La pluie, le soleil, le vent, les falaises, l’odeur de la Guinness dans les rues. Pas de doute nous y sommes ! L’Irlande s’offre à nous. Gonflez votre meilleur ballon de rugby, branchez votre chaîne stéréo sur Rocky Road to Dublin de The High Kings, et laissez-vous emporter par les côtes qui ont vu naître la série Vikings, des scènes de Game of Thrones et même… d’Harry Potter. On vous emmène dans notre sac à dos, à la découverte de cette île coup de coeur. Alors, prêts au décollage ? PAR NOS ENVOYÉS SPÉCIAUX, VANESSA MAUREL ET RUBEN DIAS. Extrait du WOMEN SPORTS N°23.
Découverte – AU CŒUR DU STADE AUX PREMIÈRES LOGES D’UNE RENCONTRE DE L’ÉQUIPE D’IRLANDE FÉMININE DE RUGBY

Le vent pointe le bout de son nez, l’odeur de la Guinness est bien présente. Il est 19h30 heure locale, l’équipe féminine d’Irlande de rugby s’apprête à défier les États-Unis à la RDS Arena. Un match qui s’annonce vrai-ment sous tension, ma chère Vanessa. Dans les tribunes, les supportrices sont venues en nombre. Parmi elles, deux jeunes joueuses, qui rêvent de rejoindre leurs aînées sur la pelouse, ou encore une mère et sa fille. Ces dernières veulent montrer qu’elles sont derrière l’équipe. « On essaie de venir régulièrement. C’est important de venir supporter les filles car la plupart des gens vont plutôt voir les hommes », nous expliquent Ingrid et Sophia. Cet engouement se fait ressentir dès le début du match. Les joueuses entrent sur le terrain sous les tonnerres d’applaudissements. Un brouhaha tel qu’il pourrait réveiller Mr Murphy, endormi devant sa télé après une énième Guinness. « Ireland, Ireland, together standing tall… », les hymnes ré-sonnent. L’ambiance dans le stade situé en plein Dublin est surprenante pour un match amical. Chaque action, chaque ballon touché, chaque impact, chaque point est vécu avec une intensité rare. Chaque supporter (y compris nous) retient son souffle lorsque la numéro 15 américaine s’empare de la balle ovale. On ne respire à nouveau que lorsque la défense irlandaise s’occupe de son cas. Quand l’arbitre renvoie les joueuses au vestiaire, le XV du Trèfle mène 12-5. « J’ai déjà beaucoup pleuré, ma soeur honore sa première sélection avec le XV d’Irlande aujourd’hui », confie Sinead. D’ailleurs, la voilà. Maeve entre sur le terrain. Alors, jouer pour la première fois sous les couleurs de l’Irlande, ça fait quoi ?
INTERVIEW – MAEVE, CAPÉE POUR LA PREMIÈRE FOIS :« JE NE PENSAIS PAS QUE CELA ARRIVERAIT UN JOUR »

