Président de la Fédération française de handball (FFHB) depuis 2020, Philippe Bana était auparavant directeur technique national de l’instance depuis 1999. Cette année-là, l’équipe de France féminine a disputé la première finale de championnat du monde de son histoire. Depuis, elle a tout gagné ! Retour sur 20 ans de succès et sur ce qui reste à accomplir pour atteindre l’égalité. PROPOS RECUEILLIS PAR DAVID TOMASZEK. Extrait du WOMEN SPORTS N°27.
WOMEN SPORTS : L’ÉQUIPE DE FRANCE FÉMININE A DÛ SE CONTENTER D’UNE FRUSTRANTE 4E PLACE AU DERNIER EURO. MAIS DEPUIS 20 ANS, ELLE A TOUT GAGNÉ : CHAMPIONNE DU MONDE EN 2003 ET 2017, CHAMPIONNE D’EUROPE EN 2018, CHAMPIONNE OLYMPIQUE EN 2021. QUEL EST LE SECRET DE CETTE RÉUSSITE ?
PHILIPPE BANA : En 1997, la France était la 30e nation mondiale du hand- ball féminin. On a réalisé que la femme était l’avenir du handball. Lorsque j’ai pris mes fonctions de DTN en 1999, on a reconstruit l’identité et l’image féminine. Cette image était floue. La génération qui a atteint la finale du Mondial 1999 a été la première à participer à des Jeux Olympiques, à Sydney en 2000. C’était une génération de sportives engagées, à l’image très saine. Elles ont d’ailleurs eu, au fil des années, plusieurs surnoms, notamment celui de « Femmes de défi ». Elles ont porté ces valeurs qui sont celles du handball, un sport qui vient de l’école, aux valeurs éducatives fortes. Des handballeuses très impliquées comme Valérie Nicolas ou Nodjialem Myaro, qui est de- venue présidente de la Ligue féminine de handball, ont inspiré les générations suivantes. La parité des moyens a fait le reste : l’usine à champions qui était déjà en place pour le handball masculin a été dupliquée pour porter l’équipe de France féminine au plus haut niveau.
QUELS SONT LES POINTS COMMUNS AVEC LE HANDBALL MASCULIN ET À L’INVERSE LES ÉLÉMENTS DE SINGULARITÉ DU HANDBALL FÉMININ ?
Clairement, on ne pouvait pas « copier-coller » les recettes du handball masculin au handball féminin, hormis pour le haut niveau, où les pôles espoirs disséminés en France métropolitaine mais aussi dans le monde entier (Nouméa, Mayotte, Réunion, Guadeloupe…) forment les champions et championnes de demain. Il y avait des facteurs d’abandon de la pratique à l’adolescence, distincts selon le sexe. On a donc identifié que l’image de la femme handballeuse, très engagée sur les questions sociales, était un facteur de mobilisation pour les jeunes filles. Nous avons des championnes olympiques proches des gens. Les jeunes handballeuses s’identifient à ces modèles. Aujourd’hui, le ratio parmi nos licenciés est de 60 % d’hommes pour 40 % de féminines. C’est très supérieur au football, par exemple.
UN HOMME INCARNE LA QUESTION DE LA MIXITÉ : OLIVIER KRUMBHOLZ, L’ENTRAÎNEUR EMBLÉMATIQUE DES BLEUES. EXISTE-T-IL UN SECRET POUR OPTIMISER LA COLLABORATION FEMMES / HOMMES ?
L’histoire d’Olivier Krumbholz est intéressante du point de vue général de la relation entre les femmes et les hommes dans le sport de haut niveau. Il avait dès le départ une culture du hand féminin : il était marié à une handballeuse et avait entraîné des filles en club. Mais il a su s’adapter aux femmes. Au fil des années, il est passé d’un management « militaire » à un management collaboratif. Il a d’ailleurs été sorti en 2013 car il y avait une petite panne de résultats. Mais après son retour, à partir de 2016, il a fortement impliqué les joueuses et les résultats ont explosé.
LE HANDBALL FRANÇAIS EST UN MODÈLE DE PARITÉ DANS LES INSTANCES DIRIGEANTES. D’OÙ VIENT CETTE LONGUEUR D’AVANCE PAR RAPPORT À D’AUTRES FÉDÉRATIONS, QUI VONT DEVOIR FAIRE DES EFFORTS POUR SE CONFORMER À LA LOI ?
Il est vrai que la parité dans nos instances dirigeantes est un principe auquel on veille comme à la prunelle de nos yeux. Nous avons anticipé de 8 ans cette parité qui devient aujourd’hui une obligation légale. Nous avons probablement eu la chance d’avoir des dirigeantes inspirantes, comme Béatrice Barbusse ou Pascale Jeannin. Des taulières, installées très tôt à des postes de responsabilité dans les instances du handball français, qui disposent d’une longue et solide expérience. Il faut du temps pour former des dirigeants, qu’ils soient hommes ou femmes.
QUE RESTE-T-IL À ACCOMPLIR POUR RÉDUIRE VOIRE ABOLIR L’ÉCART ENTRE LES FEMMES ET LES HOMMES DANS LE HANDBALL FRANÇAIS ?
Tout n’est pas parfait. L’écart de salaire est encore de 1 à 3 entre les championnats de France masculin et féminin. Mais avec la Ligue féminine de handball, on a créé un « monde pour elles » qui va progressivement trouver son propre éco-système. Les valeurs d’engage- ment sociétal incarnées par les handballeuses sauront trouver un écho dans les sphères économiques. Sur le plan des moyens de diffusion, le contrat offert par beIN Sports à la Ligue féminine est désormais le même que celui du championnat de France masculin. Sur les grands événements, les audiences des équipes de France masculine et féminine sont tout à fait comparables. On tend clairement vers la parité sur tous les plans. C’est un objectif que l’on peut se fixer à l’horizon 2024.