Cette semaine se tenaient les Journées de l’arbitrage La Poste, dans le but de mettre en avant le corps arbitral, et ce métier si peu (re)connu. Deux ambassadrices de choix étaient nommées à cette occasion : Camille Ayglon-Saurina, handballeuse française de renom, et Céline Dumerc, légende du basket féminin. Rencontre.
Pourquoi est-ce important pour vous de participer aux journées de l’arbitrage ?

Camille Ayglon : Je considère que c’est un honneur d’être ambassadrice des journées de l’arbitrage et c’est un peu presque une obligation de mettre ce rôle en lumière. Ce rôle important forcément dans mon sport et dans tous les autres. On a besoin des arbitres pour avoir un beau spectacle, et tous ils ont un rôle qui est malheureusement souvent de l’ombre, on ne parle pas d’eux. Ou on dit d’eux qu’ils font un match réussit quand on ne les a pas vus finalement, donc ces journées sont l’occasion de les mettre en valeur, de valoriser leur rôle pas facile et de responsabilité.
Céline Dumerc : C’est vrai que ce rôle d’arbitre n’est pas mis en lumière, ou très peu. Il est aussi méconnu et plutôt décrié, donc le fait de participer aux journées de l’arbitrage, est important. Ça nous permet aussi, en tant qu’anciennes athlètes, de se plier au jeu, d’avoir le sifflet, de prendre les responsabilités, d’être en avant de ce rôle-là. On se rend compte que ce n’est pas évident car il y a des prises de décisions délicates, il ça demande beaucoup de courage de se lancer dans l’arbitrage. On a envie de mettre en lumière ce rôle qui est primordial si on veut être sur les terrains, que ce soit en handball, en rugby, en basket, peu importe. Sans arbitres, les rencontres ne seraient pas jolies jolies (rires). Sérieusement, il faut vraiment qu’on s’en rende compte et dès le plus jeune âge. Si on peut aider à susciter des vocations pour les plus jeunes, avec Camille, on en est très heureuses.
Avez-vous toujours eu une bonne image des arbitres, ou a-t-elle changé avec le temps ?
Céline : Évidemment qu’elle a changé. Ce serait vous mentir de dire que j’ai adoré les arbitres. Non. Par définition, j’ai envie de dire, que les arbitres, on ne les aime pas. De la même manière que les arbitres ne nous aiment pas. C’est du moins souvent ce qu’on dit. Sauf que ces préjugés sont faux. Et c’est pour ça que, selon moi, éduquer les plus jeunes sur ce rôle là, est hyper important. Plus tu es jeune, plus tu es novice, plus on peut t’éduquer à ce sujet. À titre personnel, j’ai évolué avec le temps, en me rendant compte que non, les arbitres n’étaient pas tous mauvais et qu’au contraire ils étaient même plutôt bons. Et je me suis rendue compte de leur importance. Donc oui l’image que j’avais des arbitres a évolué, et dans le bon sens.
Camille : Je dirais aussi que mon regard a évolué au travers de ma carrière, mais aussi de la maturité. Par contre, je peux compter sur les doigts d’une main, et sur toute ma carrière, les fois où je me suis retrouvée dans ce rôle d’arbitre et finalement, même si on connait évidemment les règles de son sport, il y a un côté inconfort, une pression de devoir prendre des décisions. Hier nous étions avec des collégiens, donc ce n’était pas non plus très grave si je ne sifflais pas un marché et pourtant, j’avais la pression… Je pense qu’il y aurait un vrai rôle à jouer en faisant en sorte que tous les pratiquants de sport passent régulièrement sur ces rôles d’arbitrage. Une fois qu’on est dans la peau d’arbitre, je suis persuadée que ça change la mentalité, la manière dont on vie les décisions. Et quand on prend la dimension des difficultés du rôle d’arbitre, on est forcément un peu plus indulgents sur les erreurs qu’ils peuvent commettre. Il y a une vraie piste de réflexion à mener dans ce sens-là, car ce n’est pas encore assez développé dans nos sports.

Le fait de pouvoir parler avec eux, a aussi conditionné le fait que j’ai une bonne image des arbitres au-delà de leur décision, mais aussi d’accepter nos erreurs, d’un côté comme de l’autre. Je pense que cet aspect communication est aussi très important.
Comme vous me l’avez si bien dit, vous avez eu l’occasion de vous mettre dans la peau d’un arbitre, cette semaine, à l’occasion des Journées de l’arbitrage. Est-ce que cela a aussi été une bonne expérience pour vous Céline ?
