« Roc », « Et c’est parti », « Parle-moi ». Ces titres vous sont forcément familiers et, rien qu’à la lecture de ces mots, vous êtes sûrement en train de chantonner l’un des tubes de Nâdiya. Mais savez-vous qu’avant cette grande carrière artistique, elle était une sportive de haut niveau ? Rencontre. PROPOS RECUEILLIS PAR VANESSA MAUREL. Extrait du Women Sports N°23.
« Je m’élance de la ligne de départ, comme si c’était un entraînement. Le 400m n’était pas ma distance de prédilection. Mon entraîneur m’a seulement di d’y aller tranquille. Je n’avais pas de pression, j’étais complètement dénuée. Mais j’ai survolé la piste. Comme on dit en athlétisme, j’étais vrai- ment facile. Et à la ligne d’arrivée, je pète le record. » Ce jour-là, Nadia Zighem, plus connue sous son nom de scène Nâdiya, décroche le record départemental du 400 mètres cadette d’Indre-et-Loire (37) en 58 s 66. Un exploit qui reste pour l’heure inégalé. « J’y suis allé sans aucune prétention et c’est sans doute cela qui m’a libérée et m’a conduit à me surpasser sans en avoir pleinement conscience. » Cette sensation, Nâdiya a pu la ressentir à de nombreuses reprises. Car oui, l’activité sportive et le sport de haut niveau ont marqué une grande partie de sa vie.
« J’ai été championne de France du 800 m indoor en 1990. Alors cadette à l’époque, j’ai remporté ces Championnats dans la discipline junior. J’étais à seulement 2 centièmes du record de France UNSS ! Mais quand j’ai gagné, beaucoup disaient que j’avais eu de la chance, qu’il n’y avait pas les plus grandes compétitrices sur la piste.» Il n’en faut pas plus pour motiver la jeune femme. « Je me suis promis d’y retourner l’année suivante et de confirmer ce titre. Chose faite. Mais cette fois-ci, j’ai vraiment tout donné. Un quart d’heure après avoir remporté le titre, j’ai été vomir ! »
Cette détermination à toute épreuve, Nâdiya en a fait une force, sa force.
« Quand j’arrivais sur la piste, certaines concurrentes me disaient qu’elle perdait tous leurs moyens », car au-delà du travail acharné aux entraînements, Nâdiya avait une chose que les autres n’avaient pas forcément : « J’ai toujours été habitée d’une foi profonde. Et très jeune, j’ai compris que la vertu du travail était ma colonne vertébrale ».
Avant d’en arriver là, Nâdiya a dû franchir de nombreux obstacles, à commencer par celui de ses parents. « Je faisais d’abord de la natation, mais ma professeur d’EPS, Jeanine Maieu, m’a repérée. Pour mes parents, la scolarité était la priorité. Alors, quand j’ai voulu faire de la course à pied, des cross par-ci par-là, ils n’étaient pas d’accord. » Sa professeure était déterminée à contourner cet interdit et l’a accompagnée pour faire du soutien scolaire et rassurer ses parents « Madame Maieu m’a inscrite à l’UNSS (Union nationale du sport scolaire, NDLR), pour que je puisse participer aux compétitions au sein même de l’école. » Jusqu’au jour où la professeure l’a prise sous son aile. « Elle est allée voir mes parents et leur a demandé de lui faire confiance. ce qu’ils ont accepté tout en insistant sur sa responsabilité (rires). »
À 12 ans, Nâdiya est donc propulsée dans le monde de l’athlétisme. « La première année où Mme Maieu m’a accompagnée, j’ai commencé à gagner de nombreuses courses, à apparaître dans les journaux locaux, régionaux. Et cette même première année, alors que j’étais capitaine d’équipe, nous avons été sacrées championnes de France sur 4 x 800 m. Jusqu’à l’année de ma 4e, je m’entraînais donc seulement avec l’UNSS. Mais après, tout s’est décanté. »
Le club de Tours, l’un des plus grands de la région, tente de la faire signer. Mais Nâdiya s’engage d’abord avec celui de Joué-lès-Tours. « Après deux ans d’en- traînements ici, j’ai rejoint Tours parce que c’était le processus d’évolution. C’était important de pouvoir m’entraîner en Sport Étude. J’ai adoré cette période. Chaque semaine, on avait des entraînements très rudes. Mais avec mon binôme de l’époque, on était passionné. Et dès qu’on recevait le planning, on se motivait entre nous. On était tellement excitées par ce qui nous attendait qu’on n’en dormait pas. On se préparait psychologiquement à passer des caps d’entraînements en sachant que ce serait dur. »
Un style de vie que de nombreuses per- sonnes n’arrivent pas à comprendre. « Souvent on me dit que c’était un sacrifice de vivre cette vie à 15 ans. Mais ça ne l’était pas. C’était ma passion, le sens pour lequel je me levais le matin. Je n’avais pas de place pour autre chose, et ça m’a servi d’apprentissage. »
