Avec les équipes Boels Dolmans, Sunweb et WaowDeals, les Pays-Bas possèdent trois des plus grandes locomotives du peloton féminin. À l’inverse, en France, il n’existe qu’une seule formation féminine évoluant au plus haut-niveau du cyclisme mondial : la FDJ-Nouvelle Aquitaine- Futuroscope. Créée il y a douze ans dans la Vienne, la structure a pris un tout nouveau tournant en 2017, avec l’arrivée de la Française des Jeux (FDJ) comme sponsor principal. Classée 10e mondiale l’année dernière, l’équipe nous a ouvert ses portes à plusieurs moments clés de la saison, de sa préparation sur les routes vallonnées de la Catalogne cet hiver, jusqu’au printemps des classiques belges. Reportage embarqué.
PAR FLORIANE CANTORO
PHOTOS : © THOMAS MAHEUX / FDJ NOUVELLE AQUITAINE FUTUROSCOPE
Extrait du magazine WOMEN SPORTS N.9 de juillet-août-septembre 2018.
Mercredi 7 février. Il est presque dix heures lorsque les premiers maillots bleu-blanc-rouge apparaissent à l’entrée du Cambrils Park Resort. Nous sommes dans la province de Tarragone, au sud de Barcelone. C’est ici que les cyclistes de l’équipe FDJ-Nouvelle Aquitaine-Futuroscope effectuent leur dernier stage d’entraînement avant le début de la saison. Thibaut et Rodolphe, les mécanos du team, peaufinent la préparation des vélos à l’intérieur du camion. Les filles arrivent en tenue, casque vissé sur la tête et chaussures à la main. Avec elles, Nicolas Maire, 37 ans. Cet ancien conseiller technique du comité d’Indre-et-Loire est l’un des deux nouveaux directeurs sportifs de l’équipe avec Cédric Barré, 36 ans, qui occupait le même poste au sein de l’Armée de terre il y a encore quelques semaines. On distingue un sourire discret, mais franc, sur son visage. « Le soleil, enfin ! » souffle-t-il. Il nous explique que la pluie a sérieusement gâché la semaine et atteint le moral des troupes. La veille, des litres d’eau tombaient encore à seaux sur la petite station balnéaire catalane. Alors ce matin, forcément, le bleu du ciel ne laisse personne indifférent. Ni le staff, ni les coureuses, ni même le personnel du complexe sportif venu joyeusement saluer ses invités avant le départ.
Huit coureuses pros sur douze
Les filles terminent de s’équiper dans cette bonne humeur ambiante et regagnent la route. 130 kilomètres et quelques belles ascensions sont au programme de la matinée, soit l’équivalent de 5 heures de vélo. Nicolas Maire intègre le peloton tandis que son homologue s’installe au volant dans la voiture FDJ. Les cyclistes roulent prudemment pour sortir de la ville, deux par deux. « Elles sont plus disciplinées que les garçons », s’amuse Cédric Barré. C’est la première fois que l’ancien champion de France militaire s’occupe d’une équipe féminine. L’une des principales différences avec son ancienne formation de l’Armée de terre, qui avait acquis le statut professionnel en 2015 et évoluait en 3e division avant d’être dissoute à l’automne dernier, c’est bien entendu le degré de professionnalisation. Les 19 coureurs militaires étaient professionnels tandis qu’à FDJ-Nouvelle Aquitaine-Futuroscope, seulement huit coureuses sur douze ont un contrat pro. Un nombre qui a largement augmenté avec l’arrivée de la Française des Jeux comme partenaire en 2017 puisque seule Roxane Fournier était payée pour courir la saison précédente (voir encadré ci-dessous). Les quatre filles du team qui ne sont pas salariées sont encore étudiantes et touchent à minima 400 euros par mois. Mais le triplement de la dotation de FDJ cette année et le prolongement de son sponsoring jusqu’en 2020 sont autant de signes qui laissent présager une professionnalisation totale de l’équipe d’ici quelques années.
