Estelle Mossely est une sportive aux multiples gants. La première championne olympique française de boxe en 2016, n’est pas qu’une simple athlète. En parallèle de sa carrière amateure et professionnelle, l’ingénieure est devenue maman deux fois avec son désormais ex-mari Tony Yoka, lui aussi champion olympique à Rio. La Cristolienne d’origine veut influer au-delà de son sport et des rings. En 2017, elle a créé sa propre association « LPERF » pour aider les athlètes féminines dans leur carrière. Estelle Mossely revient sur ses débuts, sa carrière et ses ambitions. PROPOS RECUEILLIS PAR LES ÉQUIPES D’EUROSPORT. RETRANSCRIPTION KEVIN CARRIERE. Extrait du WOMEN SPORTS N°25.
COMMENT AVEZ-VOUS COMMENCÉ LA BOXE ?
A 12 ans, j’entre dans ma première salle de boxe, qui va être celle jusqu’aux Jeux Olympiques de 2016. J’ai commencé parce que j’avais envie de faire un sport de combat et un sport dur. Le moins que l’on puisse dire c’est que je suis bien tombée (rire).
POURQUOI UN SPORT DUR ?
J’avais fait pas mal de sports différents (natation, danse) auparavant mais je n’avais toujours pas trouvé mon sport. J’ai voulu essayer un sport de combat et j’avais déjà vu de la boxe à la télévision, notamment aux Jeux Olympiques. J’ai franchi le pas, et pour le coup, j’ai accroché dès le début. J’avais l’impression de faire un « vrai sport » où on transpire, il faut réfléchir, il y a de la tactique, de la technique… C’est un sport hyper complet avec des valeurs de respect, d’écoute et de partage.
AVIEZ-VOUS DÉJÀ DANS LA TÊTE LE RÊVE DE TUTOYER LES SOMMETS DE LA BOXE ?
A 12 ans, je commençais juste pour faire un sport. Je ne savais même pas qu’il y avait des compétitions, je ne m’y intéressais pas. Très vite, l’entraîneur m’a dirigée vers des compétitions, ce qui m’a permis de développer un état d’es- prit de compétitrice. Au début quand j’ai commencé, la boxe féminine n’était pas aux Jeux Olympiques mais finalement elle est apparue en 2012 et c’est devenu « ma target ».
AVEZ-VOUS UN CONSEIL D’UN ENTRAINEUR QUI VOUS A MARQUÉ ?
J’en ai eu beaucoup qui m’ont permis de me construire mais si je dois en re- tenir un, c’est quand j’échoue pour la qualification aux JO de 2012. Après cet échec, je me suis beaucoup remise en question. Je ne savais pas si je pouvais devenir la championne que je voulais être. J’ai eu envie d’arrêter la boxe. Et à ce moment-là mon entraîneur m’a dit : « Tu es jeune, prends le temps de digérer la défaite pour mieux revenir derrière ».
QUEL EST VOTRE MEILLEUR SOUVENIR EN TANT QUE BOXEUSE ?
C’est et cela restera je pense ma médaille d’or aux Jeux Olympiques de Rio. C’est la récompense de beaucoup d’an- nées d’entraînements et de sacrifices. Je n’ai plus jamais ressenti les mêmes sensations que lors de ma finale olympique.
AVEZ-VOUS CONSCIENCE D’ÊTRE UNE SOURCE D’INSPIRATION POUR LES PLUS JEUNES ?
J’ai conscience que mes performances et mes agissements parlent à d’autres personnes, et notamment aux jeunes et aux femmes. J’essaye de transmettre mes messages et mes valeurs. J’ai décidé de repartir sur les Jeux Olympiques en 2024 parce que je sais que les Jeux de Rio ont parlé à tellement de monde derrière. Les retours que j’ai eu ont été immenses. Ce qui me motive à pour- suivre dans cette voie-là, c’est cette image du sportif qui dépasse le cadre de son sport. J’ai d’ailleurs monté une association pour les femmes.
