Laura Tarantola et Claire Bové ont participé à leurs premiers Jeux Olympiques l’été dernier à Tokyo. Au Japon, les deux coéquipières dans le bateau, parties outsiders parce que nouvelles, ont décroché la médaille d’argent en deux de couple poids légers. Un moment unique sur lequel toutes deux sont revenues pour Women Sports. Interview croisée. PROPOS RECUEILLIS PAR VANESSA MAUREL. Extrait du Women Sports N°23.
WS : LES JO DE TOKYO ÉTAIENT UNE GRANDE PREMIÈRE POUR VOUS, QUELLES ONT ÉTÉ VOS IMPRESSIONS EN ARRIVANT AU VILLAGE OLYMPIQUE ?
LAURA TARANTOLA : Malgré les conditions sanitaires qui ne nous per- mettaient pas de nous déplacer comme on le voulait, c’était impressionnant. Voir tous les sportifs, français et étrangers, regroupés au même endroit… C’est sensationnel ! Il y avait une super ambiance dans le village, de quoi faire baisser un peu la pression.
CLAIRE BOVÉ : J’ai trouvé ça géant ! On est arrivé de nuit, c’était un peu flou, mais c’était un rêve éveillé. C’est comparable à la sensation d’un enfant qui ouvre ses cadeaux de Noël. Quand on a découvert le bassin sur lequel nous allions ramer, ça a également été un moment unique. Il faisait bien plus chaud que d’habitude, il y avait le décalage horaire… Toutes ces petites choses ont rendu l’expérience atypique et magnifique.
QUEL EST VOTRE OBJECTIF EN VOUS ENVOLANT À TOKYO ?
L.T : S’être qualifiées pour les Jeux en 2019 était déjà incroyable. Sur les derniers mois avant la compétition tant attendue, nous avons enchaîné les épreuves de Coupe du monde, et nous avons à chaque fois été médaillées. Alors nous rêvions du podium. Cet objectif trottait dans notre tête. Mais nous savions également que la concurrence y serait rude, donc nous n’avions aucune certitude.
« On est arrivé de nuit, c’était un peu flou, mais c’était un rêve éveillé »
Claire Bové
LORSQUE VOUS REMPORTEZ LA MÉDAILLE, ET QUE VOUS VOYEZ VOTRE NOM SUR LE PANNEAU, VOUS N’AVEZ PAS L’AIR DE RÉALIS- ER…
C.B : Je n’y croyais pas une seconde ! Je me rappelle avoir passé la ligne d’arrivée, et que Laura m’ait dit « Dans tous les cas, il faut qu’on soit heureuse. On a fait une super course ». On faisait notre petit débriefing, on avait encore le cœur qui palpitait, c’était génial. Mais d’un autre côté, on ne savait pas vraiment ce qui était en train de se passer. Les douze concurrentes, nous étions en train de nous regarder, à se demander à quelle place on allait finir. Lorsque notre numéro s’est affiché sur l’écran, on ne s’est pas exclamées tout de suite. On a fait trop de fois l’erreur de lever les bras alors que nous n’avions pas gagné. Laura m’a lancé : « Je crois qu’on est deuxièmes ». Je lui ai répondu que non, que c’était seulement nos lignes d’eau, que ce n’était pas nous. Je n’arrivais pas à réaliser. Mais lorsque j’ai vu tous les bateaux partir, et seulement deux d’entre eux se rendre au ponton d’honneur, j’ai réalisé que la seconde place du podium était bien la nôtre !
L.T : Quand on passe la ligne d’arrivée après un tel effort, on est clairement sur une autre planète. On ne comprend pas trop ce qui se passe, d’autant plus que cette course-là était très serrée. Ma place dans le bateau fait que c’est moi qui suis chargée de dire à Claire combien nous nous sommes classées. Mais là, je ne pouvais pas lui dire, c’était trop serré. Quand les résultats se sont affichés sur le grand panneau en face de nous, nous n’avons pas compris trompés, que cela correspondait à notre couloir… On a cherché des yeux le clan français. Ils étaient tous en train de crier, de se faire des accolades, et là on s’est dit : « C’est peut-être donc vrai, on a peut-être fait deuxièmes ! ». Alors on a crié à notre tour, on a levé les bras. Lorsqu’on est descendues du bateau, on s’est serrées dans les bras.
VIVRE UN TEL MOMENT, ÇA RAPPROCHE ?
L.T : Avec Claire, on est déjà très soudées. Nous sommes deux personnes très différentes et très complémentaires à la fois, ce qui fait notre force. Mais vivre ce genre de moments indescriptibles en- semble, et avec des émotions inimaginables, ça rapproche, forcément. Je me rappellerai toute ma vie de ce moment.
CETTE MÉDAILLE VOUS A-T-ELLE DONNÉ ENVIE D’ALLER EN CHERCHER D’AUTRES ? QUELS SONT VOS PROCHAINS OBJECTIFS ?
L.T : Le plus gros d’entre eux est Paris 2024, dans moins de trois ans. Mais pour nous, tout est remis à zéro. Nous n’avons pas nos noms sur le bateau, nous nous devons d’être les deux meilleures françaises pour représenter le pays à Paris. Avant les qualifications olympiques de 2023, nous aurons déjà plusieurs objectifs. Nous allons faire deux épreuves de Coupe du monde, un Championnat d’Europe, un Championnat du monde… Ça s’annonce intense. Mais j’ai trop envie de revivre cette émotion à Paris !
C.B : Pour l’instant, on en profite. Après, on va se remettre au charbon ! Il ne faut pas se laisser aller trop longtemps, même si c’est important de laisser au corps le temps de se reposer. On se dit forcément que Paris 2024 est atteignable. Quand on voit tous les efforts qu’on a fournis pour arriver là où on était à Tokyo, ça fait peur de se dire qu’il faut tout recommencer depuis le dé- but (rires). Mais on va le faire ! On en a encore plus envie et on sait désormais qu’on en est capable. C’est une nouvelle aventure qui commence.