Du 29 novembre au 16 décembre, la France accueillera la 13e édition du Championnat d’Europe de handball féminin. L’occasion pour nos Bleues, championnes du monde en titre, de briller à domicile. Allison Pineau, demi-centre et cadre de l’équipe de France, nous dévoile les ambitions des «Femmes de Défis» pour cette compétition.
Focus sur l’Euro féminin de handball, du 29 novembre au 16 décembre 2018 en France (Brest, Montbéliard, Nancy, Nantes et Paris) – @ EHF EURO 2018
Propos recueillis par Floriane Cantoro
Extrait du magazine WOMEN SPORTS N.10 d’octobre-novembre-décembre 2018

WOMEN SPORTS : Allison, l’Euro 2018 sera la deuxième compétition en équipe nationale que vous disputerez à domicile au cours de votre carrière. Quel sentiment cela vous procure-t-il ?
Allison Pineau : C’est spécial pour moi cet Euro 2018. Je n’avais que 17 ans lors du Mondial 2007 en France, c’était ma toute première compétition internationale. J’étais impressionnée et je me demandais si j’aurais un jour l’occasion de revivre une telle expérience dans ma carrière. Aujourd’hui, je me sens privilégiée de pouvoir vivre une deuxième compétition majeure à domicile et le privilège sera d’autant plus grand s’il y a le titre au bout.
WS : La France, pays organisateur et championne du monde en titre, est la grande favorite de cette compétition.
Allison Pineau : C’est la première fois qu’on tient ce rôle. Je pense qu’il va falloir se blinder parce qu’automatiquement, il va y avoir beaucoup de pression et beaucoup d’attentes. Surtout que l’Euro ne nous a pas toujours souri et qu’on sera l’équipe à abattre… Globalement, on abordera la compétition de la même manière que toutes les autres. Mais il y aura forcément des petites choses à rajouter pour pouvoir gérer l’environnement autour de nous, qui pourrait devenir très lourd si les choses ne se déroulent pas comme prévu.
WS : Le titre de championne du monde acquis l’hiver dernier a-t-il eu une influence sur la préparation et l’état d’esprit du groupe ?
Allison Pineau : La victoire au mondial est une nouvelle ligne ajoutée au palmarès de l’équipe de France qui attendait ça depuis 2003. Ça faisait longtemps donc, forcément, ça fait du bien ! Mais en réalité, le changement s’était opéré en 2016 après notre médaille d’argent aux Jeux olympiques de Rio. Ce podium nous a permis de briser un complexe qu’on avait depuis huit ans de buter en quart de finale des JO [ndlr, en 2008 à Pékin puis de nouveau en 2012 à Londres]. Il y a eu un déclic psychologique. Depuis, on est sur une même dynamique, que le titre mondial est venu récompenser et illuminer juste avant l’Euro.
« On a la meilleure défense au monde »
WS : Selon vous, quelles sont les autres nations favorites aux côtés de la France ?
Allison Pineau : Il faudra évidement compter sur la Norvège [ndlr, tenante du titre et sept fois championne d’Europe], mais également les Pays-Bas qui rallient le dernier carré presque systématiquement depuis quelques années. Il y aura aussi la Russie, un adversaire coriace, dont l’équipe, qui a connu un profond renouvellement en 2016, est maintenant fin prête à l’approche des JO 2020. Je pense aussi à la Suède qui aura un rôle d’outsider, ainsi qu’à la Roumanie qui pourrait venir jouer les trouble-fêtes. Mais le Championnat d’Europe est une compétition tellement complexe qu’il peut bien sûr y avoir des surprises !

WS : La France est dans le groupe B avec la Russie justement, mais également la Slovénie et le Monténégro. Quelle sera la difficulté de ces premiers matchs ?
Allison Pineau : On est dans l’une des poules les plus difficiles avec des nations expérimentées. La difficulté va être d’être prêtes et fortes dès le départ. On ne peut pas être en mode «diesel». Cela va être notre plus grand challenge car nous sommes plutôt une équipe qui a tendance à trouver son rythme de croisière après le troisième ou le quatrième match. Si on n’est pas tout de suite dedans, on pourrait rapidement se trouver en 3e position avec 0 point après les matchs de poule. Auquel cas, les chances de rallier le dernier carré seraient vraiment très minces.
« On aimerait que le handball passe un autre cap »
WS : Quelles sont les principales qualités de l’équipe de France ?
Allison Pineau : À l’heure actuelle, on a la meilleure défense au monde. Ce n’est même plus à démontrer. C’est une marque de fabrique, cela fait partie de notre identité. Tout comme le fait d’avoir une équipe qui regorge de qualités physiques, ce qui n’est pas toujours facile à maîtriser. On a des filles avec un profil très physique et des joueuses avec un certain atypisme. Nous formons un groupe assez hétérogène.
