Glisser sur les flancs montagneux ne lui suffisait plus. Pour ne faire qu’un avec la nature et ses sommets, la freerideuse suisse Géraldine Fasnacht, multiple championne internationale de snowboard, a voulu goûter les plaisirs de l’envolée aérienne. De là-haut, la trentenaire peut ainsi surveiller ses montagnes fétiches. Rencontre avec une femme entière. Par Léa Borie
J ’ai la chance d’être née dans un pays composé aux trois quarts de montagnes ; j’ai su en faire ma force, mon énergie. Entretenir cette passion pour la glisse, c’était comme ça que mes parents me faisaient travailler à l’école petite, c’était la carotte » .
Des études de commerce, une expérience linguistique d’un an à l’étranger, un premier poste de rêve à l’aéroport… et un départ soudain pour la montagne. Géraldine Fasnacht a une ambition : participer à l’X-treme de Verbier, la plus grande compétition freeride au monde. Alors elle n’hésite pas. Elle plaque tout pour réaliser son rêve. Et pour tenir financièrement, elle prend un p’tit boulot en agence de voyage et des extras en tant que « très mauvaise serveuse » .
Géraldine tutoie les nuages
Parallèlement à la neige, la Suissesse se fascine pour un élément tout autre : l’air. Elle commence le parachutisme en 1999. Une manière pour elle de continuer de tracer des lignes, cette fois-ci dans le ciel et non sur la neige. En wingsuit et en base jump, elle recherche en permanence la même chose qu’en freeride, « des conditions idéales qu’on attend parfois des mois avant d’atteindre cette communion parfaite avec l’élément ». Dans un cas comme dans l’autre, c’est l’amour de la nature qui prime à son esprit, au-delà de la sensation que procure la pratique de ces sports extrêmes.
La tête dans les nuages, certes, mais aussi sur les épaules, elle reste consciente du danger et redoute de se tromper sur les conditions. Dépendante de la nature, la femme volante accepte une certaine part de risque, qu’elle peine à encaisser dans la
vie de tous les jours – se déplacer sur Paris, être dans la voiture d’un mauvais conducteur… Ses limites demeurent ses capacités techniques, sa préparation physique et son état mental.
Pour ne pas flancher, Géraldine nous livre son secret : ne jamais se donner d’échéance, pour mieux doser quand elle se sent prête.
À la découverte des plus beaux éléments
Grande exploratrice, Géraldine n’est pas allée très loin pour trouver ses domaines de prédilection, élisant en favori le domaine skiable de Verbier qu’elle a connu enfant, ne cessant de « profiter du monde merveilleux, monstrueux, de freerider, entre Mont-Gelé et Mont-Fort. C’est un peu comme le pays des Bisounours, vous voyez ? » , s’amuse-t-elle.
Mais cette éternelle fascinée de la montagne ne s’est pas contentée de ça. « Quand j’ai découvert le snowboard, les montagnes, c’était comme une vague vierge éternelle. C’est là que j’ai voulu découvrir de nouveaux endroits » .
Et de toutes ses escapades aux quatre coins du globe, jusqu’aux pôles de notre planète, Géraldine retient surtout son excursion à la Terre de Baffin (une île de l’archipel arctique canadien) : « J’y ai vécu des moments extraordinaires, en fjord, au milieu des phoques et des ours blancs, avec un terrain de jeu infini qui tombait dans des mers gelées , se souvient-elle, émerveillée par cette connexion magique avec les Inuits. Il faisait jour tout le temps, donc matin ou soir, on ouvrait les sauts ou on ridait des couloirs quand la nature était prête » .
Et aujourd’hui, c’est avec fierté qu’elle expose sa philosophie dans le film 4634, Perception The Mountain Within, qui la suit entre frontières suisse et italienne. 4634 ? Pour 4634 m d’altitude ; c’est la hauteur que représente l’ascension du Mont Rose, entre Suisse et Italie. D’ici, l’oiseau-femme déploie son aile pour s’envoler, plus loin, plus vite, repoussant toujours les limites.
Une 3e trace…
Car, avec toutes ces traces laissées sur Terre et dans les airs, et après avoir enchaîné les victoires glissées, dont l’Xtreme de Verbier, entre 2002 et 2010, Géraldine a estimé avoir bouclé la boucle et s’est dit : « Là, j’ai fait plus qu’assez, il faut que j’aille voir autre chose. J’ai donc stoppé la compétition pour faire des films en expéditions », prenant ainsi un nouveau virage, « point d’orgue de mon délire ». L’un de ses meilleurs souvenirs filmés reste « One Step Beyond », de Sébastien Montaz. Au-delà de l’amour pour l’image de son réalisateur, Géraldine a admiré chez lui la manière dont il a retranscrit ses sentiments tout en sachant disparaître pour capter d’autant mieux les scènes.
Et bientôt une décennie après ce projet de sensations filmées, l’oiseau continue à s’impliquer dans des tournages : « Tant que je suis passionnée par ce que je fais, je continue. »
La poursuite d’un rêve
« Mes parents ont toujours réussi à canaliser mes envies en me disant qu’il fallait se donner les moyens d’y arriver dans la vie, qu’on pouvait passer des barrières gentiment. Ainsi, des choses qui nous paraissaient impossibles deviennent possibles. Alors, jeunes sportifs, n’oubliez pas de rêver, n’éteignez pas votre flamme intérieure. Une fois qu’on sait ce à quoi on aspire pour être heureux, il faut foncer. Il y a des orages, mais avec les valeurs que m’ont inculquées mes parents, je sais qu’il y a toujours du ciel bleu derrière. Il faut savoir saisir des opportunités quand elles se présentent et à l’inverse savoir renoncer quand ce n’est pas le moment. Quand quelque chose doit se réaliser, tout se met en phase et ça fonctionne », conclut-elle.
