On croise deux sortes de personnes sur les plages l’été : celles qui bronzent ou s’amusent dans l’eau – les vacanciers -, et celles qui surveillent l’horizon, lunettes de soleil ultra-polarisantes sur le nez, palmes sous le bras : les maîtres-nageurs. Delphine Guillot fait partie de la deuxième catégorie. Depuis neuf ans, cette jeune femme de 33 ans est bénévole à la SNSM, la Société nationale de sauvetage en mer. Elle nous raconte son quotidien entre passion, secourisme et engagement.
Par Floriane Cantoro
Extrait du magazine WOMEN SPORTS N.13 de juillet-août-septembre 2019
Cet été, pour la première fois depuis neuf ans, Delphine Guillot n’enfilera pas son t-shirt orange de la SNSM, la Société nationale de sauvetage en mer chargée de la surveillance des plages. La jeune femme de 33 ans, diététicienne-nutritionniste de profession, est retenue à Fontainebleau où un nouveau poste l’attend en diabétologie à l’hôpital. Pas de vacances pour la nouvelle recrue du service… et donc pas de plage.
Une volonté de se rendre utile
Mais ce n’est que partie remise ! Car officier pour la SNSM est une passion pour Delphine Guillot, bien plus qu’un job d’été. Alors que la plupart des sauveteurs en mer sont recrutés parmi les étudiants ou les jeunes salariés en quête d’un complément financier, elle a choisi d’endosser ce rôle quelques semaines l’été, sur ses vacances personnelles, en plus de son activité professionnelle.
C’est en 2009 que son histoire d’amour avec le sauvetage a commencée. En vacances chez ses grands-parents, elle effectue son running quotidien sur la plage lorsqu’elle est interpellée par des maîtres-nageurs. Ils lui parlent de la SNSM et ne tardent pas à convertir la jeune fille de 23 ans qu’elle était à l’époque aux grandes causes de l’association. « C’est une période où je cherchais à donner du sens à ma vie, à me rendre utile. », explique cette sportive aguerrie, passée par l’athlétisme, le tennis et l’équitation. Elle décide donc de s’inscrire au Centre de formation et d’interventions (CFI) de Lyon. Au programme : running, natation, cours théoriques et exercices pratiques en piscine. En tout, huit mois de formation achevée par un stage en mer d’une semaine à Palavas-les-Flots.
Ses diplômes en poche (voir encadré ci-dessous), la jeune femme officie pour la première fois pendant l’été 2010, un mois sur les plages du Nord et un mois à Saint-Tropez. Depuis, Delphine Guillot ne cesse de changer de postes tous les étés. Elle a déjà opéré sur toutes les côtes de France. Pour autant, pas de routine dans l’activité d’un sauveteur en mer ; « chaque plage est différente » et gérée différemment par les mairies (horaires, zone de baignade, moyens mis à disposition…).
La seule chose qui ne change pas, c’est le danger, omniprésent. Les courants que l’on sous-estime, les comportements imprudents, les malaises… Parmi les situations qui l’ont marquée, Delphine cite ces cadavres découverts au petit matin, avant même d’ouvrir le poste de secours, ou encore la fois où elle a assisté à une fausse- couche. « C’est compliqué car il faut intervenir et en même temps gérer les familles d’un point de vue psychologique », explique celle qui, depuis 2013, a choisi de devenir pompier volontaire pour continuer à se former en secourisme. D’où l’intérêt aussi, selon elle, d’avoir des postes mixtes. « Pour l’équilibre de l’équipe, mais également pour la population. Une femme enceinte sera certainement plus à l’aise avec un sauveteur de sexe féminin. » Les femmes, « excellentes nageuses », représentent un tiers des bénévoles de la SNSM. Quant à la partie physique du job, pas de différence avec les garçons : « si elles doivent sortir de l’eau une personne de 100 kg, elles auront besoin d’aide, comme tout le monde ! »
Surveillance en haute-mer
Depuis trois ans, Delphine est affectée sur les plages de Corse. « L’endroit idéal pour passer l’été » : le panorama, sublime, est suffisamment dépaysant pour qu’elle se sente en vacances lorsqu’elle n’est pas en poste ; les conditions de sauvetage sont impressionnantes ; et l’île offre un dénivelé intéressant pour ses entraînements. Car en plus de son métier et de ses activités à la SNSM, Delphine Guillot est également au club France de cross-triathlon (VTT, natation en mer et trail). Elle vient d’ailleurs tout juste de rentrer des Championnats du monde 2019 où elle a terminé à 6 minutes du podium. Elle apprécie que la SNSM soit à l’écoute par rapport à sa pratique intensive. Cela fait quelques années en effet que l’association l’affecte sur des postes qui facilitent son entraînement : par exemple, une crique en contre-bas, où elle peut aller et venir depuis son logement en quelques kilomètres escarpés de VTT. La parfaite combinaison ! Le plus dur, finalement, c’est de concilier toutes ses activités sans se blesser. En effet, sauver des vies humaines implique, pour les membres de la SNSM, de mettre en jeu leur intégrité physique : cela va de la petite entaille au pied, aux accidents beaucoup plus graves, comme l’a démontré le drame des Sables-d’Olonne en juin, où trois sauveteurs ont péri.
Aucun risque cependant que cela n’affaiblisse son engagement envers l’association. L’an prochain, Delphine remettra à coup sûr sa casquette de nageuse sauveteuse. Mais peut-être pas depuis les plages : récemment formée aux embarcations semi-rigides, elle peut désormais envisager une surveillance en haute-mer, en patrouillant sur des zodiaques. On parie qu’il lui tarde d’être à l’été 2020 !
Comment devient-on sauveteur en mer ?
La Société nationale de sauvetage en mer (SNSM) est le premier pourvoyeur de sauveteurs en France. Elle forme 500 nouveaux bénévoles chaque année. Ils assurent la surveillance des plages l’été, à la demande et sous la responsabilité des mairies qui les emploient (contrats saisonniers). Devenir nageur sauveteur nécessite 8 mois de formation et de stages, pour obtenir 6 diplômes et certificats :
- le PSE1 et PSE2 (Premiers secours en équipe de niveaux 1 et 2)
- le BNSSA (Brevet national de sécurité et de sauvetage aquatique)
- le permis côtier
- le CRR (Certificat restreint de radiotéléphonie)
- le SSA littoral mention pilotage (Certificat de surveillance et sauvetage aquatique).
Les nageurs sauveteurs doivent s’entraîner régulièrement pour maintenir leur niveau de compétences.