisme.
* et Alexandre Boyon