Elle se définit volontiers comme la « sœur de cœur » de Lisa Barbelin et veut participer avec elle aux JO de Paris en 2024. Audrey Adiceom, 25 ans, est l’une des archères les plus prometteuses de sa génération. Pour Women Sports, elle nous révèle quelques secrets de sa discipline, le tir à l’arc. PAR KÉVIN CARRIERE. Extrait du WOMEN SPORTS N°24.
A QUOI RESSEMBLE LA VIE D’UNE ARCHÈRE DE HAUT NIVEAU ?
Je m’entraîne cinq heures par jour, plus une heure de musculation. Et à côté je suis employée dans une société informa- tique sur des projets qui allient le sport et le traitement de données. Cette société est prestataire de l’Agence nationale du sport. C’est très pratique car je travaille à distance, depuis l’Insep.
PAS TROP DIFFICILE D’ALLIER ENTRAÎNEMENT ET EMPLOI ?
Dans mon cas, c’est vraiment optimal. Je travaille 15 heures par semaine pour la société, sans le souci des déplacements. Et il est important pour mon équilibre d’avoir une activité cérébrale en dehors du tir à l’arc, qui est une discipline très exigeante sur le plan de la concentration. À vrai dire, je ne pense pas que si je m’entraînais huit heures par jour au lieu de cinq, j’aurais forcément de meilleures performances.
ENTRAÎNEMENT ? POUVEZ-VOUS NOUS RÉVÉLER QUELQUES SECRETS DE FABRICATION DU TIR PARFAIT ?
En ce moment je suis sur une préparation en extérieur donc c’est de l’entraînement à 70 m, qui est notre discipline olympique. On tire à 70 m sur une cible qui fait 122 cm et le 10 fait 12 cm. Le matin, travail tech- nique : je tire pendant 1h à 2h entre 150 et 200 flèches. Je travaille ma fixation avant de lâcher ma flèche, ma posture, le gai- nage. La moindre variation que tu fais sur ton corps, cela va avoir des impacts plus ou
moins importants sur ta flèche. Je travaille également sans la cible pour dérouler mon geste sans me préoccuper de la visée et puis quand c’est automatique, on remet la cible pour ajouter de la visée et le lien avec la cible. Cela fait un peu vaudou dit comme ça mais c’est le petit truc qui va faire qu’un 9 se transforme en un 10. C’est une sorte de connexion avec la cible. Et c’est là que le penchant mental entre en compte : au tir à l’arc, l’idée c’est de faire la bonne flèche au bon moment. C’est un sport très répétitif où il faut garder de la régularité et cette capaci- té de mettre le compteur à 0 même quand c’est la flèche pour une médaille. Et là ce n’est pas la technique qui va aider, c’est surtout le mental. L’après-midi est d’ailleurs consacré à des situations de confrontation face à d’autres archers. Là, tu vas travailler les stratégies techniques et mentales pour être performant. On va faire différents types d’exercices en rapport avec la compétition, des tests pour se challenger…
L’OBJECTIF, C’EST QUE LE TIR DEVIENNE AUTOMATIQUE ?
Exactement. Par exemple, si on travaille un point technique, il faudra 10 000 flèches pour le valider. C’est beaucoup de répétition et on cherche à automatiser le geste pour qu’au moment important où le stress est présent tu n’aies pas le besoin de réfléchir pour réaliser une bonne flèche.
LA PRÉPARATION MENTALE EST DONC TRÈS IMPORTANTE EN TIR À L’ARC ?
Comme dans tous les sports, mais avec, c’est vrai, certaines particularités. Par exemple, nous devons rester trois heures debout pendant les qualifications. L’adrénaline est à fond. J’ai des petites techniques : je fais de la respiration pour me calmer, je fais de la cohérence cardiaque pour essayer que mon cœur soit le plus régulier possible, je me concentre sur des pensées positives… Il faut être rigoureux pour faire des choses précises et simples. La difficulté de notre sport, c’est que tu as des phases de qualification où tu vas tirer six flèches et tu recommences 12 fois (score sur 720) et après, tu as la partie match en fonction des résultats des qualifications. Pour les matches, c’est le premier à six points qui l’emporte (chaque manche, on tire trois flèches chacune et le meilleur score remporte 2 points, si match nul 1 point chacune). Donc ça peut être très rapide car tu peux perdre en neuf flèches. En fait tu peux faire d’excellentes qualifications pendant trois heures la veille et au premier tour des matchs perdre en 10 minutes ! Il y a aussi un poil de chance, avec notamment les conditions climatiques. C’est donc un sport réellement dur pour les nerfs !
EN 2021, VOUS AVEZ DÉCROCHÉ VOTRE 1ère MÉDAILLE INDIVIDUELLE EN COUPE DU MONDE. QUELS SONT VOS PROCHAINS OBJECTIFS ?
L’année dernière, j’ai passé une saison compliquée en montagnes russes. Je me suis mis une pression monstre sur les sélections nationales pour disputer les JO, mais je me suis ratée et je n’ai pas été sélectionnée. Cela a été très dur à digérer. Donc ce podium en Coupe du monde c’était vraiment très fort et réconfortant. Mon objectif cette saison est de faire du kif à l’arc ! Je veux me faire plaisir pour performer. Mon deal, c’est d’essayer d’arriver à mettre les choses au bon endroit. Parce que parfois, j’ai eu l’impression que si je loupais ma flèche, j’allais mourir ! L’objectif suivant, c’est bien sûr Paris 2024. J’ai raté la qualif’ pour Tokyo. Les JO à domicile, je veux y participer et décrocher une médaille !
Interview Audrey « L’un ou l’autre »
Une médaille de bronze aux JO ou une médaille d’or aux championnats du monde ?
Bronze aux JO
Gagner par équipes ou en individuel ?
Gagner par équipes
Vous êtes une bonne ou mauvaise perdante ?
Ça dépend avec qui mais plutôt bonne perdante.
Avant une compétition pour se concentrer vous écoutez de la musique ou rien du tout ?
Musique
Et du coup votre chanson préférée ?
« You’re the first, the last and my everything » de Bary White.
C’est ma chanson préférée de tous les temps qui sera sur à l’ouverture de mon mariage.
Pizza ou hamburger ?
Pizza
Breaking bad ou La Casa de Papel ?
La Casa de Papel
Gâteau au chocolat ou chips ?
Gâteau au chocolat mais avec Lisa on dit que pour un bon gâteau il faut : le chocolat, le fondant et le craquant.
Un mot sur Lisa
« C’est ma petite sœur de cœur que j’ai rencontrée au Pôle France Jeunes à Nancy en 2015. On était déjà très copines à cette époque mais ça s’est vraiment accentué quand elle entrée à l’INSEP en 2018. C’est un rayon de soleil sur pattes et une guerrière derrière son arc. Elle a un état d’esprit bluffant. Il est impossible de ne pas aimer Lisa. C’est une vraie amie. J’ai beaucoup de chance d’avoir croisé son chemin. »