Médaillée de bronze sur 4×200 m nage libre aux JO de Londres en 2012 et multi-médaillée aux championnats d’Europe et aux Mondiaux, Charlotte Bonnet est à 24 ans la nouvelle star des bassins française. À l’approche des Mondiaux-2019 de natation (12-28 juillet en Corée du Sud), et à un an des JO de Tokyo, elle nous dévoile sa personnalité et ses ambitions.
Propos recueillis par Arthur Lemaire
Extrait du magazine WOMEN SPORTS de juillet-août-septembre 2019

WOMEN SPORTS : À l’âge où de nombreuses petites filles se dirigent vers la danse ou l’équitation, qu’est-ce qui vous a poussée vers les bassins de natation ?
Charlotte Bonnet : Ce n’était pas vraiment un hasard ! Mes parents sont maîtres-nageurs et dès l’âge de trois ans, je savais déjà nager. J’ai commencé les compétitions à 6-7 ans donc j’étais très vite dans le bain et j’ai tout de suite aimé ça. En vacances, dès qu’on partait avec ma famille, je passais ma vie dans l’eau, du matin au soir, sans exception. Donc c’est venu très naturellement.
« La natation ? J’y baigne depuis ma tendre enfance. »
Aviez-vous un modèle dans ce sport ?
Mes parents étaient sportifs de haut niveau dans le waterpolo. Ils m’ont donné le goût du sport, le plaisir de l’effort et l’esprit de compétition. Quand j’étais très jeune, j’allais voir mon père en compétition et cela a dû m’influencer.
À quel âge avez-vous commencé à atteindre de belles performances et envisagé de devenir nageuse de haut-niveau ?
Très clairement vers 12-13 ans. J’étais en section sport-étude, j’allais nager toute la matinée, j’enchaînais avec les cours l’après-midi puis je retournais faire quelques longueurs le soir. C’était un rythme assez soutenu qui m’a permis d’accéder aux compétitions internationales juniors. Je me débrouillais plutôt bien, je remportais la plupart des compétitions donc cela m’a carrément motivé à aller plus loin. Je rêvais de participer un jour aux Jeux Olympiques.
« Un échec cet été aux Mondiaux mais une médaille d’or aux Jeux Olympiques, je signe tout de suite ! »
Lors des derniers Championnats de France, vous avez décroché les titres sur 50 m nage libre, 100 m nage libre et 200 m nage libre. Ces sacres ont-ils toujours la même saveur ?
Toujours la même saveur peut-être pas, c’est nettement moins important qu’avant. Mais je prends toujours autant de plaisir à nager durant cette compétition, à faire de bons temps et à gagner des titres. Il y a quelques années c’était l’objectif principal, aujourd’hui je vois ces championnats comme une étape vers des événements de plus grande envergure comme les Championnats du monde.
Vous sortez d’une année 2018 fantastique, championne d’Europe sur 200 m nage libre, championne d’Europe en relais simple et mixte. Pour ces Mondiaux-2019 en grand bassin (12-28 juillet en Corée du Sud), quel est votre objectif et le chrono à battre (ndlr, son record sur 200 m : 1 min 54 sec 95/100e) ?
Le chrono ne sera pas important, l’essentiel est la place que je veux décrocher. Je rêve bien évidemment de la plus haute marche, mais je suis consciente de la difficulté : il y a de très grandes championnes face à moi. Mon objectif est le podium. Plus haut, c’est du bonus.
L’année prochaine auront lieu les Jeux olympiques à Tokyo. On se souvient de votre médaille de bronze à Londres, à seulement 17 ans. L’objectif, cette fois, sera la médaille d’or ?
Bien sûr que c’est dans un coin de ma tête, mais j’évite de trop y penser pour le moment. C’est sûr que cela va arriver très vite, mais moi je fonctionne objectif par objectif, donc je suis concentrée pour l’instant sur les Championnats du monde. Mais très clairement je rêve d’une médaille pour les JO de Tokyo-2020.
D’ailleurs, si vous deviez passer à travers de vos Championnats du monde mais remporter l’or olympique, vous signerez ou pas ?
Oui tout de suite. Les Jeux Olympiques sont la plus grande compétition de tous les temps, un événement ultime pour tout sportif. J’en rêve depuis que je suis enfant.
« Dans le sport de haut niveau, c’est 70% au mental et 30% au physique. »
Vous disiez lors d’une précédente interview que votre progression était en grande partie due à Meriem Salmi, votre psychologue. Notamment à cause de la tragique disparition de Camille Muffat. Est-ce qu’aujourd’hui, le rôle de cette psychologue est toujours fondamental ?
Pour moi c’est simple, le mental fait 70% de la performance et le physique seulement 30%. Donc forcément se faire suivre par un psychologue est un énorme plus. Quand je l’ai démarchée, j’avais vraiment besoin d’elle pour m’en sortir, me relever après cette étape très difficile. Je ne la remercierai jamais assez pour le travail qu’elle a fait. D’ailleurs on ne met pas vraiment ce travail de l’ombre en lumière. Dans la pratique, je vois Meriem quand j’en ressens le besoin, c’est souvent un rendez-vous qui a lieu toutes les deux semaines. Je pense qu’aujourd’hui tout athlète a besoin de se faire aider ou suivre, particulièrement dans les sports individuels comme la natation. Le sport de haut niveau est usant mentalement, on traverse sans cesse des hauts et des bas. Moi, en tout cas, cette technique fait partie intégrante de ma réussite.
« Mon objectif, c’est le podium. Plus haut, c’est du bonus. »
Pouvez-vous nous décrire votre quotidien. À quoi ressemble une journée type à l’aube d’une grande compétition ?
À l’approche d’une grande compétition, je vais dormir un peu plus le matin. Je m’entraîne ensuite deux heures la matinée puis deux heures l’après-midi. Habituellement je fais des séances de musculation mais je les réduis à l’approche d’un grand événement pour ne pas arriver épuisée au moment clé. Mais ça reste un travail soutenu avec de la vitesse, de l’aérobie chaque jour.
On a vu par le passé des nageurs ou nageuses comme Laure Manaudou devenir allergique à l’odeur du chlore à force de le côtoyer, craignez-vous aussi cette lassitude avec les bassins ?
Je n’y pense pas encore. Si cela m’arrivait, il faudrait vraiment que j’arrête de nager ! Après il y a peut-être moins de plaisir qu’au début parce que maintenant ma passion est un travail, il y a forcément des contraintes, des sacrifices. Mais cela reste du plaisir, une activité que j’ai choisie et que j’aime.
Suivez-vous les autres sports ?
Je suis bien-sûr les autres sports, et je suis très heureuse quand une femme réussit car j’aime quand on met le côté féminin en avant. J’ai d’ailleurs un côté féministe en moi donc c’est une source de fierté. J’admire chaque femme qui réussit au plus haut niveau.