AVEC FDJ, L’ÉQUIPE A CHANGÉ DE BRAQUET !
Partenaire historique du mouvement sportif français, FDJ s’est lancée il y a trois ans dans la promotion du sport féminin avec son programme « Sport Pour Elles ». C’est dans ce cadre que la première loterie de France, propriétaire de sa structure masculine depuis 1997 (rejointe cet hiver par Groupama), a décidé de s’associer en 2017 à la seule équipe cycliste féminine française évoluant au plus haut niveau international. Ainsi, la formation Poitou-Charente Futuroscope 86 est devenue FDJ- Nouvelle Aquitaine-Futuroscope. Née dans la Vienne en 2006 sous l’impulsion de Gatien Merlot et Serge Gautreau, l’équipe reste basée autour du Futuroscope, à Poitiers, et des dizaines de PME locales partenaires. Avec l’arrivée de FDJ, le budget du team a été porté à 800.000€ dès la saison 2017 (contre 500.000€ auparavant), ce qui a permis à l’équipe d’être ambitieuse sur le World Tour féminin, le circuit international de référence, et de décrocher une 10e place mondiale historique. Triplée par rapport à l’an passé, la dotation de FDJ a engendré une augmentation de 30% du budget global de la formation qui atteint aujourd’hui 1 million d’euros. Le sponsoring de FDJ court jusqu’en 2020. Il a également permis à l’équipe de se professionnaliser. La structure, dirigée par une équipe de bénévoles, emploie 21 personnes (coureuses et staff), entre temps plein et mi-temps. En un an, le nombre de coureuses professionnelles est passé de 1 à 8. La mieux payée gagne 2.000€ par mois – cinquante fois moins qu’un sprinteur de niveau mondial – mais déjà bien plus qu’il y a deux ans !
« Rester dans le top 10 mondial »
Le peloton pédale depuis une heure lorsqu’on arrive au pied de la première ascension. Un petit groupe emmené par Shara Gillow attaque. L’Australienne de 30 ans, recrue phare de 2017, prend rapidement le large. Depuis la voiture FDJ, on la voit passer et repasser dans les lacets du col, lancée sur son vélo à une allure folle. La puissance de ses coups de pédale est impressionnante – Christopher Froome n’a qu’à bien se tenir ! « Depuis quelques années, le niveau du cyclisme féminin augmente considérablement », analyse Cédric Barré. Le peloton prend un km/h tous les ans alors que la longueur maximale des courses augmente (160 kilomètres sur les courses en ligne). Le circuit de référence au niveau mondial, l’UCI World Tour Féminin (créé en 2016 en remplacement de la Coupe du Monde), accueille de nouvelles courses chaque année. En 2018, trois nouveaux rendez-vous ont été ajoutés au calendrier : les Trois Jours de La Panne (Belgique), la Emakumeen Euskal Bira (Espagne) et le Tour du Guangxi (Chine). Aujourd’hui, il comprend au total 23 courses, dont 7 par étapes, pour 52 jours de compétition. De belles classiques sont au programme. « Celle qui leur manque le plus ? Paris-Roubaix », n’hésite pas une seule seconde Thomas Maheux, photographe et community manager de l’équipe. Depuis le début de la matinée, assis à l’arrière de la voiture, il photographie les filles sous tous les angles. Grâce à ses clichés et son travail sur les réseaux sociaux, l’équipe française n’a plus rien à envier aux formations leaders mondiales en matière de communication.
« On a une meilleure équipe cette année avec l’arrivée de trois nouvelles étrangères et deux jeunes talents française » – Roxane Fournier
Arrivée au sommet en tête, Shara Gillow ne tarde pas à être rattrapée par le reste du groupe (preuve que l’écart se réduit aussi entre la première et la dernière du peloton !). Les filles prennent à peine le temps de boire quelques gorgées qu’elles remontent déjà en selle. « L’objectif, cette saison, est de pérenniser notre 10e place mondiale », précise Cédric Barré. La formation française aimerait également remporter une belle victoire. Roxane Fournier, leader au sprint, est confiante quant aux ambitions de sa formation : « On a une meilleure équipe cette année ; le collectif a été renforcé avec l’arrivée de trois nouvelles étrangères et deux jeunes talents français. Les étrangères ont de l’expérience dans les meilleures équipes mondiales. Elles vont beaucoup nous apporter en matière de connaissances et de fonctionnement. » Pour le moment, les filles apprennent à créer un groupe qui fonctionne.
