Comme peuvent l’être les sports automobiles, l’aviation est sous un anticyclone de préjugés plus ou moins persistants. Mais la voltige aérienne française brille par ses championnes ! Adèle Schramm et Marjorie Perrissin-Fabert font partie des meilleures spécialistes mondiales dans le domaine du pilotage de précision. Elles composent un équipage totalement féminin, peu commun en aéronautique. Un duo à la tête dans les nuages, prêt à faire tomber les barrières du genre en amenant les plus grandes passionnées dans leur sillage. PROPOS RECUEILLIS PAR RAPHAËL MARCANT. Extrait du WOMEN SPORTS N°29.
Déposée sur une piste par une cigogne à sa naissance, Adèle Schramm a toujours vécu en altitude. Lancée dans l’aviation par le biais du planeur à l’âge de 15 ans, elle a fait de sa plus grande passion son métier en devenant contrôleur aérien avant de prendre son envol grâce à la pratique sportive en 2015. Double tenante du titre de championne de France, elle a fait partie du triomphe tricolore lors des Championnats du monde (pilotage de précision épreuve par équipe, 2022, ndlr) avec la médaille d’argent autour du cou. Si elle a fait un bon bout de chemin de- puis son arrivée dans le monde de l’aéronautique, elle l’a parcouru aux côtés de Marjorie Perrissin-Fabert. Cette dernière, coéquipière et amie, est détentrice d’une trajectoire peu commune : « L’aviation ne m’était pas prédestinée. J’ai commencé en 2009 un peu par hasard, lorsque mon copain de l’époque a proposé de m’initier. D’abord en loisir, j’y ai vite pris goût. C’était il y a quatorze ans, mais je m’éclate toujours autant ».
Et l’environnement dans tout ça ?
Si leur parcours est bien distinct, une alchimie imperceptible les lie. Amies en dehors, elles forment aujourd’hui un équipage peu commun, 100 % féminin. Une rareté dans les sports aériens alors qu’elles sont les seules dans l’Hexagone. C’est aussi pour cette raison qu’elles espèrent pouvoir briller lors des Championnats du monde de rallye aérien organisés en France cet été. Elles espèrent pouvoir être des modèles pour une nouvelle génération attendue : « J’aimerais pouvoir me dire qu’il y a des jeunes filles qui ont osé se lancer (grâce à nous, ndlr). Ce n’est peut-être pas là qu’elles sont les plus attendues, mais allez-y, n’ayez pas peur. Il ne faut pas croire que c’est hors de portée. Si par le biais de nos performances, on peut leur donner envie de franchir le pas et de casser certaines barrières, ce serait super », souligne Adèle Schramm.
Visée par de nombreux préjugés, la pratique des sports aériens est plus accessible qu’il n’y paraît. Loin d’être un symbole de mixité, l’aéronautique fait pourtant la part belle aux femmes, dont la compétitivité est prônée : « Au sein de la FFA, il y a seulement 7 % de pratiquantes, pourtant, il y a 15 % de femmes au ni- veau des sports aériens. Je pense que les filles passionnées sont plus investies que les hommes et donc plus performantes. C’est une pratique traditionnellement très masculine mais les mentalités évoluent », poursuit-elle. Des propos appuyés par une nouvelle statistique sortie de son chapeau alors que 25 % des participants au brevet d’initiation d’aéro- nautique dans les collèges et les lycées sont des participantes. Un constat positif partagé par Marjorie Perrissin-Fabert, qui estime que les portes leur sont désormais grandes ouvertes. Vous n’avez plus la moindre excuse !
LA VOLTIGE AÉRIENNE EN BREF, PAR ADÈLE ET MARJORIE
L’aéronautique sportive pour les Nuls : 3 disciplines distinctes
– La voltige aérienne consiste à effectuer des manœuvres aériennes peu communes (vrille dos, cloches, soleil…). Une compétition se découpe en différentes étapes avec un programme libre, que le pilote conçoit à sa guise, un programme imposé connu de tous, ainsi qu’un programme inconnu dévoilé le jour même. Ses performances sont ensuite jugées selon la qualité de ses réalisations et leur conformité avec ce qui était initialement prévu.
– L’objectif du pilotage de précision est de jauger la capacité du pilote à suivre un trajet préétabli dans un temps donné tout en retrouvant des éléments remarquables au sol. Enfin, il faut se poser en toute sécurité dans un lieu très précis afin de clore son parcours.
– Dernière discipline, le rallye aérien est un exercice de navigation réalisé en équipage (un pilote et un navigateur), composée de deux épreuves distinctes : la ponctualité et l’observation. Cela consiste à préparer une navigation en amont, à la suivre avec précision en respectant des créneaux de passage aux points tournants. En parallèle, il faut être capable d’observer son environnement pour réaliser une reconnaissance de clichés avant d’atterrir avec précision. Un dernier détail des plus ardus dans cette grande chasse au trésor, comme aime l’appeler Adèle Schramm.
Du 30 juillet au 4 août, le rendez-vous est donné !
L’aérodrome de Mâcon- Charnay accueille les Championnats du monde de rallye aérien (WRFC). Une cinquantaine d’équipages et 25 avions de 20 pays différents sont attendus pour un affrontement dantesque. Duo 100 % féminin, Adèle Schramm et Marjorie Perrissin-Fabert auront peut- être la chance d’y défendre les couleurs de la France.
Les vols à ne surtout pas manquer
Selon Adèle Schramm : « J’ai eu la chance de faire un voyage dans les Caraïbes, dans un petit avion entre les îles. C’était le voyage d’une vie. Sinon, le vol en montagne. Ce sont toujours des paysages inoubliables. »
Selon Marjorie Perrissin- Fabert : « J’adore voler au-dessus des nuages. Cela me fait toujours entrer dans une 4e dimension. Quand je les vois, à perte de vue, je suis totalement en extase. »
« Ça pollue, ça pue, ça coûte cher, ça prend du temps… L’aviation ce n’était pas pour moi, c’était contre mes convictions, expose Marjorie Perrissin-Fabert. Mais aujourd’hui, il y a des choses qui sont faites, la Fédération (FFA, ndlr) est précurseur. Elle est en avance en ce qui concerne l’élaboration de nouveaux moyens de propulsions comme peuvent l’être l’aviation électrique ou les moteurs à hydrogène. Un point crucial pour l’écologie en termes d’environnement mais aussi de nuisances sonores.
Il existe aussi une initiative sur les terrains d’aviation, qui abritent une biodiversité unique. En partenariat avec l’association AéroBiodiversité, il y a la volonté de préserver ces espèces et cet habitat. Les préoccupations des gens ont changé et l’aviation aussi. »