Entretien exclusif avec la nouvelle ministre des Sports. On ne présente plus la quintuple médaillée olympique à l’épée. On découvre en revanche totalement la femme politique ! La nomination de Laura Flessel est une divine surprise pour le mouvement sportif en général et pour la cause du sport au féminin en particulier. Si le dossier « Paris 2024 » est sa priorité absolue, celle que l’on surnommait « La Guêpe » a bien l’intention de porter l’estocade sur toutes les questions qui lui tiennent à cœur. La place des femmes dans la gouvernance du sport en fait partie !
Propos recueillis par David Tomaszek
Vous avez déclaré avoir été surprise de votre nomination. Comment l’avez-vous apprise ? N’avait-elle jamais été évoquée auparavant lors de vos échanges avec Emmanuel Macron ou son État-major ? Est-ce un poste dont vous aviez rêvé ou à tout le moins que vous aviez envisagé occuper un jour ?
Certains se rêvent ministres depuis leurs jeunes années. Pour ma part, et je vous prie de me croire, ça ne m’a jamais effleuré l’esprit. Engagée, je l’ai toujours été. Dans le milieu associatif et humanitaire, en particulier. Mais je ne me suis jamais projetée en politique. Par l’intermédiaire d’amis engagés dans l’aventure « En marche », j’ai rencontré Emmanuel Macron pendant la campagne électorale, pour parler sport pour tous, grands événements sportifs, sport santé, valeurs du sport… Nous étions sur la même longueur d’ondes et j’étais disposée à lui prêter main forte là où j’aurais pu lui être utile, s’il gagnait l’élection. Une fois élu, il a estimé, avec le Premier ministre, que je serais utile à la tête d’un ministère pleinement consacré aux sports. Bien sûr, c’est un choix de vie. Lorsque vous acceptez une telle mission, votre quotidien est bouleversé du jour au lendemain. Mais je n’ai pas hésité. J’ai accepté l’honneur qui m’était fait de servir mon pays et de me donner enfin les moyens de mettre en application les idées que je mûris depuis des années pour le sport en France.
Quelle est votre proximité avec le Président ? Quel soutien lui avez-vous apporté durant la campagne ?
Vous le savez, je suis issue de la société civile. Je n’ai jamais pris part à une campagne électorale. J’ai fait une exception entre les deux tours de cette élection présidentielle, en m’associant à un appel de sportifs à voter pour Emmanuel Macron au second tour. Car voir mon pays dirigé par le Front national aurait été insupportable.
Comment avez-vous vécu votre tout premier conseil des ministres ? Une anecdote ? Une émotion particulière dont vous pourriez nous faire part ? Un « collègue » ministre dont vous vous sentez proche ?
C’était comme une rentrée des classes. De nouveaux visages, de nouveaux noms, de nouveaux lieux. Et surtout, beaucoup de travail en perspective, et donc un grand honneur et une immense responsabilité. Je connaissais l’Elysée, pour y avoir été invitée en tant que championne autrefois. Cette fois-ci, j’y étais en tant que ministre. Il est encore tôt pour parler de proximité avec mes collègues ministres. Ce que je peux néanmoins vous dire, c’est que j’ai noté bien précieusement les coordonnées de mon collègue aux comptes publics, car j’aurai bientôt besoin de lui pour disposer d’un budget à la hauteur de mes ambitions pour le sport !
Est-il trop tôt pour vous demander quelles seront vos priorités ? On imagine aisément que Paris 2024 est votre dossier N°1. Quels sont les N°2, N°3… ?
Bien sûr, Paris 2024 est une priorité. Je l’ai dans la peau : je veux que Paris soit désignée le 13 septembre prochain comme ville hôte des Jeux, et je ferai tout pour accompagner notre candidature dans les quelques mois qui nous restent. Si ce dossier est en haut de la pile, c’est parce qu’il peut nous permettre de faire du sport un vecteur de nos politiques publiques dans de nombreux domaines. Car le sport touche des enjeux bien plus larges. Le sport pour tous et par tous, j’entends par là la féminisation du sport, le développement de la pratique par des personnes en situation de handicap, la lutte contre toute forme de discrimination dans le sport, mais aussi le sport santé, sont des chantiers absolument prioritaires pour moi.

La parité a été instaurée dans le Gouvernement. À quand la parité dans les instances sportives ?
Voilà un chantier auquel je vais vite m’atteler ! Nous en sommes encore loin, je le regrette. Je suis aussi là pour faire évoluer les mentalités et permettre aux femmes de briser le plafond de verre encore trop présent dans la gouvernance sportive. Et ça commence par mon Ministère !
« Être féministe ce n’est rien de plus que souhaiter l’égalité entre les hommes et les femmes »
Quelle place pour le sport au féminin dans Paris 2024 ? En quoi gagner les Jeux est un enjeu majeur pour le sport français sur le long terme ?
L’élan qui découlerait d’une décision du CIO en notre faveur le 13 septembre prochain nous ouvrirait de très nombreuses portes. Je veux absolument saisir cette opportunité pour mettre le sujet de la lutte contre les discriminations sur la table. Être féministe ce n’est rien de plus que souhaiter l’égalité entre les hommes et les femmes. Si nous obtenons l’organisation des jeux olympiques et paralympiques, ce discours aura bien plus d’écho. Permettre aux femmes d’accéder aux responsabilités, d’atteindre le haut niveau sans avoir à affronter plus de difficultés que les hommes, corriger les inégalités d’accès à la pratique sportive, ne pas les cantonner à un nombre restreint de sports, ce sont des exigences qui me semblent évidentes, mais mes premiers jours d’exercice en tant que ministre m’ont bien prouvé que ça n’allait pas de soi ! J’observe que de plus en plus de fédérations internationales développent des épreuves mixtes, comme des relais composés d’hommes et de femmes. C’est une très bonne chose selon moi. Favoriser l’égalité entre les hommes et les femmes dans le sport, ça commence par les mettre ensemble sur un même terrain de sport.
Le budget des sports est de loin le plus faible de l’État. Militerez-vous pour changer cela ?
L’ensemble du gouvernement doit s’astreindre à un sérieux budgétaire nécessaire dans la période que nous vivons. Vous pouvez néanmoins compter sur moi pour défendre mon budget !
Question décalée pour conclure. C’est la seconde fois qu’un escrimeur devient ministre des Sports, après Jean-François Lamour. C’est quoi le secret de votre discipline ?
C’est une pure coïncidence ! Si je suis ministre, c’est surtout parce que je crois au projet porté par Emmanuel Macron.
Laura Flessel, en bref
Née le 6 novembre 1971 à Pointe-à-Pitre (Guadeloupe)
Son palmarès en escrime (épée) :
JO : 2 médailles d’or, 1 médaille d’argent, 2 médailles de bronze
Championnats du monde : 6 médailles d’or, 3 médailles d’argent, 4 médailles de bronzePrincipales activités professionnelles :
Gérante de la société Flessel & Co qui gère ses droits à l’image
Nommée membre du Conseil économique, social et environnemental en 2010 Consultante pour Canal+ durant les JO 2016
Nommée ministre des Sports dans le gouvernement Édouard Philippe le 17 mai 2017Principales distinctions :
Chevalier de l’Ordre national de la Légion d’honneur
Commandeur de l’Ordre national du Mérite