Hadja Cissé, 29 ans, a un parcours pour le moins atypique. Handballeuse internationale sénégalaise, elle a également été un personnage incontournable de la saison 2020 de Koh- Lanta. Retour sur son histoire et son passage dans la fameuse émission de TF1, présentée par Denis Brogniart. PAR VANESSA MAUREL
Extrait du magazine WOMEN SPORTS N°19 de janvier-février-mars 2021.
WOMEN SPORTS AFRICA : AS-TU TOUJOURS ÉTÉ UNE MORDUE DE SPORT ?
HADJA CISSÉ : Absolument ! J’ai pra- tiqué le football, l’athlétisme, la boxe… j’adore ça. Le handball en revanche m’est tombé dessus par hasard. Lorsque j’avais 13 ans, une amie était amoureuse d’un handballeur et me demandait d’aller avec elle le voir à l’entraînement. J’ai accroché avec le sport, je me suis inscrite !
À QUEL MOMENT EST-CE DEVENU SÉRIEUX POUR TOI ?
J’étais dotée d’un physique plutôt avantageux (1m80 à 13 ans) qui m’a aidée à rapidement faire mes preuves. Je me suis faite repérer par le pôle espoir de Metz seulement 8 mois après mes débuts. J’ai directement accepté de m’expatrier à plus de 300 kilomètres de chez moi pour évoluer dans ce sport, même si ce n’était pas facile. Je suis arrivée en internat sans ma famille, au milieu d’un groupe où toutes les filles se connaissaient déjà. J’ai eu énormément de mal à m’intégrer à l’équipe, je n’avais pas le niveau. Pendant un an, j’ai cravaché pour m’améliorer, je me suis don- née à 100 % même en dehors des entraînements. Tout cet investissement a payé puisqu’au terme de ces 12 mois, j’ai été sélectionnée en équipe de France jeune.
POURQUOI T’ES-TU ENGAGÉE AVEC L’ÉQUIPE DU SÉNÉGAL ?
À 19 ans, le Sénégal m’a contactée en me proposant un rôle très important dans l’équipe A. Ne sachant pas comment j’al- lais être traitée au même niveau en sélection française, j’ai accepté. Beaucoup de personnes ont été surprises par mon choix car l’équipe ne faisait pas partie du top niveau africain, mais j’ai bien fait d’y croire. J’ai contribué à construire cette équipe sur le fond d’un projet sérieux. Aujourd’hui, le Sénégal est une équipe respectée, avec un haut niveau et beaucoup de valeurs. En Afrique, les joueuses ont des qualités irremplaçables, elles sont très athlétiques, n’ont pas peur d’aller au duel. Coupler ces caractéristiques à la formation et l’intelligence du jeu à l’européenne fait la différence au niveau international.
DEPUIS QUAND VOULAIS-TU PARTICIPER À KOH-LANTA ?
J’ai toujours été une grande fan de l’émission que je regarde avec ma fa- mille depuis toute petite. Là c’était une opportunité à saisir. Participer à Koh-Lanta ne peut nous arriver qu’une fois dans notre vie.
COMMENT T’ES-TU RETROUVÉE DANS L’ÉMISSION ?
J’ai souvent lu sur internet qu’il était très compliqué d’y participer. Je me suis inscrite en me disant que je serai peut-être retenue dans les trois, quatre prochaines années. Mes idées étaient claires : j’essaierai d’envoyer ma candidature jusqu’à la fin de ma carrière. À ma grande surprise j’ai été rappelée à mon premier coup d’essai. Je ne m’y attendais pas du tout.
PRATIQUER LE HANDBALL À HAUT NIVEAU EST-IL UN ATOUT À KOH- LANTA ?
Il y a plusieurs façons de voir les choses. On peut en effet dire que c’est un avantage car faire du sport de haut niveau permet d’avoir une bonne condition physique. Mais soyons honnêtes, faire du handball ne m’a pas servi à grand-chose dans l’émission, et c’est ce qui rend ce programme beau : il est accessible à tout le monde ! Il y a régulièrement des épreuves inédites que personne n’a l’habitude de faire. La seule chose pour laquelle avoir fait du handball m’a aidée, c’est pour le mental. En revanche, on m’a souvent reproché de ne pas avoir représenté le handball et plus généralement les sports collectifs. Mais ce n’était pas mon but. Je suis venue sur Koh-Lanta pour me représenter et me challenger personnellement.
COMMENT ON GÈRE LA NOTORIÉTÉ SOUDAINE ?
Quand on passe sur TF1 et particulière- ment dans Koh-Lanta, notre image médiatique change. Mais heureusement pour moi j’ai beaucoup d’autodérision. Depuis la diffusion, j’ai été critiquée sur mon caractère et mon comportement et même parfois sur mon physique.