Le soleil brille toujours autant lorsque le petit peloton de FDJ-Nouvelle Aquitaine-Futuroscope atteint le point le plus haut du parcours. Dans les fossés, des restes de neige traînent encore et incitent les filles a rapidement entamer leur descente, à la recherche de quelques degrés supplémentaires. Il est 15 heures lorsqu’elles retrouvent les routes plates de Cambrils. Elles ont 4h53 de vélo dans les jambes. Perché sur sa selle et accroché à la fenêtre de la voiture FDJ, côté conducteur, Nicolas Maire paraît satisfait. « Elles ont bien roulé ! » Les filles regagnent le village sauf deux d’entre elles : Maëlle Grossetête et Évita Muzic, les deux benjamines de la formation, font durer le plaisir. « 5 heures, c’est 5 heures. C’est psychologique ! », s’amuse Cédric Barré. La suite de la journée sera placée sous le signe du repos et de la récupération : douche, repas (bien mérité!) et massage. Demain, les cyclistes de FDJ-Nouvelle Aquitaine-Futuroscope profiteront de leur dernier jour de stage en Espagne avant la présentation officielle de l’équipe, à Paris. Et le début des hostilités.
Dimanche 22 avril. Deux mois se sont écoulés depuis ma rencontre avec l’équipe en février. À présent, la saison est lancée et l’heure est aux classiques belges avec la célèbre Liège-Bastogne-Liège. La chaleur écrasante du matin ne laisse rien présager de bon quant à la météo. « Les orages ne sont annoncés qu’après 14 heures… », tente de rassurer Rodolphe en effectuant les deniers réglages sur les vélos. Les filles s’équipent à l’intérieur du camping-car. De l’autre côté de la rue, juste en face de FDJ, trône l’immense bus noir et orange de l’équipe Boels Dolmans. « Il doit coûter dans les 600.000 € », estime Stephen Delcourt. Le manager de l’équipe FDJ-Nouvelle Aquitaine-Futuroscope loue l’exemplarité de la formation norvégienne, numéro un mondiale depuis deux ans, qui met ses cyclistes dans les mêmes conditions que les hommes (bus, salaires). Il estime à 2,5 millions d’euros l’enveloppe globale de l’équipe phare du peloton féminin quand lui doit se contenter d’un million. « Ce n’est pas le budget d’une équipe professionnelle, admet le manager français, directeur de banques de profession. Il faudrait au moins 1,5 million pour que les 12 filles soient salariées. Notre but n’est pas d’avoir des stars mais d’arriver à ce que tout le monde puisse être payé et en vivre. Arrêter la précarité du cyclisme féminin. » Une ambition qui pourrait bientôt voir le jour : David Lappartient, président français de l’Union cycliste internationale (UCI), souhaiterait créer un contrat de travail et instaurer un salaire minimum pour les filles d’ici l’an prochain.
L’Union cycliste internationale milite pour la création d’un salaire minimum pour les coureuses
10h20. Une, deux, trois… coureuses nous passent sous le nez afin d’aller se positionner sur la ligne de départ de la « doyenne » des classiques dont c’est seulement la deuxième édition pour les femmes. Les six filles de FDJ ajustent leurs oreillettes et filent en direction d’un peloton féminin qui s’étoffe (46 équipes en 2018, contre 40 en 2016), pour les 136 kilomètres de course du jour.
