À Caussens, petit village du Gers enveloppé de vignes et de lumière, le jour s’étire paresseusement. Une brise légère souffle sur le terrain d’Edu’Canin. Le soleil caresse l’herbe verte où s’alignent une vingtaine d’obstacles : sauts de haies, tunnels courbés comme des vers de terre, slalom de piquets rouges et blancs, palissade abrupte, balançoire, passerelle, pneu suspendu… Toute une aire de jeu, conçue pour tester la complicité entre la femme et son chien. PAR RUBEN DIAS. Extrait du WOMEN SPORTS N°37.

En mai, fait ce qu’il te plait. Ce lundi matin, ils sont une petite quinzaine, maîtres et chiens réunis, les yeux pleins de concentration, de tendresse, de joie, pour partager leur passion. L’agility-dog n’est pas juste un sport canin, c’est un lien tissé au rythme des pattes et des cris d’encouragement. D’ailleurs, « c’est très physique, il faut pouvoir les suivre ! » assure dès le début l’une des adhérentes.
Au centre de cette chorégraphie : Sylviane Fitau, monitrice passionnée depuis douze ans qui n’hésite pas à lever la voix. Elle connaît chaque binôme, chaque chien, chaque hésitation sur une planche instable ou devant un tunnel trop sombre. Et surtout, elle n’hésite pas à s’élancer elle-même sur le parcours : « Quand je vois qu’un duo manque un peu de confiance ou de rythme, j’entre sur la piste avec eux », et cela devient un trio.

Le parcours est chronométré, mais sans pression. L’important ici, c’est l’harmonie. Chaque obstacle franchi est une victoire. Il y a des parties colorées à respecter sur les structures : une patte du chien doit toucher cette « zone », sous peine de pénalité. Et à chaque bonne zone, c’est une récompense. Les poches des maîtres débordent de friandises, qu’on glisse avec fierté dans la gueule haletante de son compagnon. À la fin du tour, c’est souvent une balle qu’on lance à pleine volée. Et les chiens s’élancent, langue pendante.
« Chaque chien est unique », confie Sylviane. « Face à un obstacle, il va réagir différemment. Ce qui fonctionne avec l’un ne marche pas forcément avec l’autre. Il faut savoir écouter, observer, s’adapter. Et créer une vraie relation. » Le club d’Edu’Canin est à son image : chaleureux, simple, familial. On rigole, on discute, on apprend. « On n’est pas là pour juger. Il y a des gens qui viennent pour régler des petits soucis, d’autres juste pour passer un bon moment. Tout le monde est le bienvenu. Il suffit d’aimer son chien, vraiment », assure Béatrice adhérente et membre actif du club avant de poursuivre. « Mon chien ne fait plus de compétition. Mais c’est toujours un plaisir pour lui de venir, faire une petite leçon aux plus jeunes (rires). Ça le rend heureux lui, et donc moi aussi. » Sur le terrain, le soleil a grimpé, les chiens aussi. Sur la passerelle, dans le slalom, dans la complicité. Et dans le regard de Sylviane, et de tous les adhérents on lit cette certitude : l’agility c’est une danse à partager, en toute liberté, avec son meilleur compagnon.
Agility dog, c’est pour qui ?

Agility, contraction d’agile et complicité. C’est la beauté d’un saut, la justesse d’un ordre, la joie d’une queue qui remue. Et derrière chaque passage, il y a une femme ou un homme et un chien, qui courent ensemble dans la même direction. « Et c’est adapté à tout le monde » s’exclame Sylviane Fitau, monitrice à l’Edu’Canin.
« Nous avons des retraités, comme des gens qui travaillent. Des personnes qui viennent pour le loisir, juste pour boire un café, comme des compétiteurs qui préparent des concours. C’est aussi pour tous les chiens. Toutes les races. On s’adapte à leur taille, à leur état de forme… Mon chien Mozart, a des problèmes aux coudes, mais quand il vient je lui fait faire au moins un petit tour, parce qu’il adore ça. Pour que dans sa tête, ça aille bien, tout simplement. Si je ne lui fais rien faire, il est frustré. » La seule condition, c’est d’avoir un peu de temps à consacrer à son animal. « Mais lorsqu’on en adopte un, c’est de toute façon l’un des critères à respecter non ? », se questionne Sylviane, sourire narquois aux lèvres. « Cela permet aussi de comprendre son chien, ajoute Beatrice, adhérente du club. D’ailleurs, essayez à la maison, prenez deux chaises et un balai, et vous avez une haie à franchir (rires) », conclut Sylviane.
Agility, tendresse et petites saucisses «Il faut courir, anticiper, guider… C’est un vrai sport »
Parfois, les plus belles histoires commencent au détour d’un champ ou d’un hasard canin. Michelle, retraitée, et Émilie, en reconversion professionnelle, ne se seraient sans doute jamais croisées ailleurs qu’au bord d’un terrain d’agility-dog. Et pourtant, chaque lundi, leurs pas, et ceux de leurs chiennes, Raïka et Orka, convergent dans un même élan : celui du partage, du sport, du lien… et de petites saucisses. Entretien croisé.

WOMEN SPORTS : QU’EST- CE QUI VOUS A AMENÉES À L’AGILITY ?
EMILIE : J’avais du temps, et une petite chienne pleine d’énergie. On a essayé un cours, et elle a adoré. Moi, j’ai accroché tout de suite en la voyant heureuse. Elle a reconnu la tenue du lundi, maintenant elle le sait, c’est sa journée.
MICHELLE : Moi, au début, je n’étais pas très motivée. Et puis j’ai vu que ma chienne, elle, l’était. C’est elle qui m’a emmenée ici, en quelque sorte. Parfois, c’est le chien qui choisit son maître… ou du moins ses activités !
QU’EST-CE QUE ÇA CHANGE DANS VOTRE RELATION AVEC VOTRE CHIENNE ?
MICHELLE : Il y a une vraie complicité qui se crée. Et puis, dès que je mets le clignotant en arrivant près du club, elle le sent. Je ne la tiens plus !
EMILIE : Clairement, on est plus proches. Sur le terrain, on apprend à se lire, à se comprendre sans parler. Bon, j’ai toujours quelques morceaux de saucisse dans la poche, ça aide… (rires).
C’EST UN SPORT UNIQUEMENT CANIN ?
MICHELLE : Pas du tout ! À la fin d’un concours, je suis lessivée. Pourtant, je marche tous les jours. Mais là, il faut courir, anticiper, guider… C’est un vrai sport.
EMILIE : En deux minutes de parcours, tu fais travailler ta tête, ton corps et ton lien avec ton chien. Et puis il y a l’esprit de groupe. On rencontre des gens très différents, mais on partage tous cette passion-là. C’est simple, c’est chaleureux.

ET LES CONCOURS ?
MICHELLE : J’en ai fait quelques-uns. Au début, c’était un peu folklo… Ma chienne allait dire bonjour à tous les copains derrière le grillage. Mais récemment, on a fini deuxièmes ! Bon, je dis pas que je suis compétitrice… mais j’aime bien gagner quand même (rires).
EMILIE : Je prépare le pass-agility. J’ai hâte d’y aller pour l’ambiance. Tu encourages, tu vis plein d’émotions, tu rencontres des gens de milieux très différents, bref, c’est génial.