Pour la première fois de son histoire, l’escalade comptera une épreuve aux Jeux Olympiques de Tokyo en 2020. Une reconnaissance pour cette discipline qui recense pas moins d’un million d’adeptes en France et l’occasion pour nous de faire plus ample connaissance avec ce qu’on appelle communément « la grimpe ». Julia Chanourdie, 21 ans, grand espoir de l’escalade tricolore, nous fait découvrir ce sport entre force, souplesse, agilité et audace.
L’escalade devient (enfin) une discipline olympique. Quelle forme prendra l’épreuve de Tokyo en 2020 ?
Il faut savoir qu’en escalade, il y a trois disciplines : la difficulté, le bloc et la vitesse. La difficulté se pratique sur des murs de quinze mètres de haut en moyenne ; les grimpeurs sont équipés de baudriers et de cordes et le but est d’aller le plus haut possible. Le bloc se pratique sur des murs de 4 mètres de haut, sans cordes, les chutes étant amorties par des énormes tapis bien mous. Ici, l’objectif est d’aller au sommet du bloc. Dans les deux cas, c’est de l’adaptation sur des voies et des blocs nouveaux, jamais réalisés par les participants. Enfin, la vitesse se pratique sur une voie connue des grimpeurs qui doivent la réaliser le plus vite possible. Le Comité international olympique a choisi de faire un combiné de ces trois disciplines pour l’épreuve des JO de Tokyo 2020.
Difficulté, bloc, vitesse : quelles sont les modalités de compétition de ces trois formes d’escalade ?
En escalade de difficulté, il y a deux voies de qualifications dites « flash », c’est-à-dire que tous les participants se regardent grimper. Ensuite, en demi-finales (26 participants) et en finale (8 participants), les voies sont « à vu e» : les grimpeurs sont en isolement et passent les uns après les autres. Pour le bloc, les compétitions sont toujours « à vue ». En qualifications, les grimpeurs doivent réaliser cinq blocs, en demi-finales quatre blocs puis en finale trois ou quatre blocs, avec toujours un temps limité (quatre ou cinq minutes en fonction des tours). L’escalade de vitesse a un format de compétition plus simple avec des qualifications, des huitièmes de finale, des quarts de finale, des demi-finales et la finale.
Quelles sont les principales différences techniques ente ces trois formes d’escalade ?
En bloc, tout est plus intense dans la coordination, dans la force, dans l’équilibre et dans la technique car c’est beaucoup plus court : entre 5 et 10 mouvements, quand les épreuves de difficulté en comptent entre 30 et 50. Dans l’effort, le bloc ressemble un peu au sprint et la difficulté à l’endurance. La vitesse, quant à elle, est un peu différente techniquement de l’escalade de base car il n’y a pas d’adaptation : les grimpeurs connaissent la voie et la répètent. C’est de l’athlétisme vertical.
Quelles sont les qualités physiques et mentales requises pour faire de l’escalade ?
Il y a beaucoup de choses qui se passent au niveau du haut du corps : les bras, les épaules, le dos… Mais la technique est également très importante : le placement des pieds, du bassin… Elle permet aux grimpeurs de s’économiser. De fait, il n’y a pas de profil type en escalade. Pour ce qui est du mental, comme dans beaucoup de sports, c’est une grosse partie du boulot. En compétition, si un grimpeur n’est pas sûr de lui et qu’il doute, il peut vite être en-dessous de son niveau.
L’escalade est un sport dangereux où la sécurité est une priorité de tous les instants. Comment cela se gère-t-il au quotidien ?
Il faut être toujours très attentif : demander, vérifier, regarder… Personnellement, avant de partir dans une voie, je regarde toujours mon assureur, son système d’assurage et je vérifie mon noeud : une fois ces vérifications effectuées, je peux partir dans la voie ! C’est déjà arrivé que des grimpeurs se tuent ou se blessent grièvement en faisant une erreur banale. Il ne faut pas laisser place à l’inattention et l’habitude. Les clubs insistent beaucoup sur la « sécurité » auprès de leurs licenciés.
Qu’en est-il de l’escalade en extérieur ?
Les compétitions se faisant sur des murs artificiels, l’escalade en extérieur est réservée au plaisir/loisir et aux challenges personnels. Pourtant, la réalisation d’une voie en extérieur a beaucoup plus d’impact qu’en intérieur car ce sont des voies connues et célèbres. Elle va davantage marquer les esprits et les grimpeurs entrent dans l’histoire. Il y en a d’ailleurs beaucoup qui se professionnalisent uniquement grâce à l’escalade en extérieur parce qu’il y a des images, des films, et bien sûr la nature… C’est un autre état d’esprit : c’est se battre contre soi-même et non contre d’autres grimpeurs. Mais on ne pratique pas l’escalade en extérieur uniquement pour faire des voies super difficiles : on grimpe aussi dehors pour le plaisir de la nature et pour faire de jolies voies.
Que diriez-vous aux jeunes filles pour les inciter à faire de l’escalade ?
L’escalade est un grand dépassement de soi. C’est la découverte de mouvements qui n’ont rien à voir avec les habitudes puisque l’homme n’est pas forcément fait pour monter à la verticale. C’est de la nouveauté. Grimper, c’est tout simplement prendre de la hauteur.
Julia Chanourdie, en bref
Julia Chanourdie grimpe depuis aussi longtemps qu’elle marche. L’escalade, elle y est pour ainsi dire « tombée dedans » à sa naissance, le 25 juin 1996. Ce sont ses parents, propriétaires d’une salle d’escalade sur Annecy, qui lui ont transmis la passion. À 8 ans, elle remporte sa toute première compétition en catégorie « poussine ». Quelques années plus tard, à 12 ans, elle intègre l’équipe de France et remporte de nombreux titres notamment la Coupe d’Europe jeune de bloc 2012 et de difficulté 2013. En 2016, elle prend la 6ème place de la finale de difficulté pour ses premiers Mondiaux chez les seniors et, en 2017, décroche le bronze des Jeux Mondiaux de difficulté. Le 25 mars dernier, elle est entrée dans le club très fermé des femmes ayant réussi une voie de cotation 9a : « Ground Zero » au Toit de Sarre en Italie. « C’était un moment magique ; on se sent un peu comme la ‘reine du monde’ pendant un instant », confie-t-elle.