WS : Le Comité d’organisation de l’Euro évoque une «génération handballissime». Quelle est-elle ? Quel public souhaitez-vous toucher avec cet événement ?
Allison Pineau : Étant donné que tous les matchs de handball ne sont pas retransmis à la télévision, il y a forcément cette envie de toucher un nouveau public qui ne connaît pas le sport et qui va le découvrir pour la première fois. Un public sans doute moins handballistique que d’habitude. Je pense notamment à tous ces gens qui nous ont suivies lors de la diffusion en clair des matchs du Mondial 2017 en Allemagne. Ce sont des gens qu’on ne touche pas au quotidien et qu’on aimerait rallier à notre cause, si je puis dire.
« Nos matchs offrent en général des scénarios assez cardiaques ! »
WS : Organiser un Championnat d’Europe en France est une belle vitrine pour le handball français, mais aussi pour le handball féminin. Que peut-on attendre d’un tel événement ?
Allison Pineau : On aimerait que le handball passe un autre cap. On a bien avancé depuis 10 ans mais on est encore très loin du potentiel que ce sport peut offrir. Avec cet Euro, on se sent aussi un peu précurseur des autres compétitions féminines qui vont avoir lieu en France dans les années à venir, notamment la Coupe du monde de football l’été prochain. L’Euro 2018 va mettre un coup de projecteur sur le handball féminin, mais également sur tout le sport au féminin dans son ensemble. C’est important pour passer à la vitesse supérieure et faire découvrir ce que les filles peuvent véhiculer et offrir de différent des garçons. Donner envie aux gens de nous suivre et aux entreprises d’investir. Il y a forcément un potentiel dans le sport au féminin, il faut l’exploiter.
WS : Un dernier mot pour convaincre nos lecteurs/lectrices de venir supporter les Bleues pendant l’Euro ?
Allison Pineau : On est une équipe qui produit et donne beaucoup d’émotions. Nos matchs sont souvent très serrés et offrent des scénarios assez… cardiaques ! Venez partager ces moments forts avec nous.
Palmarès de l’équipe de France :
-Championne du monde 2003 et 2017
-Vice-championne olympique 2016 (Rio)
-Vice-championne du monde 1999, 2009 et 2011
-Médaille de bronze à l’Euro 2002, 2006 et 2016
La biographie d’Allison Pineau
Allison Pineau est née le 2 mai 1989 à Chartres (28). Avant de jouer au handball, elle pratique plusieurs sports, notamment la danse classique. C’est en accompagnant son frère lors de stages sportifs pendant les vacances scolaires que ses aptitudes sont remarquées par un handballeur. À la rentrée, elle s’inscrit au club d’Aubervilliers de 2001 à 2003. À cette époque, l’objectif de faire du handball son métier se dessine. Mais Allison n’abandonne pas pour autant les autres sports et compte d’ailleurs à son actif un titre de championne de France UNSS de tennis de table au début des années collège. Elle intègre ensuite le pôle Espoirs et joue à Villemomble de 2003 à 2006, puis à Issy-les-Moulineaux jusqu’en 2009. Ses prouesses sont repérées par Olivier Krumbholz, sélectionneur de l’équipe de France, et elle honore sa première sélection avec l’équipe A le 27 février 2007, alors qu’elle n’a pas encore 18 ans ! La même année, elle dispute son premier Mondial en France. Puis suivent les Jeux olympiques de Pékin en 2008 et le Mondial 2009 en Chine où l’équipe de France termine à une frustrante 2e place, battue par la Russie. La même année, Allison Pineau reçoit le prix de la «Meilleure joueuse du monde», décerné par la Fédération internationale de handball. Côté club, elle rejoint les rangs de Metz, patron du handball français féminin, pour trois saisons (2009-2012) qui seront couronnées par un titre de championne de France, une Coupe de France et deux Coupes de la Ligue, puis s’en va parfaire ses gammes à l’étranger. En Roumanie d’abord, où elle devient championne nationale avec Valcea en 2013, puis en Macédoine où elle évolue au Vardar Skopje, entourée de ses coéquipières en équipe de France Siraba Dembélé et Amandine Leynaud. Avec ce club, l’un des meilleurs en Europe, elle atteint le Final Four de la Ligue des Champions pour la première fois de sa carrière. Après un bref retour en Roumanie (2015-2016), Allison Pineau retrouve le championnat français en 2016 sous les couleurs du Brest Bretagne Handball, fraîchement promu en première division. Avec ce club, elle est déjà double vice-championne de France (2017 et 2018) et s’est engagée jusqu’en 2021. Avec les «Femmes de Défis», Allison Pineau a été sacrée championne du monde l’année dernière en Allemagne, un an et demi après la médaille d’argent des Bleues aux Jeux de Rio.
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