Amale Dib, 29 ans, est devenue en 2020 la première catcheuse française à signer un contrat avec la WWE, la plus importante fédération de catch au monde. Entre idées reçues, rêve d’enfance et une vie à 1000 à l’heure, The French Hope a raconté à Women Sports l’envers du décor de ce sport-spectacle qu’est le catch. PAR RUBEN DIAS. Extrait du WOMEN SPORTS N°27.
La présence est saillante, l’aisance au micro notable. Le public au bord du ring est conquis. Elle n’a que 29 ans mais Amale Dib est déjà dans le Hall of Fame du catch français. Comme l’immense André Le Géant à son époque, la Française est devenue en 2020 la première tricolore à signer un contrat avec la World Wrestling Entertainment. Le rêve d’une vie. « La WWE c’est l’objectif d’une carrière. Quand on est jeune, c’est ce qu’on regarde à la télé. En France, aucune femme n’avait signé avec eux. Je ne pensais même pas que c’était possible, je n’osais pas rêver si grand », explique Amale, des étoiles dans les yeux.
Pourtant, après une dizaine d’années à se balancer de cordes en cordes à travers l’Europe et les petites fédérations de catch, le géant américain va frapper à sa porte. « Ils étaient de passage en Europe. J’ai passé un entretien d’embauche. C’était en Allemagne. Ils avaient sélectionné 44 athlètes à travers l’Europe pour leur nouveau télécrochet NXT UK. Ils cherchaient une Française et à la fin du camp d’entraînement, j’ai été choisie. J’ai fait un enregistrement à Londres » et le voyage était lancé pour celle qui jonglait jusque-là entre le catch et son métier d’enseignante.
Le catch, c’est du Fake ?
Sport-spectacle scénarisé, le catch sort souvent du lot dans le coeur des fans. Et pour cause : c’est un mélange habile de performances physiques, athlétiques et théâtrales, nous détaille la native de Béziers. « On est en live action. On pourrait presque comparer ça à du cinéma, mais à la différence des films, nous n’avons pas de cascadeurs et n’avons qu’une seule prise ! » L’objectif pour les catcheurs est simple, rendre cela le plus vrai possible, tout en essayant de se faire le moins mal. C’est une tâche bien difficile, confie Amale : « Au départ, je pensais que c’était simple. La superstar débarque sur le ring, fait trois saltos, prend quelques coups et quelques chutes avant de s’en aller tranquillement… À mon premier entraînement c’est vite par- ti je vous rassure » en rigole-t-elle avant de changer de ton sur une autre idée re- çue : ‘le catch c’est complètement faux de toute façon’.
« C’est super réducteur de dire que dans le catch tout est faux », s’emporte Amale. Si les matchs et les « storylines » sont bien scriptés, les contacts eux sont bien réels. « Quand on chute de la 3e corde, cela fait vraiment mal. On prend des vrais coups. Mais évidemment, c’est scénarisé. Mon adversaire sait qu’elle va prendre un coup à tel endroit, moi de mon côté je sais que je vais devoir faire telle prise à tel moment. » Les exemples de catcheurs et catcheuses contraints d’arrêter leur carrière sont nombreux, alors « non, le catch ce n’est pas faux. Nous sommes des athlètes qui passons notre vie entre les salles de sport et les avions », conclut la Française un brin remontée.
Aisance au micro et cours de théâtre ?
Comme dans le théâtre et le cinéma, les catcheurs jouent un rôle. Leur propre rôle. Les superstars de la WWE déploient ainsi leurs talents dramatiques. Pour cela, il est primordial d’avoir une aisance à l’oral. Micro à la main, Amale fait monter la sauce dans le public. « Les décisionnaires nous donnent un match. Ils me disent ‘Amale, ce soir tu affrontes tel adversaire, vend le match, donne envie aux gens de venir le voir.’ » Malgré la pression d’une salle remplie et face au regard des spectateurs, les athlètes réus- sissent à transmettre des émotions. « Les performances sur le ring sont importantes, mais le micro c’est un exercice primordial », décrypte la Française. Au sein de la WWE, les cours de théâtre sont obligatoires. Mais Covid-19 oblige, Amale n’a pas eu l’opportunité de s’y mesurer.
Acclamée par la foule
La WWE, première entreprise de catch mondial, produit différents shows. Les plus connus sont SmackDown, Raw et NXT. Jusqu’à récemment, les superstars de ces trois événements ne se mélangeaient que très rarement. Alors, quand SmackDown fait escale à Paris en avril 2022, les espoirs de voir Amale sur le ring sont minces. Mais les pancartes dans le public vont avoir raison de la logique. « Je n’avais aucune raison d’être là. Un des responsables m’amène faire des photos et… la salle explose ! » Dans un Accor Hotel Arena sold out venu voir les exploits de Randy Orton, Ronda Rousey, Sasha Banks et autres Roman Reigns, la star c’est Amale. Les ‘We Want Amale’ ré- sonnent dans la salle et la « personne qui m’accompagnait a dit à ses supérieurs ‘Il faut qu’on fasse un truc avec elle’, ra- conte la Française encore surexcitée. Je suis partie saluer les gens sur le ring. Ça restera pour longtemps l’un des plus beaux moments de ma vie ». Des idoles d’enfance devenus des collègues, c’est la vie qu’a décidé de mener Amale, « je sais où je veux être : au main roster de la WWE ».
La nouvelle figure du catch féminin en Europe ?
« Je catche tous les week-ends dans des lieux différents. » Sur la route toute la sainte journée, Amale ne cesse de s’amuser, « Allemagne, Hollande, Pakistan… je travaille un peu partout. Je continue de progresser », assure- t-elle. Alors qu’elle fait un essai dans le MMA, pour améliorer ses prises au sol, la Française a un objectif en tête : être l’une des têtes d’affiche du projet NXT Europe, qui vise à rassembler les meilleurs catcheurs du continent. « Ils veulent ouvrir cette branche en 2023. Rien n’est signé mais l’espoir ne meurt jamais. Après moi, je me dis qu’en Europe il y a la France, et la France c’est moi donc… Je continue à travailler dur. S’il y a la WWE tant mieux, s’il n’y a pas la WWE on fera sans », conclut Amale. Le combat continue.