La guerre est déclarée entre la capitaine des Bleues et la sélectionneure de l’Équipe de France, Corinne Diacre. Amandine Henry s’est lâchée dans un entretien accordé à Canal + pour l’émission Canal Football Club (CFC). Elle brise le silence et revient sur sa non sélection en bleu, livre ses états d’âmes sans langue de bois. Extraits.
Canal Football Club : Pourquoi choisir de parler maintenant, alors que ta non sélection date de mi-octobre?
Amandine Henry : C’est toujours bien de réfléchir et de ne jamais réagir à chaud. J’étais un peu choquée aussi, il fallait que je me remette en question, que j’essaie de comprendre. Et il y avait aussi une qualification pour l’Euro, ce n’était pas le bon timing. Je me suis dit qu’il ne fallait pas que je sois égoïste. (…)
CFC : Corinne Diacre a évoqué un choix sportif, le temps que tu reviennes à ton meilleur niveau, pour justifier ta non sélection…
AH : Oui, c’est la coach, elle fait des choix, c’est normal. Quand elle m’a appelée, l’appel a duré 15 secondes. Je m’en souviendrai toute ma vie. (…) Elle m’a dit « Amandine, la liste sort demain, tu n’y sera pas par rapport à tes performances actuelles ». Je reste sans voix deux secondes. Je lui ai dit « ok ». « Bon match », « Au revoir ». C’est tout. Si c’est un choix sportif, tu essaies de remobiliser ta joueuse, tu lui dis « t’inquiètes pas, ça va aller, tu vas revenir à ton meilleur niveau ». Mais là, cette discussion restera gravée dans mon coeur. Ca m’a fait mal, j’ai été vraiment touchée. En plus, sportivement, je me sentais super bien. (…) J’aurais pu accepter d’être remplaçante, c’est la coach, elle fait ses choix, mais je pense que c’est au-delà du sportif.
CFC : Quel est le problème, dans ce cas ?
AH : Je pense que ça s’est passé la semaine où le Président Le Graët est venu nous remettre une médaille à Lyon, pour la Ligue des Champions. Ça faisait un moment que j’avais des retours de toutes les filles, de Lyon ou d’autres clubs, assez pesants et négatifs. On s’est dit que sa venue était une aubaine, on s’est dit que c’était le moment ou jamais. On voulait vraiment parler entre quatre yeux, et se dire en toute franchise les choses qui n’allaient pas. Je pense que la coach en a eu écho, que le Président lui a passé un coup de fil après, ce qu’elle a mal perçu. Je pense que le problème vient de là.
CFC : Tu penses avoir été sanctionnée en réponse à cet entretien avec le Président de la fédération ?
AH : Oui, d’autant que ce n’est pas la première fois. Après la Coupe du monde, la coach a voulu faire des entretiens individuels, et c’est normal. A mon entretien, je lui avais dit que depuis que j’ai des crampons, je veux être en équipe de France, je veux jouer une coupe du monde dans mon pays. Et je ne pouvais pas dire que je l’avais vécu à 100% au niveau épanouissement. S’arrêter en quart, dans ton pays, tu dois faire mieux que ça. Humainement, je voyais des filles pleurer dans leur chambre, moi personnellement il m’est arrivé de pleurer dans ma chambre, car j’avais envie de vivre cette coupe du monde mais c’était un chaos total.
CFC : Qu’est ce qui a créé ce chaos total ?
AH : C’était l’atmosphère, le management, l’ambiance générale qu’il y avait. La confiance est la base de toute relation, et encore plus dans le sport. Si demain on te dit « ok, tente mais si tu te loupes, attention », ce n’est pas facile. Tu te dis « est ce que je prends mes responsabilités ? Est-ce que je reste en retrait? », et ça se traduit sur le terrain. Tu te dis à tout moment que tu peux partir, alors tu te tais. Ce n’est pas beau à dire mais lorsque la sélection approche, et que tu vois ton nom sur la liste, il y a deux sentiments qui se mêlent, il y a la joie et il y a la crainte.
« Je sais que je prends un risque. Mais si je ne le fais pas moi, qui va le faire ? »
Amandine henry
CFC : Amel Majri ou Wendie Renard ont réagi suite a ta non sélection… Les filles sont derrière toi ou simplement les lyonnaises ?
AH : Quand j’ai vu les filles réagir comme ça, je me suis dit que c’était fort. (…) J’ai entendu beaucoup de fois « les lyonnaises contre l’équipe de France, contre la coach », mais il n’y a rien de tout ça. Je sais que certaines filles n’osent pas parler. Il y a de la crainte, elles se disent que nous, les lyonnaises, on peut y aller car on a tout gagné. (…) C’est le ressenti de la majorité de l’équipe.
CFC : La relation de confiance est rompue entre les joueuses et Corinne Diacre ?
AH : Malheureusement oui.
CFC : Qu’auriez-vous pu faire ?
AH : Peut être encore plus parler avec la coach. Et pourtant on a essayé, mais peut-être pas assez puisqu’on n’a pas réussi. Je me remets en question aussi, je me dis que je n’ai pas tout fait puisque je n’ai pas gagné. Mais là, on a en quelques années un Euro, un mondial, des JO en France. C’est maintenant qu’il faut régler les problèmes, pas dans trois ans. (…) Il faut je pense tout remettre à plat. J’aimerais qu’on se réunisse tous autour d’une table, Président, staff, toutes les joueuses, qu’on mette tout à plat et qu’on aille gagner ce titre. Qu’on parle foot, qu’on parle terrain, victoire, ambition.
CFC : Tu t’imagines ne plus jamais revêtir le maillot de l’équipe de France après une telle prise de parole ?
AH : Je sais que je prends un risque. Mais si je ne le fais pas moi, qui va le faire ? Je ne pourrais pas me regarder dans un miroir. La France se doit de gagner un titre avec les qualités que l’on a. C’est une génération en or, on se doit d’aller au bout. Ça peut me mettre en danger, mais si ça peut aider l’équipe de France je le fais.