Céline : Au basket, on a aussi mis des jeunes au sifflet et je les ai trouvés très investis, très contents d’avoir ce rôle-là. Je les soupçonne d’aimer beaucoup le bruit du sifflet (rires) mais au-delà de ça, ils ont pris ce rôle très au sérieux. Après c’est un apprentissage par rapport aux règles, aux règles qu’on a sur le terrain, mais aussi aux règles qu’on peut s’imposer dans la vie, que l’on va découvrir dans la société, ce genre de choses. C’est très formateur. Moi, personnellement, comme l’a dit Camille, j’ai senti un poids différents sur mes épaules dès lors que j’ai pris le sifflet. Une pression supplémentaire parce que tu te prends au jeu et tu sais à quel point les décisions peuvent impacter. Malgré tout, le plus important restait cette semaine de faire découvrir ce métier aux plus jeunes, et j’ai trouvé ça très positif.
Comment pouvons-nous mettre le métier d’arbitre en avant au quotidien ?
Camille : Je pense qu’il faut passer par l’expérience d’arbitrer. On ne peut pas savoir si on va aimer arbitrer ou pas si on ne l’a jamais fait finalement… C’est dur de se projeter. Moi si je fais un focus sur mon parcours, à aucun moment c’est une ouverture que j’ai pu avoir de me tourner vers l’arbitrage, dans ma carrière d’athlète. Et finalement, c’est peut-être ça la première piste, d’avoir un peu cette porte d’entrée vers l’arbitrage, cette découverte. Lors des entraînements c’est toujours le coach qui garde ce rôle-là, et dans les matchs ce sont les arbitres officiels. La passerelle n’est pas évidente pour les athlètes, déjà passionnés dans leur sport. Je pense qu’une des pistes est de faire des piqures de rappel pour tous les licenciés en disant ‘vous êtes passionné de ce sport là, vous pouvez être acteur sur le terrain en tant que joueur, mais il y a aussi être officiel et notamment arbitre’.
Il y a aussi ce rôle model qui existe avec les champions, mais qu’il n’y a pas suffisamment dans le monde de l’arbitrage… Et ça aussi, ça pourrait susciter des vocations.
Céline : Il faut essayer de se mettre en action d’arbitrer dès le plus jeune âge. Comme l’a dit Camille, ce sont souvent les coachs qui deviennent arbitres pendant les séances de jeu. Donc pourquoi pas mettre un sportif, un athlète, avec un sifflet, déjà ça va l’obliger à bien connaître les règles, à comprendre le regard que ses coéquipiers ont envers l’arbitre, et donc lui permet d’avoir aussi un regard différent. Rien ne vaut la mise en pratique pour découvrir.
Je pense que faire témoigner est aussi important. On n’a peu de rencontres avec les arbitres dans les clubs, peu importe le niveau, que ce soit amateur ou professionnel. Des rencontres, des échanges avec des arbitres, c’est hyper important pour qu’ils puissent nous expliquer telles ou telles situations. Nous on a eu la chance d’avoir ça en équipe de France de basket. Des arbitres venaient nous parler des règles ou même des changements de règles quand il y en avaient. Et moi, je me rappelle, il n’y a pas si longtemps que ça (je n’étais déjà plus joueuse internationale) j’ai eu une discussion avec un arbitre qui était très pertinente. Il m’expliquait des choses qu’il pouvait siffler, mais aussi sa perception des gestes qu’on pouvait parfois avoir etc. Je n’avais jamais pensé comme lui. Le fait de l’avoir entendu et écouté, les fois où j’ai joué en club par la suite, je faisais attention à ces détails. Je comprenais ce qu’il m’avait dit, et derrière je me comportais différemment pour le bien du jeu.
Que diriez-vous aux jeunes sportifs et sportives pour les sensibiliser à la question de l’arbitrage ?
Céline : Je leur dirais d’essayer ! Tant qu’on n’a pas essayé on ne peut pas savoir si on va aimer. Personnellement, quand j’ai essayé le basketball pour la première fois, je ne savais pas si j’allais aimer ! Soyez curieux de découvrir tous les intervenants du sport dans lequel vous pratiquez : que ce soit entraîneur, arbitre… Peu importe ! Tous les acteurs qui gravitent autour du terrain de jeu sont tous plus importants les uns que les autres. Et le rôle d’arbitre est primordial.
Camille : Pour compléter ce que vient de dire Céline, même si vous ne vous trouvez pas une passion pour l’arbitrage, vous serez de meilleurs joueurs et même citoyens, dans le respect des règles. Vous aurez forcément appréhendé la difficulté du rôle d’arbitre, et ce sera forcément que mieux pour le jeu, pour l’atmosphère etc.