Maryse Éwanjé-Épée a eu plusieurs vies ! Championne d’athlétisme, maman, consultante, journaliste, écrivaine, citoyenne engagée… La «grande gueule du sport» de RMC nous dévoile ses passions et revient en exclusivité pour WOMEN SPORTS sur quelques uns des moments forts de l’actualité du sport en 2018.
Propos recueillis par Floriane Cantoro
Extrait du magazine WOMEN SPORTS N.11 de janvier-février-mars 2019
WOMEN SPORTS : Maryse, quels sont vos premiers souvenirs de sport ?
Maryse Éwanjé-Épée : Quand nous étions petites, nous fréquentions mes soeurs et moi une garderie sportive le mercredi après-midi. J’y ai découvert plusieurs sports. La personne qui s’en occupait était très dynamique. Elle nous lançait souvent des petits challenges que je passais mon temps à essayer de relever. Un jour elle nous a montré des vidéos de Jesse Owens. Je me suis reconnue en lui, un peu comme si, tout d’un coup, je prenais conscience de mon métissage [ndlr, née d’un père camerounais et d’une mère française d’origine espagnole]. Je me souviens simplement m’être dit : «tiens, je suis comme lui». Et comme j’étais comme lui, j’ai eu envie de faire comme lui, de ressembler à cet athlète incroyable qui faisait les Jeux olympiques et gagnait toutes les médailles.
À quand remonte votre histoire d’amour avec l’athlétisme ?
J’ai longtemps pratiqué trois disciplines : l’athlétisme, le basketball et la gymnastique. Le basketball ne me plaisait pas du tout ; on m’avait inscrite, comme mes trois autres soeurs, parce que j’étais grande et noire, sans trop d’originalité. En revanche, j’adorais la gymnastique. Comme beaucoup de petites filles « garçons manqués » je rêvais d’être une princesse. Je rêvais de danse classique ou de tout autre sport élégant. Mais j’étais trop grande pour la gymnastique. C’est alors que j’ai découvert Guy Drut et le 110 m haies. J’ai trouvé cette discipline incroyablement esthétique avec des gestes qui ressemblaient à des grands-écarts. Je me suis dit que l’athlétisme, ce sport pour lequel tout le monde trouvait que j’avais des aptitudes, serait un peu ma danse classique à moi. À 11 ans et demi, j’ai participé à ma première compétition, les Championnats d’Académie. J’étais alignée sur quatre épreuves – poids, longueur, course, haies – que j’ai remportées. Je suis rentrée avec quatre médailles d’or autour du cou, comme Jesse Owens lors des JO de 1936. À partir de là, il n’y en avait plus que pour l’athlétisme.
« C’est une vie entière que j’ai vécue sur les pistes et j’en garde des souvenirs formidables. »
Quels souvenirs gardez-vous de vos années en compétition ?
Un souvenir merveilleux. J’ai eu un grand-père et une mère qui m’ont appris la valeur travail. Je me suis toujours entraînée très dur donc ce que je vivais sur le stade, c’était un rêve permanent pour moi. J’ai passé de mes 8 ans à mes 32 ans sur les pistes. J’ai tout connu sur un stade : le temps de l’enfance, le temps de l’adolescence, le temps de la femme, le temps de l’amour, le temps de la retraite. C’est une vie entière que j’ai vécue sur les pistes et j’en garde des souvenirs formidables.
Comment passe-t-on du stade aux cabines des journalistes ?
Pour moi, tout naturellement. Petite, je voulais être sportive, mais aussi comédienne et journaliste. Je me suis toujours donnée les moyens de réussir dans ces trois domaines. À 15 ans, je pigeais déjà pour des médias. J’étais élève du Conservatoire régional de théâtre de Montpellier, dont je suis sortie avec les honneurs. J’ai ensuite réalisé des études de journalisme. Je les ai commencées aux États-Unis puis, de retour en France, j’ai intégré le Centre de Formation des Journalistes (CFJ). Même si ma carrière sportive marchait bien, je savais qu’il fallait que je continue mes études. Je savais aussi que, si l’athlétisme ne me ferait pas vivre, il me donnerait des relations et un carnet d’adresses que j’ai toujours su faire marcher.
« Je savais que si l’athlétisme ne me ferait pas vivre, il me donnerait des relations et un carnet d’adresses. »
Quelles ont été vos premières expériences en télévision ?
J’ai fait mes premiers pas en télévision sur Eurosport en 1992. À l’époque, les journalistes n’étaient pas filmés et travaillaient depuis des cabines d’1 m2, en faisant croire qu’ils étaient sur le stade. Les ordinateurs n’existaient pas ; il fallait courir chercher les télexs et retourner « illico » en cabine pour annoncer les résultats des Français. Je travaillais avec mon mari [ndlr, le journaliste Marc Maury duquel elle est séparée, puis divorcée, depuis 2007]. On se vouvoyait à l’antenne et on s’engueulait quand ça ne tournait pas. C’était assez marrant. En 1996, j’ai raté ma troisième qualification aux JO pour 1 cm. Charles Bietry, directeur des sports de Canal+, m’a tout de suite engagée pour rejoindre son équipe du bord de terrain. Ensuite, la chaîne a voulu que j’intègre le football mais ça ne nous emballait pas beaucoup, avec mon mari, que je sois en déplacements tous les week-ends car nous avions des enfants. J’ai plusieurs fois refusé les propositions de Michel Denisot qui a fini par engager Laurent Paganelli.