QUELLE EST LA PLACE DE LA FEMME DANS LA BOXE ? Y A-T-IL DES CHOSES À AMÉLIORER ?
La boxe reste un milieu majoritairement dominé par les hommes, mais comme dans tous les milieux aujourd’hui, il y a des améliorations. On voit qu’il y a de plus en plus de pratiquantes mais pas forcément plus de femmes dirigeantes. Il faudrait qu’il y ait plus de femmes dans ce qui ‘‘fait’’ la boxe (dirigeants, promoteurs). Aujourd’hui, on parle aux femmes par nos victoires et nos médailles mais pas encore assez à travers ces rôles importants.
ETES-VOUS ‘‘FIÈRE’’ D’ÊTRE BOXEUSE ET MAMAN ?
Oui, très fière d’avoir fait les choses comme je voulais les faire. Je ne voyais pas ma vie sans avoir d’enfants et pas trop tard si possible. On n’imagine pas une femme performer après avoir eu un enfant et encore moins après en avoir eu deux surtout dans un milieu très masculin. Je me suis mise en difficulté mais je connaissais ma capacité de travail.
BON, MAMAN ET BOXEUSE C’EST BIEN ‘‘COMPATIBLE’’, VOUS EN ÊTES LA PREUVE ?
Complètement, c’est possible mais il faut être bien entourée. C’est l’âge et les années de pratique qui font que l’on acquiert une certaine expérience. Mais si on n’a pas forcément l’expérience, on peut aussi s’adresser à d’autres femmes qui l’ont fait. C’est aussi le sujet de mon association qui est d’accompagner les femmes, leur permettre de continuer à performer même avec un enfant.
AVEZ-VOUS UN CONSEIL POUR LES JEUNES FILLES ?
Toujours faire les choses que l’on veut sans forcément écouter tout ce que l’on attend de nous. Je pense que c’est la meilleure manière d’être épanouie dans ce que l’on fait, et c’est très important d’être heureux pour pouvoir performer.
AVEZ-VOUS UN CONSEIL POUR LES PARENTS DE PETITES FILLES QUI SOUHAITENT SE METTRE À LA BOXE ?
Je pense que c’est un sport très encadré avec de belles valeurs donc n’ayez pas peur. Il y a de très bons entraîneurs qui prendront soin de votre enfant.
QUAND ON DEVIENT CHAMPIONNE OLYMPIQUE, LES RÉTICENCES DISPARAISSENT NON ?
Oui complètement. Pour la petite histoire, quand j’ai commencé la boxe enfant, mon père était enthousiaste, ma mère beaucoup moins mais après trois mois et au premier coup reçu, cela s’est complètement inversé. Mon père m’a dit : « C’est bon tu arrêtes la boxe » alors que ma mère a dit: « Non, je veux que ma fille fasse ce qu’elle a envie de faire ». Et c’est vrai que lorsque je suis devenue championne olympique j’ai mis tout le monde d’accord.
Estelle Mossely, sa carrière en bref
Née le 19 août 1992 à Créteil, Estelle Mossely est devenue la figure de la boxe française. Après une médaille d’argent aux Championnats d’Europe de boxe amateur en 2014 et une en bronze aux Championnats du monde de boxe amateur, elle conclut sa carrière amateur en beauté en 2016. Cette année-là, la Française est sacrée championne du monde mais elle devient surtout championne olympique à Rio. Derrière s’ouvre à elle le monde professionnel où elle est toujours invaincue aujourd’hui après 9 combats. La boxeuse est aussi devenue championne du monde des poids légers (-60 kg) en 2019. A 29 ans, Estelle Mossely ambitionne désormais de décrocher un nouveau titre chez les professionnels et la médaille d’or à Paris 2024.
La série « Inspirantes » est réalisée en partenariat avec Eurosport. Retrouvez les interviews vidéo sur Eurosport.fr.