J’ai beaucoup de recul sur tout ça. Les critiques ne m’atteignent pas (ou rarement), hormis lorsque l’on parle de ma famille. Sur les réseaux sociaux, des internautes se moquent de nous, de moi, mais j’avoue que parfois ça me fait rire. Cependant quand ce sont des commentaires racistes, je dénonce. Maintenant je screene les messages et je les affiche en story.
La transition dans la vraie vie est également perturbante. On ne se rend pas compte de la force de cette émission. Je suis très grande et j’ai l’habitude d’attirer l’attention mais désormais dès que je mets un pied dehors on me reconnaît. Avant je sortais sans aucun style mais maintenant j’essaye de m’habiller correctement car je sais qu’on va m’accoster. Je prévois aussi plus de temps pour mes sorties ! Avant la diffusion, j’allais faire mes courses chez Leclerc j’en avais pour 30 minutes, aujourd’hui c’est minimum une heure ! Je ne rencontre que des personnes sympathiques, qui veulent prendre le temps de parler avec moi pour connaître un bout de mon aventure.
TU AVAIS DÉJÀ L’HABITUDE D’ÊTRE PHOTOGRAPHIÉE ET FILMÉE DANS TON RÔLE DE HANDBALLEUSE, CELA NE T’A PAS TROP CHANGÉ !
C’est vrai, mais ça restait dans le cadre du handball, sur le terrain, à la sortie du vestiaire. Maintenant c’est en pleine rue, au restaurant, partout et surtout par tout le monde ! Tous les âges me reconnaissent, des enfants, des mamies, des parents… C’est une surprise à chaque fois !
EST-IL DIFFICILE DE REPRENDRE UNE VIE « NORMALE » APRÈS LE TOURNAGE ?
C’était assez compliqué notamment au niveau de la nourriture. J’avais toujours envie de manger sans arriver à me raisonner. Mais au fil du temps on se règle. Le plus dur c’est de garder la confidentialité. J’avais vécu tellement de choses fortes à Koh-Lanta, j’avais envie de raconter ce qu’il s’était passé à tout le monde ! Heureusement, on peut partager ces petits secrets avec les autres candidats avec qui on parle régulièrement. Ils sont devenus de véritables amis, on a un lien unique.
QUELLE EST TA RÉACTION QUAND TU TE REGARDES À LA TÉLÉ ?
Je me trouve KO Technique (autrement dit laide). On est filmé sous des angles pas très flatteurs, alors qu’en tant que fille on cherche sans cesse à se montrer sous son
meilleur jour. Sur la plage de Koh-Lanta, on oublie ! On a les fesses mouillées, on est allongé par terre… La survie quoi ! J’ai également trouvé que j’avais des cernes, les cheveux en pagaille. Mais sur le coup on ne pense pas à ça, on a juste une envie, c’est gagner les épreuves.

CP : Laurent VU/ ALP/ TF1
5 questions sur ton avenir Koh-Lanta
Ton plus beau souvenir à Koh- Lanta ?
C’était un moment partagé en off avec Bertrand- Kamal (ndlr, candidat qui est décédé des suites d’un cancer cette année, la saison de Koh-Lanta lui a été dédiée), sur l’épisode numéro 4. On a gagné le confort et une nuit chez l’habitant. Je suis très peureuse concernant les insectes, la nuit etc. Je voulais aller uriner mais je voulais qu’il m’accompagne car il fallait aller dehors. On est tombé sous le charme du ciel totalement étoilé. On s’est allongé pendant 20 minutes sur le sable (alors qu’il y avait des lits à l’intérieur), juste pour contempler. C’était un moment unique, qui venait couronner une magnifique journée où on avait bien mangé et réussi une belle épreuve. On a tissé un lien très fort avec Bertrand, il était comme un 5ème frère pour moi. Je suis toujours proche de sa famille.
Ton plus grand regret ?
C’est de ne pas avoir mangé tout le riz quand j’ai su que j’allais me faire éliminer. Je n’ai pas pu car il y avait toujours quelqu’un à côté de la caisse. Je voulais absolument chiper la casserole quand il y avait personne et aller manger le riz plus loin sur la plage !
Les candidats avec qui tu t’es le mieux entendu ?
Je citerais plus particulièrement Bertrand-Kamal et Joaquina.
A l’inverse, tes plus grandes déceptions ?
Je n’en ai pas réellement. On apprend à connaitre tous les candidats en dehors de l’émission et ils deviennent nos amis. Alix je la détestais et pourtant aujourd’hui c’est l’une des candidates dont je suis la plus proche !
Jusqu’où pensais- tu aller dans l’émission ?
Je voulais gagner, même si je savais que ce serait compliqué avec mon caractère. Mais une chose est sûre, je ne voulais pas y aller juste pour participer.
Ta réaction lors de ton élimination ?
J’avais la rage mais ce n’était pas une surprise. J’avais été informée dans l’après-midi.