Son âme de compétitrice l’incite à s’inscrire à « Graines de Star »
Un apprentissage qu’elle a su mettre à profit lorsqu’elle a embrassé la carrière de chanteuse. «L’athlétisme m’a appris l’esprit de la gagne. » Du jour au lendemain, ou presque, Nâdiya quitte sa province natale pour s’expatrier à Paris. « J’avais besoin d’assouvir mon rêve de devenir chanteuse. » Finis les dortoirs, les entraînements, les performances sur la piste. « On me parlait souvent de l’émission Graines de Star. Mais je ne voulais pas passer à la télé pour passer à la télé. Pour moi, être chanteuse, ça se travaille. Toutefois, le jour où mon amie m’a balancé : « Tu n’es pas capable d’y aller », ça a titillé mon âme de compétitrice ! »
Alors forcément, quand on lui lance un défi… Elle le relève. « Je lui ai répondu : ‘Ok, donne-moi l’adresse de ton casting et je vais y aller’ ». Ce jour-là, Nâdiya perd un peu de sa superbe, mais ne se démonte pas. « Il n’y avait que des chanteurs professionnels au- tour de moi. J’avoue que l’assurance que j’avais durant les courses d’athlé était moins au rendez-vous. Mais j’étais déterminée. » Nâdiya interprète à sa façon un titre de France Gall. « Les résultats étaient censés arriver une semaine plus tard. Mais le soir même je reçois un appel. C’était Thierry Ardis- son en personne, qui m’annonçait que j’étais prise. »
Un grand pas dans l’inconnu qu’elle maîtrise, presque autant que pointes aux pieds. « J’ai aimé ce programme car il y avait une notion de compétition et de partage. J’ai remporté la première émission, puis la seconde lorsque j’ai remis mon titre en jeu. En clair, j’ai passé trois mois à la télé. » Un chamboulement conséquent. « Je ne pouvais plus sortir, plus prendre le métro. Du jour au lendemain, j’étais reconnue dans la rue ! » Un changement qu’il a fallu encaisser. « Si je n’avais pas fait du sport de haut niveau, j’aurais peut-être abandonné car c’était loin d’être facile. » Les productions musicales s’enchaînent, Nâdiya ne s’arrête plus. « Dans une carrière de chanteuse, vous vivez des traversées du désert. À l’époque, certains mes professeurs me disaient que que je n’y arriverais pas, qu’il fallait que j’arrête de rêver. Si je n’avais pas eu le mental construit via l’athlétisme, j’aurais pu baisser les bras bon nombre de fois. »
Sa vie d’athlète de haut niveau ne lui a jamais manqué. « Je savais que c’était le moment. Je sentais simplement qu’il fallait que je passe à autre chose, que j’étais allée au bout du processus dans l’athlé. » Mais le sport n’a jamais été très loin. « Le sport a toujours fait partie de moi. Même aujourd’hui, je cours 10 km par jour, je fais un peu de boxe… C’est très important car mon métier demande beaucoup d’énergie. Si je ne faisais pas de sport, je ne serais pas en phase avec ma voix, derrière mon micro. » D’ailleurs, cette passion, Nâdiya la fait vivre dans ses musiques. « Ça fait partie de mon ADN. Même quand vous écoutez mes chansons ça se sent. Soit vous avez besoin de bouger, soit vous avez besoin de patate ! »
CLIN D’ŒIL À SES RACINES ALGÉRIENNES
Après avoir monté son propre label, N4Z Records, Nâdiya a sorti un nouvel album intitulé « Odyssée », avec son titre phare : Unity. Un titre qu’elle a également enregistré en arabe, en Algérie.
« Pour une fois, je me dis que mes parents vont absolument tout comprendre dans l’une de mes chansons. J’avais l’envie et le besoin de partager quelque chose du début à la fin avec eux ». Une chanson spéciale à son cœur, qui n’a pourtant pas été facile à enregistrer. « C’était dur parce que le réalisateur en Algérie était très pointilleux sur l’accent. J’ai l’arabe maternel mais il ne voulait absolument pas de fautes. » Ce pays lui est d’ailleurs très cher. Issue d’une famille algérienne arrivée en France dans les années 1960, Nâdiya reste attachée à ses racines. « J’ai passé toutes mes vacances d’enfance là-bas. J’y ai des souvenirs légers de chansons, de partage, de dîners à la plage en famille… »
Nâdiya a dû repousser son retour sur scène en raison du coronavirus, mais fera prochainement le show dans les plus grandes salles. « Je n’ai pas encore de date précise à donner, nous a-t-elle confié. Ce sera pour 2022 ! »
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