À 21 ans, Maeve Og O’Leary honore la tradition familiale. Après son grand-père, puis son père et enfin son frère, joueur professionnel de rugby qui évolue à Rouen, c’est à la jeune Irlandaise de faire le grand saut. Ce 12 novembre 2021, Maeve a joué ses premières minutes sous les couleurs du XV Féminin irlandais. Rencontre.
WOMEN SPORTS : VOUS AVEZ HONORÉ VOTRE PREMIÈRE SÉLECTION AVEC L’IRLANDE, QUEL EST VOTRE RESSENTI ?
MAEVE : C’était un sentiment incroyable et une opportunité à saisir. Je suppose que c’était toujours quelque chose dont j’avais rêvé, mais je ne pensais pas que cela arriverait un jour. J’ai regardé cette équipe pendant des années et je les ai tellement admirées… C’est un honneur de faire partie du groupe.
PARLEZ-NOUS DE CETTE PREMIÈRE !
Tout le monde était très excité de se retrouver à nouveau et de jouer ensemble, sur-tout à la RDS Arena. Avant le match, j’étais concentrée mais je me permettais de profiter de l’expérience, de ce qui se passait autour de moi. Quand je suis arrivée sur le terrain, j’étais juste concentrée sur ce qu’on devait faire. Ensuite, c’était le summum absolu, ce sentiment de marcher sur le terrain en saluant la foule, et bien sûr de voir ma famille, ils étaient si fiers, c’était un senti-ment incroyable. Je ne me suis pas mis la pression, j’ai fait confiance aux systèmes que nous avions mis en place, je savais que les filles autour de moi me soutenaient.
COMMENT AVEZ-VOUS TROUVÉ L’AMBIANCE AU STADE ?
L’ambiance était incroyable. Nous avons joué à la RDS Arena pour la première fois, un stade bien plus grand que d’habitude. La foule était formidable et nous pouvions entendre les supporters tout au long du match. Vous savez ce qu’on dit, il n’y a pas de meilleurs fans au monde que les Irlandais ! Quand j’ai couru sur le terrain, j’ai pu entendre le rugissement de ma famille et de mes amis derrière moi.
QUELLE A ÉTÉ VOTRE SENSATION EN ARRIVANT SUR LE TERRAIN ?
C’était un sentiment spécial, je pensais: « wow je suis capée pour mon pays », c’est fou. Mais je savais qu’il y avait un gros travail à faire, donc je suis restée concentrée sur le rugby et je voulais ai-der mon équipe à faire le travail.
VOTRE FAMILLE ÉTAIT LÀ, EST-CE QUE CELA VOUS A BOOSTÉE ?
Absolument. Ma famille a été mon plus grand soutien tout au long de ma vie. C’était une journée pour laquelle ils étaient si excités et fiers. Ils veulent juste le meilleur pour moi. Un de mes frères est rentré de France exprès par avion et un de mes autres frères, qui est en Australie, a pris une journée de congé pour me regarder !
LE RUGBY EN IRLANDE, C’EST VRAIMENT SPÉCIAL ?
Bien sûr ! Le rugby est joué depuis des décennies. C’est un sport de respect, d’inclusion et de plaisir. Il donne aux jeunes garçons et filles de toute l’Irlande l’opportunité de faire partie d’une équipe et de la famille du rugby. Il rassemble les gens et fait de nous un peuple uni. Je me sens tellement chanceuse de jouer au rugby en Irlande et de faire partie de cette grande famille.
Une première réussie pour Maeve. Son équipe l’emporte 20-10 face aux USA, dans une RDS Arena qui en a pris plein les yeux. Ciara et Niamh sont ravies : « C’était un match absolument fantastique ! Les États-Unis sont connues pour être plus fortes que l’Irlande et sont à un rang bien plus élevé que nous sur le plan international, alors que le XV de Trèfle gagne, c’est vraiment super. Les joueuses ont été brillantes ».
On fait chauffer les cuissots à Howth
Le match terminé, nous quittons le stade pour déambuler dans les rues de Dublin, que nous connaissons désormais comme notre poche. Depuis plusieurs mois main-tenant, nous avons élu domicile dans la capitale irlandaise. De balade en balade, (de centaines de kilomètres en centaines de kilomètres surtout), un endroit nous a particulièrement marqués : Howth. Cette péninsule aux courbes surveillées par des phares majestueux entourés de falaises à couper le souffle, est un décor de film grandeur nature. On y murmurait même que le célèbre Hagrid (d’Harry Potter) y aurait trouvé refuge. Et on comprend pourquoi ! Après une halte dans le pub le plus réputé du coin, à savoir The Oar House, pour manger un fish and chips, nous voilà sur le départ. Objectif du jour : la Cliff Walk, une balade le long des falaises. Des pentes, de la terre, des chemins escarpés, avec nos jeans et nos baskets de ville, pas sûr qu’on ait choisi les bonnes tenues… Seulement quelques mètres parcourus, et on entend parler français à chaque passage. Comme quoi, nous ne sommes pas les seuls à avoir fait le choix de l’Irlande. Au cours de la balade, tout le monde ne parle que d’une chose : « the famous lighthouse ». On se demande ce que c’est, et on com-prend vite que quelque chose d’extraordinaire nous attend à l’arrivée. Quelques heures de marche plus tard, et après avoir contemplé la mer sous tous les angles, on tombe nez à nez avec ce fabuleux phare « Baily ». ‘Ruben met ses lunettes’, construit en 1667 à la demande du roi Charles II, ce bâtiment était à la base un simple chalet à charbon. Il a fallu plus de 100 ans à ce dernier rempart entre le monde marin et le monde terrestre pour devenir ce qu’il est encore aujourd’hui, un phare. Merci pour ce paragraphe Wikipédia. Bref, tout ça pour dire que le monument de 41 m est impressionnant, mais la vue qu’il offre l’est encore plus.
APRÈS L’EFFORT,LE RÉCONFORT
Trêve de bavardage ! Plus le temps de vous faire découvrir le reste de l’Irlande, de son pub traditionnel à Dublin Temple Bar, au magnifique Parc Phoenix et ses daims, sans parler du Spire : le match face aux All Blacks va commencer ! On court au pub, toujours à pied bien sûr ! Depuis qu’on est ici, on oublie le bus et on fait chauffer les cuissots avec nos centaines de kilomètres accumulés. Mais on va quand même s’enfiler une Guinness histoire de ne pas zapper les traditions. Cependant, la tâche s’an-nonce plus difficile que prévu. Trois heures avant le coup d’envoi, tout est plein à craquer, impossible de se frayer un chemin.

