Marion Andrieu pratique un sport pour le moins original pour une femme : pilote de Rallye Tout Terrain. Décryptage.
Propos recueillis par Claire Dautrement
« Effectivement le Rallye tout terrain est un sport totalement atypique pour une femme. Même si l’on observe un entrain et une augmentation significative des navigatrices dans cette discipline, les femmes pilotes restent très rares. Le rallye Tout-Terrain est une discipline créée il y a 60 ans, dans le Pays Basque avec le mythique Rallye des Cimes. Dans les années 80, une course bien connue de tous démocratisera la discipline et l’exportera en Afrique : le « PARIS DAKAR ». »
LES VÉHICULES :
« Nous utilisons des véhicules similaires au DAKAR, 3 catégories se disputent le championnat : buggy 4 roues motrices et 2 roues motrices, véhicules de série 4×4 et enfin SSV. Les voitures varient de 150CV à 400CV. »
LE PRINCIPE DE LA COURSE :
« Il reste le même que le Dakar, des secteurs chronométrés et d’autres de liaison. Nous parcourons de plus courtes distances entre 300 et 450 km sur deux jours uniquement. Le championnat comporte 10 courses de mars à novembre, chaque course se dispute sur 2 ou 3 jours avec une moyenne de 13 « spéciales chrono », allant de 6 à 14 km. Le principe est donc de rouler le plus rapidement dans les secteurs chronométrés, dits « spéciales ». Aucune assistance mécanique n’est permise sur ces portions. Nous bénéficions uniquement d’une assistance qui nous attend dans un secteur bien délimité et d’environ 20 minutes d’intervention mécanique entre chaque spéciale, pas une minute de plus. Le copilote est garant durant toute la durée du rallye du carnet de pointage, c’est lui qui atteste de notre passage et ponctualité durant tout le rallye et permet le classement final. Le copilote nous guide durant tout le rallye et nous annonce les « notes » pendant les spéciales. »
LE ROAD BOOK ET LES RECONNAISSANCES :
« Nous arrivons deux à trois jours avant la course afin de parcourir les pistes en quad ou en moto. Nous appelons cela des reconnaissances, elles nous permettent d’apprendre la piste et surtout de constituer le road book avec le langage propre au pilote « NOTES ». Chaque duo de pilote et copilote a son propre langage pour traduire le terrain et les risques. Ces re- connaissances sont une particularité et n’existent pas sur le Dakar à cause des trop longues distances parcourues. »
LE TERRAIN :
« Le terrain peut varier en fonction de la situation géographique du rallye. Il y a les rallyes dits de plaine, très rapides et plats et les rallyes de montagne qui, eux, peuvent mêler de très forts dénivelés et un terrain très cassant pour les hommes comme pour les machines. On peut comparer cela à de « l’enduro moto ». Par tout temps nous sommes prêts et surtout prêtes à affronter les éléments et les pistes terreuses et boueuses des quatre coins de la France. »
EN CHIFFRES :
« Environ 100 véhicules sont présents au départ de chaque course, le taux d’abandon en fonction de la difficulté du rallye peut aller jusqu’à 70%. L’organisation de chaque rallye mobilise entre 100 et 180 bénévoles. »
LA FÉDÉRATION :
« La FFSA (Fédération française du sport auto) régit le championnat et la réglementation. Le championnat n’est pas uniquement réservé aux Français, nous voyons de plus en plus d’Anglais ou de Néerlandais nous rejoindre au départ des rallyes grâce à la qualité du championnat et son niveau relevé. »
COMMENT UNE FEMME DÉCIDE-T-ELLE DE SE LANCER DANS LES SPORTS AUTOMOBILES ?
« Pour ma part par passion ; la passion familiale. On peut dire que je suis « tombée dedans toute petite » si je puis utiliser la formule. Véritable passion familiale, c’est mon père Philippe qui m’a transmis ce « virus ». J’exerçais l’équilibre de mes premiers pas dans l’atelier de mécanique, où il préparait sa voiture de course. Mes jouets fétiches du moment se prénommaient « boulons » « écrous » « tournevis » mais mon préféré restait « le volant » qui me paraissait déjà très intéressant. Mes premiers pas maîtrisés, je suis partie sur les courses ou j’ai appris à découvrir ce sport depuis les bords de pistes. Je partais encourager fièrement mon père du haut de mes 5 ans et rêvais déjà secrètement de pouvoir piloter un jour.
