On connait bien l’ostéopathie, un peu la chiropractie (nous avions réalisé un dossier en 2019), mais l’étiopathie, pas suffisamment. On a tâché d’en apprendre plus sur cette méthode manuelle et de vous en expliquer les bienfaits pour les sportifs. Et quoi de mieux pour ça que d’aller rencontrer un professionnel officiant dans une région reconnue pour sa pratique sportive ? On vous emmène à Grenoble (38), dans le cabinet de l’étiopathe Yann Ollivier, en compagnie d’une de ses patientes, capitaine de l’équipe de France de touch rugby, Charline Montagnat.
Par Léa Borie
Extrait du magazine WOMEN SPORTS N°20 d’avril-mai-juin 2021
L’étiopathie, quésaco ?
En préambule, on comprend que l’étiopathie est une méthode d’analyse qui cherche à établir une relation de causalité entre des symptômes présentés par un patient et la/les causes qui les ont entraînés. Elle recherche la cause, à laquelle est appliqué un traitement manuel, pour rendre le corps libre de ses mouvements, et ainsi récupérer d’une pathologie afin d’améliorer ses performances. Cette thérapie dite manuelle vise à rétablir l’intégrité des systèmes articulaires, viscéraux et circulatoires d’une personne pour faire disparaître les symptômes qui en dépendent.
Un peu d’histoire étiopathique
Yann Ollivier nous explique que ce concept occidental déposé en 1963 a été initié par Christian Trédaniel, lui-même guidé par le médecin André de Sambucy, pionnier de la médecine manuelle en France. S’il est le fruit d’un travail théorique nourri par la biologie, la médecine et l’approche systémique, il est l’héritage des rebouteux de campagne. Aujourd’hui, pour devenir étiopathe, il existe quatre facultés libres en France, et cela nécessite six ans d’études. Le temps nécessaire pour apprendre les principes fondamentaux de l’étiopathie, l’anatomie, la physiologie, le diagnostic étiopathique et l’acte thérapeutique.
L’étiopathe traite les troubles d’ordre fonctionnel et répond à des pathologies d’origine mécanique. C’est pourquoi on dit de l’étiopathe qu’il est le mécanicien du corps humain. « On traite plus que la simple biomécanique, détaille Yann Ollivier. Notre travail touche aussi les troubles bénins digestifs, pelviens et la sphère ORL ».
Chez les sportifs précisément, il s’agit le plus couramment de soins de petites traumatologies type entorse/ foulure, ou un problème chronique lié à une activité physique tel que la tendinalgie ou la tendinopathie. Des problèmes ciblés genoux, coiffes des rotateurs, chevilles, mollets… avec un regard sur l’ensemble du système locomoteur.
« On s’intéresse à l’événement qui cause la dysfonction mécanique quand il est traumatique car il peut donner des informations précieuses. Mais en cas de problème mécanique sans cause traumatique, on vient se focaliser sur la dysfonction qui génère les symptômes ». L’étiopathe nous explique cela avec l’exemple d’une tendinalgie : « La douleur du tendon rotulien peut être la conséquence d’une dysfonction vertébrale lombaire. A cause de cette dernière, le tendon devient sensible à la manière d’un coup de soleil sur la peau. Ainsi, rétablir la mobilité vertébrale, c’est faire disparaître cette hypersensibilité tendineuse. »
Le suivi étiopathique
Le nombre de séances avec l’étiopathe à prévoir et leur durée dépendront de la pathologie et de la date de son apparition. Mais il n’est pas préconisé de prendre rendez-vous pour un « check-up ». « On ne nous consulte pas pour du confort mais pour résoudre un problème. On prendra alors en charge la personne jusqu’à ce qu’elle récupère ses capacités initiales.
La particularité de l’étiopathie
Cette profession de santé en libéral hors d’un cadre réglementé est en cours de reconnaissance. Contrairement à l’ostéopathie, qui est portée par de nombreux courants et méthodes d’approches différents, l’enseignement étiopathique tourne autour d’une seule méthode thérapeutique, et son travail poursuit un but : résoudre des problèmes bénins du système locomoteur.
Par ailleurs, en termes de statut, l’étiopathe est assujetti à la TVA, contrairement aux ostéopathes qui en sont exonérés. Ce qui explique en partie qu’il y ait bien moins d’étiopathes officiels dans les registres : nombreux sont ceux qui ont obtenu le diplôme et sont allés grossir les rangs des ostéopathes parce que plus intéressant financièrement. Pourtant, Yann Ollivier en est persuadé, c’est une vraie force d’être étiopathe. Déjà parce que la concurrence est moindre, notamment dans les centres urbains, de quoi davantage se démarquer sur le territoire paramédical local. Mais surtout parce que cette méthode est rigoureuse. Et puis parce que tout reste à faire pour qu’elle soit reconnue, un challenge qui motive notre spécialiste.
En consultation journalistique avec Yann Ollivier

Yann Ollivier a découvert cette thérapie manuelle un peu comme Christian Trédaniel. Après plusieurs années à souffrir de problèmes de dos suite à une mauvaise chute au judo, il ne trouve pas de réponse claire et efficace dans la médecine traditionnelle. Ce Breton d’origine commence alors à s’intéresser à d’autres techniques. C’est par le bouche à oreille qu’il se penche sur l’étiopathie et commence sa formation à Rennes.
