Le ciel était pluvieux mais sans doute pas de quoi entacher le souvenir d’Orane Ceris. En mai dernier à Brest, celle qui n’a commencé le wingfoil qu’il y a 3 ans, est devenue la première championne d’Europe de freestyle ! Une place dans la cour des grands, parmi les meilleures mondiales pour l’ancienne gymnaste. Porteuse du drapeau wingfoil en France, et vice- championne du monde 2022 en race, Orane a vécu la naissance de son sport et son incroyable développement, notamment chez les femmes. Rencontre. PROPOS RECUEILLIS PAR RUBEN DIAS. Extrait du WOMEN SPORTS N°30.
WOMEN SPORTS : AVANT LE WINGFOIL, C’ÉTAIT LA GYMNASTIQUE QUI DRIVAIT VOTRE VIE…
ORANE CERIS : Ma mère était gymnaste et mon grand-père entraîneur de gym, c’était un peu la pratique sportive logique. Plus jeune, à Marseille, je m’entraînais tous les soirs après l’école. J’y consacrais plus de 15 heures par semaine. J’avais par exemple participé aux Championnats de France.
ÇA RESTE DE BONS SOUVENIRS ?
Pas du tout (rires). J’étais pas très bonne en compétition, car j’avais du mal à me canaliser et à coller avec ce côté hyper strict et répétitif de la gym. Tout devait être millimétré. Ce que je voulais moi, c’était m’amuser à l’entraînement ! Essayer plein de nouvelles figures. Pas forcément répéter celles que je savais déjà faire pour les rendre parfaites. Ça ne payait pas en compétition.
APRÈS PLUS DE 20 ANS DANS LE MONDE DE LA GYMNASTIQUE, VOUS AVEZ COMPLÈTEMENT CHANGÉ DE BORD…
À 18 ans, j’ai eu un grave accident de moto. Entre les centres de rééducation et les opérations, j’ai dû arrêter la gym pendant un an et j’ai complètement dé- croché. J’ai décidé de passer de l’autre côté en devenant entraîneur. Je suis quand même revenue à la compétition, juste pour le fun. Avec les mêmes copines d’entraînement qu’à l’époque, nous nous sommes dit : « Allez, on remonte une équipe 10 ans après ! ». Ensemble, nous avons tout de même vécu les Championnats de France. On a fini dernières (rires). Entre la vie professionnelle et les études, c’était plus les mêmes entraînements.
Je suis allée entraîner à Paris avant d’avoir une révélation : je ne voulais plus du tout habiter en ville. J’étais trop loin de la mer. Ça me manquait. J’ai déménagé en Guadeloupe puis en Nouvelle-Calédonie. Grâce à ma coloc’ et à sa soeur j’ai dé- couvert de plus près les sports de glisse. De fil en aiguille, j’ai rencontré Thomas Goyard, qui préparait les JO à l’époque, et son frère Nicolas. Une belle amitié était née avec Thomas. Il m’a initié au wingfoil. J’ai persisté et partageais mon expérience sur Instagram. La marque Starboard est tombée dessus et m’a contactée. Ils cherchaient un rider féminin pour faire les compétitions. Peu après, il y avait un event tous frais payés en Italie. Je n’ai pas réfléchi très longtemps, et j’ai sauté sur l’occasion. J’ai fait vice-championne du monde en 2021, et c’est là où tout a commencé. J’ai quitté mon emploi et je me suis consacrée à 100 % à ce monde là.
« J’AI FAIS DEUX FOIS LES 100 KM DE MILLAU, J’EN SUIS À 24 SEMIS, 150 COURSES EN TOUT. »
VOTRE ASCENSION EST FULGURANTE, COMMENT L’EXPLIQUEZ-VOUS ?
Je suis hyper bien entourée. Par exemple, je ne suis pas très fan du surf slalom. Ça ne me fait pas vraiment vibrer de faire du pumping sur 300 m. Mais au final, le coach m’a motivée en me disant : « Donne-toi, ça te fera un entraînement ». Au final ça a payé, et je me suis classée 3e aux Championnats du monde 2023. Ces personnes me poussent vers le haut !
