En manque de nouveautés, d’expériences sportives vraiment différenciantes, et après un an et demi à vivre avec la Covid-19 tout en cherchant à donner du sens au reste, la rédaction de Women Sports a tenu à vous faire découvrir une activité à la démarche autant sportive que personnelle : l’hypno-rando. Embarquement immédiat au milieu des rochers et de mes pensées subconscientes…
Par Léa Borie
Extrait du magazine WOMEN SPORTS N°21 de juillet-août-septembre
Laurence Roche Caustier est coach mental. Si son métier est l’accompagnement thérapeutique et la préparation mentale, elle a aussi des prérogatives dans l’éducation sportive puisqu’elle intervient en STAPS, et surtout, elle est passionnée de montagne. « Je suis partie du principe que les personnes avaient souvent une meilleure capacité à se livrer en dehors de quatre murs, et que le monde extérieur leur permettait de déconnecter plus facilement. » Ayant grandi au milieu des montagnes, Laurence a quitté Paris et s’est installée en Savoie, où elle a décidé de développer une thérapie brève bien spéciale. « Il me fallait trouver le moyen de permettre aux gens de s’évader via l’environnement. Or la montagne est un environnement qui se prête à l’évasion de l’esprit. J’utilise alors la randonnée pour travailler sur une métaphore, des moments ciblés… ». Ce qui lui a demandé de passer un diplôme pour pouvoir accompagner des personnes en montagne. L’hypno-rando était sur les rails !
Tout massif environnant
Que ce soit pour une randonnée de deux heures, d’une journée, de plusieurs jours en mode trek, en groupe ou en individuel, Laurence sillonne les massifs alentours, des Bauges au Beaufortin. « L’idée n’est pas tant de faire un effort sportif ou de dépasser ses limites physiques, mais plutôt de travailler les cailloux dans la chaussure. » Il y a une espèce de confidentialité, de relation de confiance qui se tisse dans sa démarche. « Dans les sorties de groupe, il n’est pas question que les personnes se livrent à tous. Dans ces moments, c’est moi qui parle. »
Questions à notre coach Laurence Roche Caustier
Quelles sont les problématiques sur lesquelles vous travaillez souvent avec les « rando-hypnotisés » ?
La peur de se lancer dans une nouvelle activité, un problème de vie affective, le besoin de s’affirmer, de prendre confiance en soi, d’opérer un rééquilibrage alimentaire…
Quelle méthode utilisez-vous ?
J’utilise plusieurs outils comme l’hypnose, la PNL, le coaching mental… Un des présupposés – un des fondements théoriques en PNL ou en hypnose – est que corps et esprit sont une même cybernétique: quand le corps va bien, l’esprit va bien et vice versa. On va sentir son corps différemment quand il est en mouvement, surtout lors des phases d’ascension et de redescente. Le dépassement de soi me servira, dans ces moments-là, pour dépasser des obstacles mentaux. Simplement, par exemple, dans le fait de regarder un sommet et, quelques instants plus tard, se dire qu’on a réussi à le gravir.
Vous accompagnez principalement des femmes en hypno-rando / hypno-trek. Avez-vous une explication ?
Oui, ce sont des femmes à 98 %. Est-ce mon image qui crée ce phénomène ? Les hommes sont-ils plus binaires, à axer leurs efforts sur le sport ou sur le développement personnel ? Pourtant, la randonnée n’est pas le sport le plus féminin… Peut-être est-ce parce que cela revêt une orientation plus bien-être que sport, et que les femmes, en ce sens, se reconnaissent mieux que les hommes.
Mon expérience d’hypnose en montagne
Rendez-vous est donné au cabinet de Laurence Roche Caustier, au pied du Revard, un mont au-dessus d’Aix-les-Bains, vue sur le lac du Bourget (73). On part de son pallier, ce qui est déjà surprenant et très plaisant en guise de première approche de l’exercice.
Nous traversons la route, Laurence, son chien et moi, pour rejoindre le chemin de la Crémaillère ! Et comme tout prête à interprétation dans ce genre de moment, je me dis que c’est un mot annonciateur de bonne nouvelle me concernant… (Je comprendrai plus tard que ce sentier tient son nom de son tracé. L’ancienne voie de chemin de fer qu’on a suivie par moments était une ligne de chemin de fer à crémaillère du siècle dernier.)
