À 27 ans, Aurélie Muller a décidé de préparer sa reconversion. Depuis septembre, la double championne du monde du 10 km en eau libre suit une formation en diététique à Montpellier. Une double vie qui demande beaucoup de sacrifices, notamment sur le plan sportif… Après quelques mois d’expérience, Aurélie est formelle : être allongée dans les bassins le matin et assise sur les bancs de l’école l’après-midi ne peut pas être une situation durable dans sa carrière de haut-niveau. Entretien.
PAR FLORIANE CANTORO
Extrait du magazine WOMEN SPORTS N°8 d’avril-mai-juin 2018.
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Aurélie, vous avez repris vos études en septembre 2017, à 27 ans. Pourquoi ce choix et pourquoi maintenant ?
Aujourd’hui, je suis plus proche de la fin de ma carrière que du début. Je me suis donnée pour objectif d’aller jusqu’aux JO de Tokyo en 2020. Mais j’aurai déjà 30 ans ! La reconversion ne se fait pas du jour au lendemain, elle se prépare. J’avais envie de prendre une année de recul sur mes entraînements et la compétition pour reprendre mes études. Après les JO de Rio, il fallait d’abord frapper un grand coup pour montrer que ce qu’il s’était passé n’était pas juste. [Ndlr : une disqualification pour avoir gêné une adversaire lui a coûté la médaille d’argent olympique du 10 km, distance sur laquelle elle est parvenue à conserver son titre mondial en 2017]. Cette année, il n’y a « que » les Championnats d’Europe.
Quel était votre bagage scolaire jusque-là ?
J’ai mis entre parenthèses mon cursus scolaire à l’âge de 16 ans (seconde). C’était un moment décisif de ma carrière, je commençais à signer de grosses performances dans le milieu de la natation et ça devenait difficile pour moi de concilier les deux. Ensuite, j’ai passé le Brevet d’État d’éducateur sportif (BE) puis j’ai intégré la Moselle Sport Académie, un dispositif mis en place par le département de la Moselle, qui m’a permis d’obtenir un diplôme universitaire (DU) de « Management d’une carrière de sportif professionnel » en 2014. Par la suite, j’ai laissé un peu de côté le parcours scolaire parce que c’est difficile de tout mener de front, surtout avec Philippe Lucas comme entraîneur (rires) ! J’ai la chance d’être une des rares nageuses professionnelles en France : je suis salariée de mon club de toujours, le Cercle Nautique de Sarreguemines. Je suis payée pour nager, je n’ai pas besoin de faire un travail à côté pour pouvoir subvenir à mes besoins.

Aujourd’hui, comment organisez-vous votre temps entre natation et études ?
Quand je me suis présentée à l’école où je fais mon BTS diététique pour savoir comment on pouvait s’organiser, ma condition était que je puisse m’entraîner au moins une fois par jour. Du coup, je m’entraîne le matin et je vais à l’école les après-midis. Charge à moi de rattraper les cours du matin.
« Le statut de sportif de haut-niveau est régi par des lois… pas toujours mises en pratique »
Vos études n’affectent-elle pas vos performances sportives ?
Si, forcément. Mon niveau a baissé mais je m’y étais préparée. De toute façon, en France, on ne peut pas faire les deux. Du moins pas à 100%, ce n’est pas possible. Ce qui est frustrant pour moi aujourd’hui, c’est que je suis à 50% sur la natation et à 50% dans mes études. Mais c’est comme ça, c’est un choix. L’année prochaine, il faudra que je me remettre vraiment à 100% sur le plan sportif car on sera à deux ans des Jeux et ce sera pour moi la seule chance pour parvenir à me qualifier. Dans mon BTS, il y a une formule en présentiel et une par correspondance. J’essaierai de faire la deuxième et dernière année du BTS à distance et de l’étaler sur deux ou trois ans.
Selon vous, qu’est-ce qui pourrait être amélioré pour permettre aux sportifs de haut-niveau de mieux concilier sport et études ?
Quand je me suis présentée au BTS, l’administration de l’école ne me connaissait pas. Je n’avais pas la casquette « nageuse professionnelle », « championne du monde »… Ça m’allait bien, mais c’est quand même un peu difficile quand les gens ne comprennent pas que vous avez un double projet et que vous avez un métier à côté. Mon école est privée donc si je paye, j’ai accès à la formation. Mais je n’ai eu droit à aucune adaptation. Le statut de sportif de haut-niveau est régi par des lois… mais elles ne sont pas toujours mises en pratique. Il faudrait que ce statut devienne prépondérant, que les interlocuteurs qui nous reçoivent sachent qu’on mène ce double projet.