Vers l’âge de 10 ans, deux sœurs Simonites (Anglaises) sont venues courir dans le championnat français, ce fut une véritable révélation pour moi. OUI, les femmes étaient capables de courir contre les hommes et de le faire bien. Elles seront les premières femmes à remporter le championnat dans la catégorie reine des buggys. Depuis ce jour, je n’ai jamais cessé de croire en mon rêve. Me retrouver au volant de l’un de ces bolides. A 18 ans, je touchais un volant pour la première fois mais pas tout à fait celui de mon rêve… Il fallait d’abord apprendre et découvrir le milieu. C’est dans le baquet de droite, en qualité de copilote, que j’ai fait mes premières armes en rallye aux cotés de mon père. Malheureusement, la saison 2008 s’arrêta sur un grave accident. Vertèbres cassées, plus de rallye pour Philippe. C’est indirectement cet accident qui me mettra véritablement le pied à l’étrier. Il me poussa au volant. Premier rallye en 2009 à l’âge de 19 ans. Il faudra apprendre, transpirer, se faire de belles frayeurs de pilotage, verser des larmes de joie, de déception. J’ai souvent trusté le podium, sûrement l’arrogance de la jeunesse et l’expression de la passion… mais il manquait la réflexion, l’expérience et la maturité. En 2015, j’accède au podium. Première victoire. Avec mes copilotes, Coralie 27 ans puis Clémence 17 ans, la confiance et le goût d’aller chercher chaque victoire est là. Nous serons le seul équipage 100% féminin du championnat (MIXTE) durant deux saisons à tenir la dragée haute aux hommes. Nous leur avons montré que malgré des cheveux longs sous notre casque, nous étions capables de performer parmi les meilleurs, de la plus belle manière et la plus impartiale. Toujours avec le sourire. Voilà en quelques mots comment une petite fille qui rêvait de performance est arrivée à réaliser son rêve : devenir la première femme championne de France de la catégorie T2. »
UN MILIEU DIFFICILE POUR UNE FEMME ? MACHISTE ?
« Je ne pense pas qu’il existe de barrière réellement liée au sexe si l’on parle uniquement de performances. Il existe évidemment des différences physiques liées au sexe… mais les femmes savent rivaliser par des atouts d’endurance et de réflexion, notre fameux sixième sens ! Je pense que ce sont les habitudes qui ont fermé la porte aux femmes.
Au début du 20e siècle, il était inconcevable qu’une femme puisse conduire dans une compétition automobile, voire conduire une voiture lambda. Il a fallu attendre un changement de mentalité dans les années 70 pour que des femmes comme Michelle Mouton, véritable icône pour chaque femme pilote, parvienne à chatouiller les hommes au plus haut niveau.
Il m’est arrivé de recevoir des réflexions blessantes et machistes en rallye, du type : « C’est pas mal pour des filles » lors d’une victoire. Mais dans l’ensemble elles sont quand même plutôt rares. J’ai toujours essayé de mettre en avant la performance au féminin plutôt que l’utilisation de nos atouts physiques féminins. Ainsi, j’ai su gagner mes galons auprès des meilleurs et faire taire les plus misogynes. Maintenant leurs réflexions, si elles ne sont pas trop déplacées bien entendu, me font plutôt sourire puisqu’elles traduisent une certaine frustration ».
LE PHYSIQUE, UN ATOUT ?
« Il ne faut pas être hypocrite, bien sûr que le physique vous aide parfois ! Un physique gracieux et l’image maitrisée d’une sportive, comme par exemple avec Lindsey Vonn, constitueront toujours un avantage pour une femme, surtout quand ils sont associés à la performance. Dans le milieu automobile, les femmes sont plus rares et souvent plus éloignées des podiums dans les catégories reines. Je pense néanmoins que c’est un véritable atout de mixer féminité et performance automobile. Les sponsors sont souvent friands d’une « belle histoire » … et quoi de plus « bankable » que des femmes élégantes et charmantes qui se battent comme des lionnes sur la piste. L’image de la femme dans le sport a changé. Aujourd’hui, les sportives sont fortes et déterminées. Pour autant, elles sont aussi capables de porter avec élégance des talons et une robe. Pour moi, c’est essentiel d’être capable de porter des talons la semaine et des Sparco le week-end. Nous, les coureuses, nous mettons un point d’honneur à rester féminines lors de chaque course. Maquillage et vernis à ongles sont compatibles avec le mot rallye ! »
MARION ANDRIEU EN CHIFFRES…
DATES 27 ans , née à Aurillac (Cantal) le 23/02/1990, Réside à Murat (Auvergne)
MENSURATIONS
Taille : 1m 72 / Poids : 65 kg
ÉTUDES BAC ES (Mention Bien), BTS communication des entreprises, 1 an en Australie pour le Cambridge, Bachelor commerce international ESC Clermont-Ferrand, Master 1 développement WEB
POSTE Responsable Marketing et relation internationale dans l’entreprise familiale d’import de pièces et accessoires 4×4
SPORTS Rallye, ski, ski de randonnée, handball, squash, sport extérieur
HOBBIES ET PASSIONS Voyages, cuisine, bricolage, mécanique, voiture de collection (restauration)
COMPAGNONS Une chatte « Minette » et un chien « Gugus »
PALMARÈS Vice-championne de France T2B + trophée 4×4 en 2015 et Championne de France T2B + trophée 4×4 en 2016