Pour l’intérêt de l’exercice, je cherche, à la demande de ma thérapeute en amont, une problématique sur laquelle travailler, pour jouer le jeu à fond. Seulement, une fois qu’on a mis le doigt sur un sac de nœud, ce n’est pas évident de se laisser conduire… On commence alors à gravir deux montagnes à la fois, celle de mes problèmes et celle du Revard. Vous l’avez compris, dans cette expérience, tout est propice à interprétation !
Très vite, je me retrouve plongée dans mes pensées, guidée par Laurence. Je me sens entourée d’une végétation chaleureuse, je me réjouis d’être ici, mais c’est surtout par l’esprit… Car je profite du paysage et de ce qui m’entoure uniquement lorsque Laurence m’invite à y prêter spécialement attention. Ça me sort de mes pensées, je lève alors le nez, reprends conscience des lieux, de ma présence ici et maintenant.
Cela me demande tellement de concentration de qualifier mes émotions que j’en oublie où je suis. Un état de subconscient arrive, l’air de rien. Ce qui se traduit dans mon rapport modifié à l’espace : moi qui habituellement est assez à l’aise pour me repérer, je n’ai pas la moindre idée du parcours qu’on vient d’emprunter il y a cinq minutes à peine, et je prie pour que Laurence et son chien ne me sèment pas, je serais bien incapable de retrouver mon chemin avant la nuit tombée. On coupe parfois à travers bois. Mais où Laurence veut-elle m’emmener, dans tous les sens du terme… ?
Etonnement, je sens pourtant qu’on avance, dans la tête je veux dire, car pour le reste, si je n’y pense plus, je marche d’un pas déterminé. Pourtant l’exercice n’est pas facile, pas tant l’exercice physique, les pentes n’excédant pas 20 %, mais celui de se raconter. Alerte, précise, à l’écoute de chaque expression que j’emploie, Laurence appuie là où il faut pour que ça résonne en moi. Très organisée, elle me fait évoluer en point par point, et semble cocher des cases quand j’avance dans ma problématique pour passer à l’étape suivante. C’est elle qui guide la cadence de notre randonnée, et qui, souvent, effectue des haltes. Pour que la réflexion soit plus intense encore.
Quand la nature intervient dans notre échange, elle la laisse entrer, voire elle l’invite pour l’intégrer à son analyse. Les douze coups de midi d’un clocher en contrebas, un chant d’oiseau insistant, une petite maison logée à l’orée du bois… Il arrive aussi que mon environnement lui-même me sorte de mes pensées : un rocher glissant, une goutte d’eau sur mon front tombée d’un arbre, etc. Mais à chaque fois, il me faut rapidement repartir dans mes pensées, car les réponses à apporter mobilisent toute mon attention. Il me faut formuler moi-même les phrases qui m’aideront à répondre à ma problématique. Et si je ne suis pas pleinement à ça, l’angoisse de la « page blanche » monte, et je peine à organiser mes idées.
« Je réalise que l’espace-temps m’a échappé »
Je suis là sans vraiment l’être, à mettre un pied devant l’autre. A avancer, toujours. Je réalise que l’espace-temps m’a échappé. C’est notre nouvel environnement qui me fait dire que la boucle touche à sa fin, on retrouve les prairies du point de départ, les arbres fruitiers en fleurs, le lac et les montagnes en face de nous… Voilà déjà deux heures que nous arpentons le Revard.
En redescendant jusqu’à la gare d’Aix-les- Bains, Laurence m’explique l’historique des lieux. Nous étions sur les traces du chemin de fer du Mont-Revard, un train qui relayait Aix au Revard, à l’époque l’une des premières stations de ski à avoir été créée. C’est pourquoi, par moments, sur l’ancien tracé de la Crémaillère, on s’est retrouvé sur une immense passerelle – le Viaduc des Fontanelles – ou encore sous un tunnel d’une trentaine de mètres, avant d’arriver sur les vestiges de l’ancienne gare du Pré Japert. Ravie de voir qu’en plus d’avoir fait cette introspection, j’ai fait une rando chargée d’Histoire. A moi d’écrire la mienne, à présent.
Remerciements et infos hypno-rando :
- Merci à Laurence Roche Caustier pour son professionnalisme, sa disponibilité et sa réactivité. Quelle expérience !
- laurence-roche-caustier.fr, 06 77 22 57 71,
- 3223 route du Revard-Véniper, 73100 Trévignin
- Remerciements à l’office de tourisme intercommunal Aix-les-Bains Riviera des Alpes.