QUE PENSEZ-VOUS DU DÉVELOPPEMENT DE CE SPORT EN FRANCE, NOTAMMENT CHEZ LES FEMMES ?
Le développement du sport est dingue. En Calédonie, le spot n’est pas très grand, mais du jour au lendemain, on a eu l’impression qu’il y avait des wings partout ! En 2021, tout le monde s’y était mis. En France, il y a plus de spots pour pratiquer le wingfoil donc il y avait moins cette sensation de foule, mais quand-même : il y en avait le triple, facile ! Je croise énormément de femmes, il y en a beaucoup qui en pratiquent en loisir. En com- pétition, elles sont bien moins nombreuses, c’est un peu dommage, mais le développement en général laisse présager l’inverse dans les années à venir.
COMMENT EXPLIQUEZ-VOUS CELA ?
C’est un sport où tu peux aller naviguer en loisir sans avoir vraiment des aptitudes physiques impressionnantes. Le Kite et la planche, c’est différent, ça tire dans les bras, tu as mal aux genoux, ce n’est pas évident pour tout le monde. Le wing, tu peux. C’est tout à fait possible d’avoir une pratique super cool et super saine, je pense que c’est pour ça que cela plaît.
QU’EST-CE QUI VOUS PLAÎT ?
C’est mon moment d’évasion. Quand j’ai passé une sale journée, que je suis de mauvaise humeur, je ne réfléchis pas plus : je prends ma wing et j’y vais. Vous pouvez en être sûrs, quand je ressors de l’eau, j’ai le smile. J’ai tout évacué et tout va bien. La mer est l’en- droit parfait pour que je me vide la tête et que j’évacue tout mon stress.
AVEZ-VOUS DES CONSEILS POUR LES CURIEUSES OU CURIEUX QUI SONT INTRIGUÉS PAR LA DISCIPLINE ?
Orane Ceris, c’est une ascension fulgurante mais contrôlée, grâce notamment à un coach béton !
Je leur dirai simplement qu’il faut y aller (rire). Il faut essayer. Je suis persuadée que ça va leur plaire. Pour le début, si je dois donner un conseil, ce serait de prendre du gros matos. Je vois beaucoup de gens sur les forums qui disent qu’ils ne veulent pas garder longtemps leur matériel. Mais c’est une mauvaise idée pour le début. Il vaut largement mieux de louer du matos adapté pour débuter que d’acheter directement son propre matériel qui va durer longtemps au moment où on sera à l’aise. Moi, c’est en tout cas l’erreur que j’ai faite. J’ai acheté du matos que je pensais pouvoir garder. Au final, j’ai mis 3 mois à galérer parce que ce n’était pas du tout adapté. Cela m’a presque dégoûté du sport alors que j’avais à peine commencé…
IL Y A UNE FORTE ENVIE DE FAIRE RENTRER LE WINGFOIL AUX JO, DE QUEL OEIL VOYEZ-VOUS CELA ?
On en parle un peu pour 2032, nous verrons bien. Moi je serai déjà à la retraite à ce moment-là. Mais ce serait génial pour la discipline. C’est un sport qui mériterait d’être présent aux Jeux Olympiques. Et même pour les prochaines générations, ce serait vraiment bien.
QUE POUVONS-NOUS VOUS SOUHAITER POUR LA SAISON ?
Je veux sortir de chaque compétition en me disant « J’ai montré ce que je savais faire et j’ai tout donné ». Je n’ai pas encore énormément de tricks posés. J’ai des mouvements qui arrivent mais ils ne sont pas encore vraiment maîtrisés à 100 %. Ça va venir. Au mois d’août il y a un gros évènement, les Beach Games. C’est un format olympique qui a lieu tous les 4 ans, une sorte de JO des sports de plage. C’est la première année que le wing est représenté donc j’ai très hâte d’y être, j’aimerais vraiment faire un podium là-bas.