Autour de nous, il n’y a que du vert. Deux bonnets vikings titillent notre attention. À notre grande surprise, il s’agit d’un couple français ! « Nous sommes venus ici juste pour assister à la rencontre », nous confie Yveline tout sourire. Après leur avoir souhaité un bon match, il est temps pour nous de trouver une place au chaud. On file en centre-ville, direction notre pub préféré : The Auld Dubliner.

C’est là que, verre à la main, nous nous fondons dans la masse ! Ici, tout le monde se lève à l’heure de l’hymne pour reprendre en choeur l’Ireland’s Call, et tout le monde se tait lors du Haka. Le match est palpitant. Les deux équipes sont au coude-à-coude. L’Irlande mène, et au milieu de tous ces barbus, c’est seulement la voix d’une femme que nous entendons : celle de Michelle. Cette passionnée vit le match à fond. Peut-être parfois trop. « Sorry » s’excuse-t-elle après un cri trop aigu. « Je suis une grande fan ! Cette atmosphère… Ça transcende, c’est excitant ! ». On ne sait pas si le XV du Trèfle l’a entendue mais en tout cas (nous oui), les locaux s’imposent à l’Aviva Stadium sur le score de 29-20. C’est historique puisque jusque-là, les joueurs irlandais n’ont remporté que deux fois leurs rencontres face aux All Blacks (en 2018 et en 2016). Pourtant, « il n’y a pas de l’engouement seulement pour le rugby »,nous assure Aurélie, serveuse française.
«Le jour de mon arrivée en Irlande, ils avaient carrément bloqué des routes pour du football. Dès qu’il y a un match, le pub est plein, et on est même obligés de refuser du monde. » Car oui, il n’y a pas que du rugby en Irlande. D’ailleurs, selon vous, quel est le sport préféré N°1 des Irlandais ? Ne cherchez pas, vous avez faux. Le sport national ici est ce qu’on appelle le GAA, et notamment le hurling. Ce sport, se joue avec une crosse appelée hurley, et il partage un certain nombre de caractéristiques avec le foot-ball gaélique. D’ailleurs, c’est à ce deuxième qu’on va s’intéresser de bien plus près maintenant.
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Football Gaélique – ANNA MARIE, QUAND LA FOLIE GAÉLIQUE S’EMPARE DE LA FRANCE

Le football gaélique : quésaco ? Ce sport au nom barbare, est en fait un simple mélange entre le football, le rugby, le hand… Mais sans gros contact physique. Et si vous pensiez qu’il se pratique exclusivement sur la petite île d’Irlande, détrompez-vous ! Celui-ci se joue aussi très près de chez vous.

Angers, Rennes, Nantes, Lyon, Paris… Nombreuses sont les villes à l’avoir adopté. Et Anna Marie, Vice-présidente de Europe Gaelic Ga-mes, n’y est pas pour rien. Cette Irlandaise, débarquée en France il y a maintenant 19 ans a ressenti à son arrivée un petit manque, même si son adaptation au pays s’est faite rapidement, malgré la barrière de la langue. « Lorsque j’ai assisté à un festival à Rennes, j’ai vu qu’il existait un club de football gaélique dans la ville. Alors j’y ai été. Les dirigeants et les joueurs étaient forcément très contents d’accueillir une Irlandaise dans leur groupe. Mais malheureusement, il n’y avait pas encore d’équipe féminine… » Il n’en fallait pas plus. Anna Marie décide de monter sa propre bande.
« J’ai rencontré le professeur Jean-Paul Laborde, et tout s’est mis en place. » Ce passionné de sport l’a convaincue de venir parler du football gaélique dans les établissements scolaires de la région. Une collaboration gagnant-gagnant.« Moi, ça m’a permis d’apprendre le Français et de m’intégrer, tout en partageant mes connaissances et ma culture ». Mais le plus dur reste à faire. « C’était assez difficile de trouver des joueuses au début », avoue Anna Marie. Mais elle avait des arguments : « C’est un sport assez fluide qui est décrit comme non-contact. On bouge beaucoup, sans réel temps mort, avec une véritable cohésion d’équipe. Le sport gaélique en France, c’est comme une grande famille. On s’entend tous bien, tout le monde est bienveillant. » La culture irlandaise a triomphé. « Les adolescentes, notamment des sections internationales, avaient envie de découvrir le pays. Petit à petit, et avec beaucoup de curiosité, des jeunes filles puis des adultes ont intégré l’équipe ». L’aventure était lancée. Depuis 2004, les filles du Rennes GAA (6 fois championnes de France) ont vu de nouvelles adversaires arriver sur les terrains. Aujourd’hui, une vingtaine de clubs féminins existent en métropole. À Angers par exemple, les Anjous Gaels rencontrent un grand succès. « C’est un sport accessible aux sportives et non sportives. Étant un sport méconnu en France, tout le monde part de zéro, on progresse très vite. À chaque entraînement, on se dé-pense bien dans la bonne humeur ! Le club a à cœur de faire vivre les valeurs du gaélique », confie Elodie Hundsbichler, Présidente du club de football gaélique à Angers. Et pour faire grandir la discipline, Elodie et ses coéquipières invitent les plus curieuses à venir s’y frotter. Le mieux, c’est d’en juger par soi-même.
« DE RENCONTRES EN RENCONTRES, NOUS AVONS BEAUCOUP APPRIS DE LA CULTURE SPORTIVE DE CE MAGNIFIQUE PAYS. »

