Sur une planche de sauvetage côtier, 6 anciennes sportives de haut niveau vont traverser le Pacifique, pour relier le Pérou à la Polynésie française, dans un défi Cap Optimist, au profit des enfants qui combattent le cancer, à partir du 4 janvier. Alexandra Lux, 37 ans, fait partie de l’aventure. La championne du monde 2010 en sauvetage sportif s’est confiée dans une interview pour Women Sports.
Women Sports – Comment avez-vous été approchée pour ce challenge ?
Alexandra Lux – L’histoire remonte à mon adolescence. Ma mère m’a inscrite au sauvetage par punition. J’ai perdu mon père assez jeune, et à l’adolescence, j’ai commencé à fumer des cigarettes. Évidemment, ça n’a pas plu à ma mère. Pour m’occuper l’été, ma mère m’a inscrite à un stage côtier, à Hossegor, et c’est comme ça que j’ai rencontré Stéphanie Barneix, qui était ma coach. Lorsqu’elle a lancé le club de Capbreton, je l’ai suivie. On s’entendait extrêmement bien, et elle m’a demandé comme ça de partir sur une première aventure. Et depuis, on continue.
Avez-vous tout de suite accepté ?
Le Pacifique, c’est peut-être l’aventure sur laquelle j’ai le plus hésité. Je suis maman d’une petite fille de 5 ans, donc c’est un peu la culpabilité de la maman. En fin de compte je me suis dit que j’avais envie de vivre une aventure comme celle-ci, mais aussi de la partager avec ma fille, de lui montrer qu’on peut faire plein de choses quand on est une femme. Alors je me suis très vite raisonnée en me disant que j’avais envie de vivre cette traversée.
Vous partez pendant trois mois, comment appréhendez-vous la séparation avec votre famille ?
C’est l’un des points essentiels sur lesquels on a travaillé avec les préparateurs mentaux. On a travaillé sur la séparation, sur la distance, sur le fait de déculpabiliser. On a des super papas et de super familles qui nous accompagnent et qui vont être extrêmement présents durant notre absence. On a aussi travaillé sur les communications satellites, on va pouvoir envoyer des mails quasiment tous les jours, même si ce n’est pas du téléphone on pourra avoir des nouvelles tous les jours. On aura également droit à 5mn de télécommunication par mois chacune. On a trouvé des solutions techniques pour garder le liens avec les familles.
De mon côté, j’ai préparé un petit calendrier à ma fille de 90 jours, où elle va cocher les jours, tirer au sort des petits mots que je lui ai préparés, des photos…
Comment vous y êtes vous préparée ?
Physiquement, on a toutes un passif de sportive de haut niveau, on s’entraînait deux fois par jour. Là on a levé le pied sur les entraînements d’une intensité « très forte », car l’objectif est « juste » de terminer notre aventure, il n’y a pas de questions de chronos ou autres. On a le CERS (Centre Européen de Rééducation du Sportif) à Capbreton qui nous aide via des entraînements collectifs avec un préparateur physique. On a également vu une ergothérapeute pour mettre en place des routines au niveau des épaules et du dos pour la prévention des blessures Enfin, on a pu profiter des conseils de la diététicienne du CERS pour essayer de s’organiser, et prévoir des repas assez équilibrés.
Parler nous des repas, comment allez-vous vous organiser ?
Ça nous a demandé une grosse préparation logistique ! On a un super partenaire qui s’occupe de tout ce qui est « caterings ». Ils vont nous fournir avec les produits locaux péruviens et tout ce dont on a besoin. On leur a fait une liste, on va avoir trois semaines de menus qui vont se répéter 4 fois. Pour la viande et le frais c’est plus compliqué. On est à 70 kg de poulet pour les 90 jours. C’est assez colossal. Mais on n’a pas le congélo, donc on est en train de voir avec eux pour qu’ils nous fournissent en lyophilisé. Ça ne nécessite pas d’être au frigo etc, mais ça garde les bienfaits nutritionnels. On va se prendre entre 15 tous à trois semaines de frais (légumes, fruits etc) et après on passera à des conserves, ou du lyophilisé.
Quelles sont les difficultés d’une telle traversée ?
Il y en a plusieurs. La première est de trouver le budget dans la préparation, trouver des partenaires qui croient en nous et qui veulent bien nous soutenir en nous aidant soit financièrement soit en nous fournissant du matériel. C’est une grosse étape.
Ensuite sur le temps de rame, ça va être, lorsqu’on va se rapprocher des eaux polynésiennes, l’exposition au soleil. On a eu la chance de travailler sur un prototype de combinaisons en lycra, matière anti-UV avec notre partenaire Roxy, qui a créé pour nous une combinaison intégrale pour être protégées. Ils vont également nous fournir en bob. On a également notre partenaire qui va nous fournir des lunettes de soleil parce que avec la réverbération sur l’eau, il faut qu’on fasse extrêmement attention à nos yeux.
Autre risque que l’on a, c’est la faune marine. La première mission des membres de l’équipage va être de nous surveiller, et notamment surveiller les alentours de l’eau, voir s’ils aperçoivent quelque chose. Ensuite on a un répulsif à requin sous notre planche. C’est une électrode qui va émettre des ondes. Si le requin s’approche de trop près, en principe, ça doit le repousser.
Après il y a la rame de nuit. Ramer durant la nuit est extrêmement difficile. On va se mettre 4 fois à l’eau chacune par jour, ce qui fera deux relais de jours, deux relais de nuit. Et la nuit, comme on n’a plus de visibilité, le corps ne comprend pas forcément, et on a tendance à être malade. Ça peut nous redonner le mal de mer et donc être nauséeuses. Ça peut avoir des conséquences négatives si on n’a pas faim et qu’on fait plusieurs relais sans manger, car on fait de grosses dépenses énergétiques. Et puis c’est anxiogène de ramer de nuit. On a toujours le cerveau qui commence à se faire ses histoires. Donc on rame près du bateau, on aura aussi un projecteur au-dessus de l’embarcation pour essayer d’atténuer le mal de mer. Et les membres de l’équipage seront toujours présents pour discuter avec nous et nous faire penser à autre chose.
Quel est l’objectif ?
L’objectif va être d’atteindre Moorea. On se donne 90 jours, j’espère que le final sera plutôt 80. Plus vite on arrive, plus vite on retrouve nos familles. Et forcément, l’objectif est d’établir ce nouveau record, car il s’agira de la plus longue distance parcourue en paddle board. J’espère qu’on va réaliser ce défi et permettre à l’association de pouvoir aider un maximum d’enfants.