Réaliser une grande carrière sportive internationale malgré la peur de l’avion ? C’est possible ! Cécile Nowak en est la preuve. La championne olympique de judo nous livre sa recette.
Propos recueillis par Vanessa Maurel
Extrait du magazine WOMEN SPORTS N.15 de janvier-février-mars 2020
Comme 56% des Français, Cécile Nowak a peur de l’avion. Mais pour la championne olympique de judo (ndlr, Barcelone 1992), il s’agit d’une véritable phobie. Un comble pour celle qui, pour des raisons sportives, a dû voyager aux quatre coins du monde.
Cette phobie s’est déclenchée après un voyage Paris-Marseille. « Au début, prendre l’avion ne me posait aucun problème, attaque-t-elle. Mais quand j’ai fait ce vol, nous avons été victimes de violents orages. Nous nous sommes pris la foudre, nous n’avons pas pu nous poser directement. Et pour combler le tout, plus personne ne parlait. J’ai eu tellement peur que j’ai pris le train pour le voyage retour ! » Depuis ce jour, impossible pour Cécile Nowak de remettre les pieds dans un avion sans avoir le coeur qui bat la chamade, devenir pâle, bref, angoisser un max ! « Au-delà d’avoir peur une fois dans l’appareil, cette phobie se manifeste le jour d’avant, pendant lequel j’angoisse déjà pour le voyage. Une fois dans l’avion, à tout moment j’ai l’impression que nous allons tomber, je suis à l’affût du moindre bruit. » Mais sa carrière ne lui a pas permis de faire sans. Cécile Nowak a voyagé sur la quasi-totalité des continents malgré sa peur.

La bière, un remède efficace… mais au retour seulement !
Et pour concilier sa vie sportive avec sa phobie, la judoka a une technique qui lui est propre. « J’ai tendance à voir le verre à moitié plein. En vérité, cette peur me permettait de stresser sur autre chose que la compétition ! Et puis, je transpirais tellement pendant les heures de vol, que ça me permettait de perdre un peu de poids avant les combats. » Un moment de silence se fait ressentir avant que Cécile déclare, avec tout l’optimisme qui la caractérise : « à la fin, en s’en remet au ciel et on se dit advienne que pourra ! » Ingurgiter toutes sortes de médicaments ou remèdes miracles pour se détendre pendant le vol ? Impossible pour Cécile Nowak, « à cause des compétitions ». « Mais au retour, je prenais des décontractants… et deux bières pour que le voyage passe mieux ! »
Aujourd’hui, sa phobie handicape sérieusement sa vie personnelle de passionnée de voyages.
La championne a posé des requêtes auprès de la Fédération afin de prendre le train pendant que ses coéquipières, elles, se déplaçaient en avion. « J’ai dû le faire une ou deux fois pour des compétitions en Allemagne. Mais la Fédération privilégiait le fait que l’on parte en groupe pour conserver l’esprit d’équipe et pour des raisons logistiques évidentes. Alors j’ai fait comme tout le monde. » Aujourd’hui, sa phobie handicape sérieusement sa vie personnelle de passionnée de voyage : Cécile explore les quatre coins du monde… en voiture ! Mais elle est certaine qu’on peut concilier projets sportifs et phobie de l’avion. « La motivation et la passion sont bien plus fortes que la peur ! »
L’oeil de l’experte
Valérie Gerhards, 55 ans, coach sportive mentale depuis 2009 et maître praticien en hypnose et Emotional Freedom Technique (EFT), est labellisée à l’INSEP « Accompagnateur Professionnel de la Performance » depuis 2015.

Peur de l’avion, pourquoi ?
V.G : « Il n’y a pas de raison universelle, c’est au cas par cas. La peur peut avoir une composante familiale qui se transmet à la génération suivante par le biais de l’inconscient. La phobie de l’avion peut également survenir après des expériences précédentes non réussies (voire même traumatiques) pour la personne, par ses proches ou via des scénarios catastrophes entendus. Entrer dans un avion, c’est également accepter de lâcher prise et de ne rien contrôler, ce qui est déclencheur d’angoisse pour qui a besoin de maîtriser. »
L’hypnose contre la phobie, comment ça marche ?
V.G : « L’hypnose permet de libérer la personne en la mettant en confiance, en lui faisant vivre tout doucement, très progressivement, et en toute sécurité quelques éléments angoissants de sa phobie, tout en lui faisant remarquer que « tout se passe très bien » et en accentuant les côtés positifs. Le but initial n’est pas que la personne trouve génial de voyager, mais qu’elle puisse utiliser ce mode de transport sereinement. Bien sûr parfois, cerise sur le gâteau, voyager devient un grand plaisir ! »
Et l’Emotional Freedom Technique (EFT) ?
V.G : « C’est une autre technique qui permet de gérer ses émotions. On se libère de ses angoisses et du stress en apprenant des techniques d’acupuncture sans aiguille. On tapote des endroits clés de notre corps pour calmer l’anxiété, gagner en confiance en soi ou même dissiper le besoin de contrôle. Cette technique est très efficace pour se libérer de traumatismes vécus. »
J’arrive dans l’avion, j’au peur, comment me calmer ?
V.G : « Il est recommandé d’aller consulter au préalable. Si le passager a fait des séances d’EFT ou d’hypnose auparavant, il peut réitérer les gestes tout seul et se calmer. Toutefois, les voyageurs peuvent également pratiquer une méthode relaxante appelée « la cohérence cardiaque » : plusieurs applications sont disponibles sur votre smartphone. Elle permet de coordonner la respiration avec le rythme cardiaque afin de calmer les palpitations causées par le stress. Mais rien ne sert de le faire 5 minutes avant de rentrer dans l’avion ! Pour les phobies importantes, il est recommandé de s’entraîner quotidiennement à cette technique, tout au long du mois précédent le vol. Une fois entraînée, la personne pourra se concentrer sur son souffle en salle d’embarquement et obtenir la détente, c’est fabuleux. Sinon, je conseille les audios mp3 d’hypnose « combattre le stress », que vous pouvez trouver sur internet. Comme ci-dessus, il faut s’entraîner pour être en condition le jour J pour pouvoir pratiquer les exercices en zone de stress. Dernier conseil : se concentrer sur le positif. Noter que son voisin est sympathique, que l’hôtesse de l’air est attentionnée, que la destination est incroyable. Bref, convaincre son inconscient que tout va bien ! Et, dans le cas de nos sportives, d’aller décrocher joyeusement les médailles convoitées.