À 23 ans, Peterson Ceus est un pratiquant passionné de gymnastique rythmique. Une discipline encore peu populaire chez les hommes, qu’il compte développer, coûte que coûte. Entretien inspirant. PROPOS RECUEILLIS PAR VANESSA MAUREL. EXTRAIT DU WOMEN SPORTS N°26.
COMMENT AVEZ-VOUS COMMENCÉ LA GYMNASTIQUE RYTHMIQUE ?
J’ai découvert la gymnastique rythmique sur Youtube par pur hasard et je suis directement tombé amoureux de la discipline, sans savoir que c’était un sport uniquement féminin au départ. J’ai d’abord demandé à ma mère de m’acheter quelques engins pour pratiquer à la maison puis un jour je lui ai proposé de m’inscrire dans un club, alors que j’étais âgé de 10 ans. Elle a accepté, sans savoir elle non plus qu’il s’agissait d’un sport quasiment exclusivement féminin. Elle l’a appris parce qu’on lui a fait comprendre quand j’ai passé le test, mais ça ne l’a pas dérangée.
JUSQU’À QUEL NIVEAU LES COMPÉTITIONS SONT-ELLES OUVERTES AUX HOMMES ?
Pour les compétitions dont la Fédération française de gymnastique est délégataire, les garçons peuvent concourir jusqu’au niveau National A, celui au-dessous de l’Élite et donc du sport de haut niveau.
Les hommes ne peuvent pas pratiquer en équipe nationale, ne peuvent pas participer aux JO, aux Championnats du monde ou encore aux Championnats d’Europe, bref, tout ce qui concerne l’Élite. Ils ne peuvent pas non plus être reconnus comme sportifs de haut niveau.
COMMENT EXPLIQUEZ-VOUS LE FAIT QUE CE SPORT NE SOIT PAS PLUS OUVERT AUX HOMMES ?
Selon moi, il y a plusieurs raisons. La première est le contexte international et l’histoire de la gymnastique rythmique. Il faut en effet prendre en compte que la GR a été créée dans l’objectif de renvoyer une image stéréotypée mais très esthétique du corps de la femme. Au départ, les hommes n’ont donc pas été inclus à cette pratique-là.
Cette tradition s’est perpétuée au niveau national, et aujourd’hui les garçons ne sont pas invités à participer aux compétitions internationales parce qu’on est toujours très attachés à l’esthétisation des pratiquantes. Comme d’un point de vue international on ne propose pas aux hommes de pratiquer, au niveau national la Fédération considère que ce n’est pas une priorité. Malgré les valeurs de la FFGym, les dirigeants ne trouvent pas d’intérêt à ouvrir des sections masculines et à inciter les garçons à pratiquer la GR. Les hommes dans la discipline donc la Fédération internationale ne re- connaît pas l’existence de la gymnastique rythmique pour les garçons.
En effet, les Fédérations se défendent en avançant le fait que seulement 1 % des licenciés en gymnastique rythmique sont des hommes…
Il y a énormément d’arguments qui peuvent être déboutés très rapidement. En soit, la Fédération internationale est ouverte à la possibilité d’organiser des compétitions internationales pour des garçons mais par logique elle attend l’aval de ses fédérations nationales. Tant qu’elles n’ont pas assez de pratiquants au niveau pouvant prétendre à des championnats d’Europe et du monde, c’est vrai qu’il n’y a pas d’intérêt à organiser des compétitions.
Au niveau national, c’est différent. En ce qui concerne le nombre de licenciés, c’est un très gros cercle vicieux. En général, les personnes qui pratiquent la gymnastique rythmique sont assez jeunes, inscrites par leurs parents. Et ces derniers ont en général une très mauvaise vision de la GR en matière de genre. Pourquoi ? Tout simplement parce que c’est la manière dont on a promu un sport où tout est beau, avec des justaucorps scintillants, etc. En clair, un sport qui n’est pas du tout associé aux petits garçons. Pour les parents, l’image de ce sport est « contradictoire » avec ce à quoi on s’attend pour des sports dits de garçons ou mixtes.
Ce qu’il faut également savoir, c’est que le fait qu’il y ait 1 % de pratiquants garçons n’empêche pas la possibilité d’essayer et d’organiser des événements ou de promouvoir leur existence pour donner un exemple concret, en Espagne il y a beaucoup moins de licenciés que chez nous (en 2020, nous étions un peu plus de 380 en France contre 120 chez eux). Pourtant ils organisent tous les ans des championnats nationaux avec des équipes masculines et ils font la promotion des garçons qui font de la GR au même titre que chez les femmes.
COMMENT POURRAIT-ON FAIRE POUR FAIRE LA PROMOTION DE LA GR MASCULINE ?
Il faudrait éradiquer les stéréotypes. Je pense que d’un point de vue strictement promotionnel pour les clubs, un truc très simple, ce serait d’arrêter d’écrire les pancartes au féminin et de mettre une image
Il faut promouvoir la GR de manière différente, arrêter d’utiliser les termes en lien avec féminité car c’est un mot trop lourd de sens. Il faudrait plutôt rattacher la discipline avec des mots qui sont plus de l’ordre de la créativité, de l’art etc, ou le décrire comme un sport artistique, à l’instar du patinage artistique par exemple.
Par ailleurs, je pense qu’il est très important dans le contexte actuel de trouver un moyen de favoriser la participation des garçons entre eux car ça rassure beaucoup les parents le fait que leur enfant soit avec d’autres garçons plutôt qu’il soit tout seul avec des centaines de filles.
Les réseaux sociaux pour rendre la GR masculine « normale »
« J’utilise les réseaux sociaux dans l’objectif de promouvoir la GR masculine, afin que ce qui paraît « unique et étrange » devienne quelque chose de « normal et banal ». Finalement, la gymnastique rythmique est « juste » un sport et il ne faudrait pas qu’il y ait autant de débats sur le fait qu’un garçon puisse pratiquer une discipline, ou non. »
«J’ai eu beaucoup de critiques et de coups bas de la part des parents »
«Lorsque j’ai commencé la GR, j’ai eu énormément de problèmes, non pas avec les gymnastes, mais avec les parents. J’ai eu des remarques comme quoi je n’avais rien à faire là parce que j’étais un garçon, mais également des insultes homophobes. Même ma mère, qui faisait partie du conseil d’administration d’un des clubs où j’étais, entendait beaucoup de choses. Le fait que j’étais un garçon, et surtout un garçon qui progressait très vite ne passait pas. Il y a aussi eu ce que j’appelle des « coups bas ». Par exemple, on disait bonjour à tout le monde sauf moi en entrant dans le gymnase, ou parfois on a « oublié » de venir me chercher pour aller à une compétition très importante…
Mais tout ça s’est calmé quand j’ai commencé à faire mes preuves. Avec les médias qui commençaient à s’intéresser à mon cas, mais aussi avec mes bons résultats, les gens se sont davantage ouverts à ma pratique. C’est malheureusement quelque chose qui est très ancré en France, je pense. Voir un garçon faire de la GR, (ou même d’autres sports comme le pole dance par exemple), peut être interprété de manière négative tant qu’il n’y a pas un objectif professionnel derrière, ou des résultats. Les gens ont du mal à comprendre qu’on puisse choisir ces pratiques par simple envie. Il faut malheureusement justifier le fait qu’on soit là, sinon ça devient vite étrange et injustifiable. »