Elle pensait avoir tourné la page, refermé définitivement le chapitre d’une vie passée sur les courts du monde entier. À Roland-Garros 2024, Alizé Cornet tirait sa révérence dans l’écrin qu’elle avait choisi, le coeur léger, la tête haute. Et pourtant, moins d’un an plus tard, la Niçoise rechausse les baskets, sans fanfare ni illusions, mais avec un appétit nouveau : celui d’un retour à l’essence du jeu. Une parenthèse fermée, une autre ouverte, comme une ultime chorégraphie sur une scène familière. Sa « dernière danse », dit-elle. Un portrait tout en nuances, entre gratitude, lucidité et amour retrouvé. PAR RUBEN DIAS. Extrait du WOMEN SPORTS N°37.
Quand elle quitte le circuit en 2024, Alizé Cornet ne laisse rien au hasard. « C’était un choix mûrement réfléchi, confie-t-elle. Cela faisait une bonne année que j’y pensais. » Elle choisit Roland-Garros, comme une évidence. Elle y reçoit un hommage à la hauteur de ses vingt années de carrière, 67 tournois du Grand Chelem disputés consécutivement, un record. Pourtant, loin du bruit des tribunes, c’est le silence qui l’attire. « J’étais épuisée. Mentalement, j’étais allée au bout. J’avais besoin de cette pause, du vide. »
Ce vide, elle l’accueille avec joie. Les mois qui suivent sont faits de rien, ou plutôt de tout ce qui ne s’achète pas : du temps, de la lenteur, des retrouvailles. Elle publie un livre, commente Roland-Garros pour la télévision, porte la flamme olympique, mais surtout, elle part deux mois sur les routes de France en fourgon aménagé avec son compagnon. « C’était le plus beau voyage de ma vie. J’ai reconnecté avec une simplicité oubliée. J’ai adoré cette vie-là. Si j’avais eu le choix, peut-être que je ne serais pas revenue. »
« Revenir, mais autrement »
Et pourtant, elle revient. En février, elle retouche une raquette. Le plaisir de l’entraînement renaît. Son corps suit. « C’est ça qui m’a encouragée à reprendre la compétition, raconte-t-elle. Je voyais que mon corps répondait encore. » Mais la réalité du haut niveau la rattrape vite : douleurs, rythme, stress. « Ce n’est plus le même stress qu’avant, nuance-t-elle. Aujourd’hui, je joue parce que j’en ai envie. Mon but, c’est de me faire plaisir, pas de remonter au classement. »
Son retour est vite chamboulé : la voilà appelée en équipe de France pour la Billie Jean King Cup, à peine quelques jours après l’annonce de son retour. Une surprise totale. « C’était un tel honneur. Je devais jouer le double, puis finalement le simple. Mon corps n’était pas prêt. Je me suis blessée. Mais je ne regrette rien. On ne regrette jamais une sélection en équipe de France. »
« Je ne reprends pas ma carrière, je vis une nouvelle aventure »
Ce retour, elle refuse de le voir comme une reprise classique. « Dans mon esprit, ce n’est pas une reprise de carrière. C’est une dernière danse. Une aventure différente, plus légère. » La compétition, oui, mais sans pression. Elle se donne jusqu’à la fin de la saison 2025, pas un jour de plus. Son seul objectif : vivre le tennis autrement. « Toute ma vie, j’ai été bouffée par l’ambition. Aujourd’hui, je veux dédramatiser les défaites, profiter. Avoir une relation plus saine avec ce sport. »
Ce déclic, il ne vient pas brutalement, mais progressivement. « Vers la fin de l’année dernière, j’ai commencé à ressentir une forme de nostalgie. Les émotions me manquaient. J’ai eu envie de les revivre, mais différemment. »
Un avenir en liberté
L’après, elle ne le redoute pas. Il est déjà là, vibrant de promesses. Elle évoque la télévision, l’écriture où elle termine son troisième roman, son engagement bénévole pour le tennis féminin dans les Alpes-Maritimes. Et, pourquoi pas, un jour, un rôle de capitaine de l’équipe de France. « Pas tout de suite, mais c’est une ambition que j’ai. Par contre, être coach, non. Voyager toute l’année, c’est ce que j’ai fui. »
Libre, Alizé Cornet l’est plus que jamais. Et c’est peut-être là que réside toute la beauté de ce retour inattendu. Une femme qui choisit, qui trace, encore une fois, sa voie. « J’ai eu envie de revenir pour jouer au tennis comme je l’aimais à 15 ans. Pour le jeu, tout simplement. »