De la bonne humeur, beaucoup de marche et quelques Guinness, l’Irlande nous a plus que souri pendant ce séjour. De rencontres en rencontres, nous avons beaucoup appris de la culture sportive de ce magnifique pays et on espère que vous aussi ! Mais vous ne croyez quand même pas qu’on allait vous laisser comme ça ? On vous sait fêtards, et pour que vous puissiez épater vos convives au rythme des musiques celtiques et de Dance Above The Rainbow, Women Sports a une dernière surprise pour vous. On est allé… assister à un cours de « danse irlandaise ». Et devinez quoi ? On vous a même concocté un petit carnet pratique du pas de base. Croyez-nous, vous n’allez pas être déçus. Enjoy ! Et à très vite, pour une nouvelle excursion !
Danse irlandaise – YVONNE CAROLAN LA DANSE IRLANDAISE, UNE HISTOIRE DE FAMILLE

Pratiquée depuis des décennies, la danse irlandaise est toujours aussi populaire dans le pays. À Dublin, dans le quartier de Balgriffin, la musique résonne trois fois par semaine. Mais dans la petite école Carolan, Jennifer, Yvonne et Nicole Carolan forment des championnes.
Droites comme un I, les danseuses martèlent le parquet du Balgriffin hall. Elles sont à peine majeures mais leur palmarès en ferait pâlir plus d’une. La championne du monde Rebecca Duggan nous offre ce soir un spectacle hypnotisant. Attention ça va vite et… ça fait mal aux oreilles. « On garde les traditions » nous explique Yvonne Carolan. Mais pour atteindre ce haut niveau de performance, il n’est pas question de faire les choses à moitié.
« Elles doivent manger vraiment healthy. Même très jeunes, il faut qu’elles aient de très bonnes protéines dans leur diète. C’est primordial. Faut aussi faire attention à ce qu’elles ne boivent pas n’importe quoi. C’est important qu’elles soient aussi en forme à l’extérieur qu’à l’intérieur de leur corps. » Règles strictes qu’elle applique même à sa propre fille.
Une histoire de famille
Elle-même ancienne championne de danse irlandaise, Yvonne a toujours baigné dans cet univers. Après sa grand-mère et sa mère, elle a atteint le plus haut niveau du sport. « Je m’en rappelle comme si c’était hier. J’avais travaillé très très dur pour en arriver là, se remémore-t-elle. Mes jambes tremblaient, même lorsque je suis arrivée sur scène. Tout le monde était réuni pour venir me voir. Je n’avais pas le droit à l’erreur. Lors de cette dernière compétition solo, je suis devenue « dance masters » (le graal de la danse irlandaise, NDLR). C’était fantastique ». Après avoir raccroché les ghil-lies (chausson de danse, NDLR), sa relève sera assurée puisque sa fille et sa nièce reprennent le flambeau. Cette dernière, Nicole Carolan Kinsella, qui enseigne également la danse à Dublin, a été pas moins de 8 fois championne du monde d’affilée… Rien que ça.
LA DANSE IRLANDAISE EN BREF

La discipline a traversé les années. Ultra populaire, cette danse qui se pratique sur une musique entraînante, est très technique. Les danseurs et danseuses doivent se tenir torse et bras tendus, tout en bougeant uniquement leurs jambes et leurs pieds. D’abord très populaire seulement sur l’île, la pratique dépasse désormais largement les frontières irlandaises. « Il y a énormément de nationalités différentes qui vivent ici. Alors, forcément, la danse s’est expatriée. Elle est désormais très réputée aux États-Unis, et même en Grande-Bretagne ou en Australie », explique Yvonne.
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