Après une première année d’exercice dans le Finistère, Yann Ollivier s’installe en Isère – à Saint-Egrève et Grenoble – en 2013. Il s’est notamment fait connaître en étant intervenant bénévole lors de courses régionales (Marathon du Mont-Blanc, Cross du Pain, Semi-marathon Grenoble-Vizille, Ekiden Grenoble, Trail des Passerelles du Monteynard…). Lors de ces évènements, il est souvent accompagné d’une masseuse.
« La plupart du temps, à la fin d’une course, un coureur passe d’abord voir l’étiopathe pour des douleurs précises, avant d’aller se détendre sur la table de massage. Mais cela peut s’inverser. Un coureur sans douleur apparente peut arriver en massage avec un nœud. Le masseur lui conseille alors de venir me voir ». Enfin et surtout, il accompagne l’équipe de France mixte de touch rugby ! On ne veut pas faire entrer dans la tête des gens qu’il faut venir nous consulter périodiquement de manière indispensable : on soigne des douleurs dont il n’est pas possible de prévoir l’arrivée. Au contraire, on sera plus minimaliste dans le traitement pour qu’il soit le mieux toléré possible. »
Yann Ollivier identifie deux types de profils chez les sportifs : ceux pour qui l’étiopathie est quelque chose d’acquis, qui ont eu la preuve d’une solution par une thérapie manuelle. Et ceux qui recherchent une réponse à un problème sans connaître l’étiopathie.
Double entretien soignant/soignée
Nous avons eu la chance de conduire un entretien entre l’étiopathe Yann Ollivier et une sportive de haut niveau suivie par celui-ci. Une interview croisée passionnée, riche en rebondissements et en anecdotes chargées d’humour et d’amour.

Charline Montagnat, 27 ans, 1m68, capitaine d’équipe de France mixte de touch rugby a entendu parler d’étiopathie par une amie en train de se former à ce métier, et a choisi de présenter Yann Ollivier à son équipe pour qu’il fasse partie de l’équipe médicale lors de leurs matches. C’est comme ça que, quelques années plus tard, il a fait partie du staff de l’équipe mixte open de touch rugby pour la coupe du monde 2019 en Malaisie !
- Women Sports : comment s’est faite votre rencontre ?
Charline : J’ai commencé à consulter Yann pour d’importantes migraines ophtalmiques, sans doute accentuées par des chocs au rugby étant plus jeune. Bien sûr, on n’a pas fait disparaître mes migraines d’un coup de baguette magique, mais aujourd’hui, j’arrive à mieux les gérer.
Yann : Le lien entre migraines et douleurs cervicales est fréquent. Ces maux de tête sont souvent associés à des tensions dans la nuque et les trapèzes. On cherche alors une solution mécanique pour réduire leur fréquence, voire pour les faire disparaître.
Charline : Et toi Yann, tu le fais toujours avec pédagogie pour m’expliquer tes manipulations.
- Comment s’est montée cette collaboration étiopathie x touch rugby ?
Charline : En équipe de France, on part avec un coach, un manager, et une personne de l’équipe médicale. Cette dernière nous accompagne bénévolement, car nous avons peu de moyens car peu de sponsors ; cette pratique demande un investissement financier et en temps. C’est le pari que Yann était prêt à relever !
Yann : Et aujourd’hui, j’ai vraiment l’impression de faire partie de la « famille du touch ». Il a fallu que je fasse mes preuves. Mais cela a été assez rapide, car l’état d’esprit des joueurs fait qu’ils ont le contact facile. Même les plus réticents finissent par venir me voir, bien que ce soit parfois après avoir enduré la douleur trop longtemps. Je suis intervenu au-delà du simple rôle d’étiopathe lors de précédents matches : remplir les gourdes, jouer les cameramans, proposer des étirements en soirée, des méditations au réveil, faire la police avec les plus jeunes de l’équipe… Cette expérience me change du cabinet et m’enrichit, notamment pour mes consultations. Les compétitions, ce ne sont pas des vacances pour moi non plus, c’est éprouvant. On finit par se prendre au jeu, à vouloir que « son » équipe gagne !
Charline :Tu nous assistes, mais tu vis aussi les matches avec nous ! Pour que ça marche, il a fallu que tu rendes pleinement disponible. On peut frapper à ta porte à 22h avant un match pour se plaindre d’une douleur. Tu nous as déjà strappés dans le car… On est une quinzaine de joueurs quand on est en déplacement, et tu as toujours tout fait pour notre bien-être, pour qu’on soit en posture de réussite…
- Yann, tu connaissais ce sport pour le traiter ?
Yann :Non, mais aujourd’hui, j’arrive à identifier les types de douleurs symptomatiques du touch rugby – qui s’apparentent plus à celles du foot ou du basket finalement que du rugby. Avec les changements de direction, les hanches et les genoux sont particulièrement touchés.
- La particularité de ce sport est quand-même la mixité des équipes…
Yann :Il faut savoir s’occuper des sportifs hommes et femmes simultanément en effet : pour elles, prendre en compte les cycles et leur impact sur l’état global des joueuses avant match. C’est aussi un bon moyen d’observer les tactiques de jeux de chacun.