Âgée de 29 ans en 2018, Pauline Déroulède a connu un drame, celui d’avoir été fauchée par un automobiliste alors qu’elle roulait en scooter. Un accident malheureux qui lui a valu plusieurs opérations à la jambe, avant d’être finalement amputée. L’ancienne coach de tennis a aujourd’hui un objectif qui l’anime au quotidien : participer aux Jeux Paralympiques de tennis de 2024 à Paris, dans sa ville. Pour la Francilienne, c’est un nouveau départ et une nouvelle vie qui s’offrent à elle. Déjà championne de France, la jeune femme est revenue sur son histoire, son parcours au para-tennis et son message en tant que figure du handisport. PROPOS RECUEILLIS PAR LES ÉQUIPES D’EUROSPORT. RETRANSCRIPTION JIMMY ABOU AKL. Extrait du WOMEN SPORTS N°25.
POUVEZ-VOUS NOUS RACONTER VOTRE HISTOIRE ?
C’est vrai que mon histoire est assez atypique. Je suis passée d’une vie ordinaire à une vie plus extraordinaire. Il y a trois ans, j’ai été fauchée par un véhicule et j’ai perdu l’usage de ma jambe gauche. Quelques heures après mon accident, lorsque j’étais en salle de réveil, je m’étais promis, ainsi qu’à mes proches, que je disputerai les Jeux Paralympiques à Paris en 2024. Il me fallait un objectif suffisamment ambitieux pour pouvoir avoir la force de me relever. Quelques mois plus tard, après l’hôpital, la rééducation et la reprise de la marche avec prothèse, j’avais enclenché le processus pour suivre cet objectif. Le tennis-fauteuil est apparu vite comme une évidence car je jouais déjà au tennis. Il fallait juste que je me débloque psychologiquement. J’ai finalement réussi à vivre la vie dont je rêvais étant petite, avec une jambe en moins. Aujourd’hui je suis championne de France. Il y avait énormément d’émotions le jour où j’ai décroché ce titre, je me refaisais le film du chemin parcouru. C’est dans ces moments-là qu’on se dit qu’on est content d’être en vie et qu’on a choisi le bon sport. Je n’attends que d’être à Paris en 2024 pour avoir du public et vivre des grandes émotions. Je suis déterminée.
ÉTAIT-CE UN RÊVE D’ENFANCE DE DEVENIR CHAMPIONNE ?
Quand j’étais jeune, je voulais être sportive de haut niveau et le tennis a toujours été mon sport principal. Cette recherche de l’intensité et de l’effort m’a toujours plu. Et puis, la vie a fait que j’ai pris un autre chemin, notamment celui de la télévision. Mais le sport a quand même gardé une grande place dans ma vie, j’en faisais encore beaucoup. Donc j’avais abandonné ce rêve mais j’étais très heureuse dans ma vie. Et l’ironie du sort a fait que je l’ai réalisé aujourd’hui, avec un handicap. Ma volonté depuis cet accident était de transformer ce drame en quelque chose de positif. Le sport m’a sauvé et m’a permis de rebondir.
UN ATHLÈTE PARALYMPIQUE OU UN SPORTIF EN PARTICULIER VOUS ONT-ILS INSPIRÉE DANS CE RÊVE DE PARIS 2024 ?
Mes stars étaient Justine Henin, Amélie Mauresmo, Mary Pierce. Mais c’est vrai qu’après cet accident j’avais be- soin d’un modèle : Stéphane Houdet m’a permis de changer de regard sur le tennis-fauteuil. A cette époque, il m’a dit « Je me mets dans le fauteuil pour jouer au tennis, et je repars debout ». C’était tout bête mais j’avais besoin d’entendre que ça ne me dispenserait pas d’être debout dans la vie. Donc, à ce moment, j’ai compris que je pouvais combiner les deux, et qu’il fallait que je fonce. Stéphane m’a beaucoup accompagnée sur ce parcours, et aujourd’hui c’est un parrain, un grand frère, et je rêverais d’avoir la même carrière que lui.
VOUS SENTEZ-VOUS DÉSORMAIS À VOTRE TOUR COMME UN MODÈLE ?
J’ai du mal à concevoir que je suis un modèle car je suis encore en train d’apprendre chaque jour. Mais si je peux aider, ne serait-ce qu’une personne, à lui faire comprendre qu’on peut se relever et que le sport est le meilleur outil de reconstruction, je le fais avec grand plaisir. On porte un rôle de transmetteur, en tant que sportifs de haut niveau. Il faut changer le regard sur le handicap, et le sport fait ça merveilleusement bien.
VOUS ÊTES TRÈS ACTIVE SUR INSTAGRAM POUR PARTAGER VOTRE HISTOIRE AVEC VOTRE COMMUNAUTÉ. QUEL EST VOTRE LIEN AVEC ELLE ?
Je me suis toujours efforcée de montrer l’envers du décor. On n’est pas des super-héros. Ce n’est pas parce qu’on s’est relevé que tout va bien. Je n’ai jamais rien caché et lorsqu’il y a des moments difficiles, je les partage. Cela rend les moments extraordinaires, que je partage aussi, encore plus forts.
CETTE PHRASE « LA VIE DONNE SES PLUS DURS COMBATS À SES PLUS SOLIDES SOLDATS » RÉSONNE BEAUCOUP SUR VOTRE INSTAGRAM, QUE SIGNIFIE-T-ELLE ?
C’est ma phrase, ça ! Elle symbolise ma philosophie de vie depuis cet accident, et me permet d’accepter les épreuves qu’il faudra affronter. Il se trouve que j’ai été soignée à l’hôpital militaire, et j’ai toujours eu une grande admiration pour les militaires, qui sont également de grands sportifs. Je pense être aussi un petit soldat, plus modestement, qui obéit aux ordres quand il faut et qui tient l’intensité. Car on a des ressources inimaginables, c’est aussi quelque chose que j’ai appris.
QUEL MESSAGE POUVEZ-VOUS TRANSMETTRE AUX JEUNES EN SITUATION DE HANDICAP QUI RÊVENT D’ÊTRE SPORTIFS DE HAUT NIVEAU ?
Je leur dirais d’accepter les moments durs. La vie n’est pas un long fleuve tranquille. Mais si on aime ce qu’on fait et qu’on est bien entouré, on finit toujours par s’en sortir. Il ne faut rien lâcher. C’est assez banal de le dire, mais c’est tellement vrai et c’est le message le plus im- portant que je pourrais livrer. Comme on dit, le calme après la tempête.
EST CE QU’IL Y A EU UN CONSEIL QUI VOUS A MARQUÉ ?
Le lendemain de mon accident j’étais en grande détresse, et un colonel est venu me voir. C’est lui qui m’a dit que j’étais un jeune soldat, et que tous mes projets ne seraient que reportés. C’est vrai que cette phrase est restée dans ma tête, surtout lors des moments durs. Désormais, je me dis que j’accepte, et je sais que ça va tourner. Parce que la flamme reste en nous. Il suffit juste de la rallumer. Tant qu’il y a de la vie, il y a de l’espoir !
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