Comment êtes-vous ensuite arrivée sur RMC ?
De 1996 à 2002, je pigeais pour Canal+ mais j’avais surtout pris un poste plus sédentaire de responsable des sports de la ville de Noisy-le-Grand afin de m’occuper au mieux de nos quatre enfants. En 2003, j’ai fait un DESS en management du sport car je trouvais que je manquais d’expériences privées. J’arriverais sur la quarantaine et j’avais envie de mettre un peu plus à profit mon diplôme de journaliste. J’ai été carriériste à 40 ans. Je suis rentrée chez RMC en 2003, d’abord à la pige puis à temps partiel, ce qui me laissait du temps pour d’autres activités. J’ai notamment monté une société de production d’émissions de radio en Afrique avec mon meilleur ami et j’ai embauché José Touré pour présenter avec moi l’émission de sport, et j’ai écrit plusieurs ouvrages. Puis, au fur et à mesure que mon temps d’antenne augmentait, j’ai dû arrêter mes autres activités. Je suis à temps plein sur RMC depuis 2014.
Qu’est-ce qui vous plaît tant dans la radio ?
La radio, c’est le média des bavardes et des bouffeuses de micro comme moi. C’est le support qui correspond le plus à ma philosophie du journalisme sportif aussi, qui est de raconter des histoires et des parcours d’hommes. Quand je parle de Kevin Mayer (dans la rétro-sport 2018), ce n’est pas son record qui m’intéressait à Talence mais sa réaction par rapport aux Championnats d’Europe. Je pense que, si les Français étaient plus sportifs dans les années 1960, c’est parce que la radio était le média sportif numéro un. Les journalistes y racontaient des histoires incroyables avec un talent presque littéraire. J’ai ce souvenir de mon grand-père, assis devant le poste, écoutant le Tour de France commenté par Léon Zitrone qui racontait, outre une course de vélo, une véritable histoire de France. Aujourd’hui, les champions sont devenus des êtres plus « désincarnés », dont on ne parle plus qu’en termes de chiffres, et des gens accessibles de part les réseaux sociaux. C’est dommage car ça enlève une part de mystère et de rêve, qu’on retrouve un peu avec la radio.
Quels sont les futurs projets de l’hyper-active Maryse Éwanjé-Épée ?
Depuis quelques années, je retourne vers l’athlétisme. J’ai repris des responsabilités d’entraîneure puis de présidente dans un club. J’ai vraiment besoin d’aider les jeunes que je vois traîner tous les jours dans les rues. Je me rends compte que je dois une grande partie de mon parcours aux personnes extraordinaires qui m’ont entourée. Un seul mentor peut changer la vie d’un gamin. J’ai de plus en plus envie d’avoir ce rôle.
Une histoire qui dure avec RMC
Maryse Éwanjé-Épée a rejoint Radio Monte-Carlo en 2003 en tant que consultante pour les Championnats du monde d’athlétisme à Paris. Après avoir participé en tant qu’invitée régulière au « Super Moscato Show », émission animée par l’ancien rugbyman Vincent Moscato, elle intègre le programme de manière permanente en 2008. « On s’est détaché avec Eric Di Meco par le fait qu’on pouvait parler de bien d’autres sports que le nôtre et du fait de notre entente avec Vincent Moscato », explique Maryse Éwanjé-Épée. Le mélange des caractères de chacun est également le point fort du programme. « Quand François Pesenti [ndlr, Directeur Général de RMC Sport] nous a recrutés, il a insisté sur le fait qu’il cherchait des personnalités plus que des compétences. Il nous a laissé carte blanche ce qui est assez étonnant parce qu’on est parfois à la limite du dérapage incontrôlé… Mais c’est nous et ce que veulent entendre les auditeurs. Ils ne veulent pas d’un numéro de cirque. »
Aujourd’hui, l’émission est un franc succès et l’ancienne athlète de haut-niveau pense savoir pourquoi : « Les gens se reconnaissent en nous et il y a une vraie proximité avec les auditeurs, explique-t-elle. On est monsieur et madame « tout le monde » qui déconnent à la radio. Il y a un ton qui pourrait être celui d’une bande de copains en train de parler sport au café du coin. On est vraiment dans la déconnade et dans l’engueulade, gentillette, car on s’aime vraiment beaucoup au fond. »
En plus du « Super Moscato Show », Maryse Éwanjé-Épée intervient également des « Les Grandes Gueules du sport » le samedi et anime la saison d’athlétisme. En parallèle, elle écrit son quatrième ouvrage, toujours sur le thème du sport.