On vient à peine de quitter Bastogne qu’on double déjà une lâchée. « On ne la reverra plus de la journée celle-là », annonce Cédric Barré. Installé au volant de la voiture FDJ-Nouvelle Aquitaine-Futuroscope, le DS est attentif au moindre son émis par Radio Course, la fréquence qui donne des informations en direct. On est loin de la petite promenade sur les hauteurs de Cambrils cet hiver ! Aujourd’hui, chaque point compte et ça se ressent. Radio Course annonce trois échappées dès le 5e kilomètre. Parmi elles, Rachel Neylan, une Australienne de la Movistar. La formation espagnole, une des plus vieilles du peloton messieurs (38 ans), a fait son entrée dans le cyclisme féminin cet hiver. La structure ibérique suit les traces de ces équipes désormais mixtes telles que Lotto-Soudal (2006), Sunweb (2011) et Michelton-Scott (2017). « La team Movistar féminine a été créée au sein même de l’équipe messieurs : il s’agit de la même structure juridique et les deux équipes ont un seul et même manager », explique Stephen Delcourt. Un fonctionnement quelque peu différent de celui de FDJ. « FDJ-Nouvelle Aquitaine-Futuroscope est une entreprise à part entière, indépendante de la structure messieurs de Marc Madiot », précise le manager français. Cela n’empêche pas quelques similitudes entre les formations féminine et masculine de l’entreprise publique de jeux, toutes deux équipées par Shimano pour la partie vestimentaire et Lapierre pour les vélos.
Kilomètre 13. La voix de Moniek Tenniglo retentit dans la voiture et nous sort brusquement de nos songes. C’est un problème de roue avant. Ni une, ni deux, Cédric Barré déboîte sur la gauche, double la le indienne de véhicules qui suit le peloton pour atteindre le fond de course. En moins de trente secondes, Rodolphe redonne de quoi rouler à la Néerlandaise de 29 ans qui devra fournir un gros effort pour rattraper le groupe. Et déjà griller quelques cartouches… « On a vraiment pas de chance… », peste son directeur sportif – un comble pour une équipe sponsorisée par le trèfle à quatre feuilles ! Et pourtant, depuis le début de la saison, l’équipe n’a pas été épargnée par le sort. De nombreuses chutes ont décimé l’effectif : Maëlle Grossetête sur l’Omloop Het Nieuwsblad en février (fracture de la hanche), Roxane Fournier sur le Tour des Flandres début avril (côtes cassées) et Lauren Kitchen sur l’Amstel Gold Race mi-avril (fracture du radius et sévères plaies au visage). Sans compter le braquage du camion dans la nuit précédant le Trofeo Binda en Italie en février, où huit vélos ont été volés. C’est sûr, ça fait beaucoup.
« Les choses sérieuses commencent »
La côte de La Vecquée, au kilomètre 82, vient pimenter une course monotone depuis le départ de Bastogne. L’échappée qui s’était formée dans les premiers kilomètres est rejointe par le peloton au moment d’attaquer ce premier gros morceau du parcours, long de 6,5 kilomètres. On dépasse une bonne trentaine de coureuses, mais aucun maillot bleu-blanc-rouge à l’horizon. Plutôt bon signe. Les six filles de FDJ sont encore dans la course au moment de s’engager sur le deuxième secteur incliné, la célèbre côte de La Redoute. Un endroit désigné la veille, en brief d’avant-course, comme le point crucial du parcours. « Allez les filles, on place Shara », n’hésite pas à rappeler le directeur sportif. L’année dernière, la leader australienne s’était classée 7e. Aujourd’hui, et comme sur chaque course du World Tour, FDJ-Nouvelle Aquitaine-Futuroscope vise au moins le top 10. « Pourvu qu’il n’y ait pas de problème… ». Sur ce tronçon du parcours – un col sinueux et étroit – l’assistance technique est quasi-impossible, surtout quand on occupe la 13e place du cortège de voitures des directeurs sportifs. Pas moyen de doubler. On passe déjà (trop) prêt des spectateurs, venus nombreux assister au passage des filles, en préambule de la course messieurs qui aura lieu dans quelques heures. C’est un modèle d’organisation qui existe depuis 1998 avec la Flèche Wallonne et qui se développe énormément (voir encadré ci-dessus).