La natation est aussi un business
WS : Récemment vous avez signé avec Energy Standard pour participer à l’International Swimming League. Pouvez-vous nous en dire un peu plus sur cette compétition ?
C.B : C’est une ligue créée par un milliardaire ukrainien qui a pour objectif de promouvoir la natation. Il a beaucoup d’ambitions pour ce sport pas assez médiatisé, selon lui. Il faut d’abord constituer quatre équipes européennes et quatre américaines de 20 nageurs. Au final, Europe et Etats-Unis avant une finale « big four » avec les deux meilleures équipes des deux continents. La finale aura lieu à Las Vegas sous la forme d’un show à l’américaine comme on peut en trouver dans les salles NBA. Et bien sûr, l’ultime issue est de remporter cette compétition. Très clairement, il s’agit d’un nouveau, très sérieux, concurrent pour la Fédération internationale de natation (FINA).
Charlotte aux fraises
Nous avons soumis notre championne à un petit quiz sur la natation féminine. Seulement 3/5 pour Charlotte, qui s’est prêtée au jeu. Tentez de répondre à votre tour… et de faire mieux !
1/ Combien de records Laure Manaudou détient-elle encore ? 2 – 3 – 4 – 5
C.B : (elle compte) : 42/ Quel record de France détient Mélanie Henique ?
a. 50m papillon
b. 50m brasse
c. 50m dos
d. 50m NL
C.B : tac au tac : 50m papillon3/ Qui est le président actuel de la Fédération internationale de natation (FINA) ?
C.B : C’est une très bonne question. Je sais que c’est un Italien en tête de la Ligue européenne mais la FINA, aucune idée !4/ Quelle nageuse détient le record de France du 100m Papillon ?
C.B : Aurore Mongel5/ Le temps exact du record de France du 4x100m 4 nages (Marie Wattel, Mathilde Cini, Fanny Deberghes, Charlotte Bonnet) ?
C.B : (rires), alors là j’en ai aucune idée, je sais qu’on l’a fait l’été dernier à Glasgow, mais le temps exact franchement je ne sais plus, je vais dire 04.01.Réponses : 1/. 4 records sont encore détenus par Laure Manaudou (800 m et 1500 m nage libre, 100 m et 200 m dos) ; 2/. 50 m papillon ; 3/. Julio Maglione ; 4/. Aurore Mongel : 5/. 3 min 59 sec 85/100e
Les secrets de Charlotte

Il y a quoi dans ta playlist en ce moment ?
Alors j’écoute vraiment de tout, de la musique classique au rap du moment. Actuellement je suis très Sia, Ariana Grande, The Weeknd, Rihanna, Ed Sheeran. Mais j’ai aussi du Céline Dion, de l’Indochine…
Qu’est-il interdit de manger pour une championne de natation mais que tu manges quand même en cachette ?
Alors rien ne m’est interdit, je ne me cache pas pour manger. Bien sûr, il y a certaines choses déconseillées… que je mange quand même comme les pizzas ou hamburgers ! Mais nous avons la chance que notre sport ne nécessite pas de limite de poids, nous sommes plus libres que d’autres athlètes. Pour performer il ne faut pas manger des fast-foods tous les jours, cela reste très occasionnel, mais je ne me prive pas quand l’envie me prend.
Tes séries du moment ?
Alors je suis très séries, je peux vous en citer à la pelle. Là, je viens de finir « Hanna » qui était vraiment pas mal. Je commence à peine « Dynastie », j’ai aussi fini « Casa de Papel » que j’ai dévorée, et comme beaucoup de monde j’ai suivi « Game of Thrones ». Je suis plus séries que films, mais mon copain m’oblige à rattraper mon retard sur certains long-métrages. Il trouve inadmissible que je n’aie pas vu tous les Marvel. Malheureusement il y en a 21, et je suis dans l’obligation de me les coltiner. Là j’en suis actuellement à la moitié, je tiens le bon bout !
Ton compagnon est Jérémy Desplanches, nageur de haut niveau. Le quotidien est-il plus simple quand on a la même passion mais aussi les mêmes contraintes ?
Oui ça aide beaucoup, c’est une force. Au quotidien, on se soutient et on se fait progresser mutuellement. On partage la même chose, on a les mêmes ambitions. On va dormir à la même heure, on mange en même temps… Cela peut aussi être un inconvénient dans le sens où nos discussions peuvent parfois tourner uniquement autour de la natation. Mais en globalité, c’est un grand avantage.
D’autres hobbies en dehors de la natation ?
J’aime beaucoup lire et pratiquer le shopping… particulièrement celui des chaussures (rires) !