LE PELOTON FÉMININ GAGNE EN VISIBILITÉ
À l’image des classiques belges Liège-Bastogne-Liège (2017) et la Flèche Wallonne (1998), de nombreuses courses féminines sont organisées en lever de rideau de l’épreuve masculine. C’est le cas pour Gand-Wevelgem (2012), la Course by le Tour de France (2014), les Strade Bianche (2015) ou encore l’Amstel Gold Race (2017). Ce qui n’est pas pour déplaire au cyclisme féminin, qui profite ainsi du public des hommes pour gagner en visibilité. Outre ces courses jumelées, les organisateurs du World Tour Féminin ont une obligation de diffusion télévisée. Elle peut prendre plusieurs formes : retransmission en direct, live stream, highlights après la course (minimum 20 minutes) ou 20 minutes de diffusion en direct dans le live de la course messieurs pour les courses ayant lieu le même jour. Ces obligations ont permis une augmentation considérable du nombre d’heures à la télévision : plus de 600 heures en 2017 au niveau mondial, contre 300 en 2016. « L’année dernière, ma famille a pu suivre la Course by le Tour de France depuis l’Australie », apprécie Shara Gillow. Les organisateurs doivent également assurer une présence de qualité sur internet avec un site et des réseaux sociaux dédiés, où les courses sont commentées en direct.
Pauline Ferrand-Prévot sort la première de La Redoute alors qu’il commence à pleuvoir sur la course. Depuis 2017, l’ancienne championne du monde, star du cyclisme féminin tricolore, court sous les couleurs de la formation allemande Canyon SRAM-Racing, 2e au classement mondial. « Elle anticipe mais elle est toute seule », analyse le directeur sportif de FDJ-Nouvelle Aquitaine-Futuroscope. Un maillot bleu-blanc-rouge apparaît au loin : c’est celui de Moniek Tenniglo. Un peu plus haut, Charlotte Bravard se trouve également dans un groupe de lâchées. La championne de France 2017 accuse le coup après avoir tout donné pour placer sa leader en bonne position au pied de La Redoute… C’est ça le vélo.
« Crash ! Crash in the downhill ! », s’excite en anglais le speaker de Radio Course. Dans la voiture FDJ, on serre les fesses. « Pitié, pas nous… pas encore ». Un kilomètre plus loin, on découvre Marianne Vos à terre sur le bas-côté. La championne d’Europe 2017 est tombée alors que les coureuses bataillaient pour leur position avant la troisième côte. La Néerlandaise de 31 ans, leader chez WaowDeals Pro Cycling, terminera la course plus de six minutes après le trio de tête et avec une fracture à la clavicule. « C’est incroyable le nombre de chutes cette année… », s’étonne Cédric Barré. Mais le directeur sportif n’a pas le temps de pleurer le sort des malheureuses à l’approche de La Roche-aux-Faucons. Il reste encore quatre filles dans la course et nous sommes à 20 kilomètres de l’arrivée. On remonte plusieurs cyclistes jusqu’à apercevoir deux nouveaux maillots de la formation française : Victorie Guilman et Évita Muzic, les deux plus jeunes coureuses de la journée. Au moment où l’on atteint leur hauteur, Shara nous prévient dans l’oreillette que Rozanne a besoin d’aide. La voiture FDJ est appelée à la radio. « I’m coming, I’m coming », tente-t-on de répondre dans le micro. Accélération, coups de volant à droite, à gauche. La zone est encombrée: voitures des commissaires, motos, photographes, supporters. Tout le monde gêne tout le monde ! Quand on parvient enfin à dépanner Rozanne Slik avec un nouveau vélo, elle a déjà perdu quelques précieuses secondes sur le groupe devant elle. Mais la Néerlandaise vient du VTT et a une bonne technique.
1.150 € et un jambon !
Sur les quinze derniers kilomètres, Radio Course ne parle que du quatuor de tête parmi lequel se trouve la Néerlandaise Anna van der Breggen. Depuis deux ans, la star de Boels-Dolmans est vraiment au-dessus du lot. « Encore une victoire de Van der Breggen », prédit déjà le staff de FDJ. À chaque intervention du poste, on essaie de décrypter les informations du speaker. Pas un mot sur Shara. « Mais bon sang, où-t-elle ? ». Il faudra attendre de la retrouver au camping-car pour le savoir : l’Australienne termine à la 9e place, dans un groupe avec Pauline Ferrand-Prévot, à 1 minute 15 de la lauréate… Anna van der Breggen (évidemment !). En début de semaine, le jour de ses 28 ans, la Néerlandaise avait remporté la Flèche Wallonne. En 2017, c’était déjà elle qui s’était imposée sur les deux classiques belges du printemps. Van der Breggen empochera 1.150 € pour sa victoire à Liège et un jambon, tandis que le vainqueur masculin de la « doyenne », Bob Jungels (Quick Step), recevra pour sa part 20.000 € (mais pas de jambon !).
De retour au camping-car, les filles sont attendues par quelques fans. Certains échangent des bières contre un autographe. « Ah, la Belgique ! » Le manager Stephen Delcourt est satisfait : « On est dans le top 10. » Pour la petite formation poitevine, qui était 22e mondiale il y a tout juste deux ans, l’essentiel est assuré. La semaine suivante, une partie de l’équipe s’envolera pour la Chine et le Tour de Chongming Island. Une fois de plus, l’objectif de FDJ-Nouvelle Aquitaine-Futuroscope sera de titiller le podium et de s’inscrire un peu plus dans l’élite du cyclisme féminin mondial.
UN TOUR DE FRANCE FÉMININ ? PAS POUR TOUT DE SUITE…
Entre 1984 et 1989, la société du Tour de France (Amaury Sport Organisation aujourd’hui) lance un Tour de France féminin. Il est organisé sur une partie de l’étape des hommes, en lever de rideau de l’épreuve masculine, avant le passage de la caravane publicitaire. L’expérience avorte après seulement six éditions et trois victoires de Jeannie Longo. Dans les années 1990, la Grande Boucle féminine prend le relais, suivie de la Route de France féminine internationale de 2006 à 2016. Aujourd’hui, beaucoup regrettent que le Tour de France n’ait pas son pendant féminin. Mais, dans le milieu, on reste plus pragmatique. « Aujourd’hui, le peloton féminin ne pourrait pas faire trois semaines de course comme les garçons, explique Stephen Delcourt, manager de FDJ-Nouvelle Aquitaine-Futuroscope. Ce n’est pas un problème physique car, sportivement, les femmes en seraient largement capables. Mais les équipes féminines n’ont pas encore les moyens logistiques, humains et financiers de partir sur trois semaines de compétition. Je préfère faire une semaine avec diffusion télévisée que trois semaines avec 10 minutes d’antenne. Il faut faire les choses dans l’ordre ! »
En 2014, Amaury Sport Organisation a inauguré la première édition de la Course by le Tour de France, une compétition féminine organisée sur les Champs-Élysées en juillet, le dernier jour du Tour de France, quelques heures avant l’arrivée du peloton masculin. La course, qui compte parmi ses partenaires majeurs la Française des Jeux, a depuis pris du volume. L’année dernière, une seconde étape a été créée : un contre-la-montre entre les 20 meilleures cyclistes, dans le Vélodrome de Marseille, en ouverture de la 20e étape du Tour de France.
En attendant l’intégration d’une Grande Boucle féminine dans le calendrier des courses internationales, l’association « Donnons des Elles au Vélo » s’est donnée pour mission de représenter le cyclisme féminin sur les routes de France en juillet. Depuis 2014, 12 femmes de niveau amateur réalisent l’intégralité des étapes du Tour de France, un jour avant le peloton professionnel messieurs.